samedi 31 août 2013

Quelque chose dans le ventre…



Cher Monsieur,
Pauvre, pauvre petit, vous me faîtes penser à mon plus jeune fils qui rentre en me disant "on m'a disputé"......oh.....il fallait hurler à l'aide face à l'agression, l'algarade que vous avez connu de la part d'une femme, valeureux chevalier! Vous prenez le métro, les bus? Non? A la bonne heure......votre trouillomètre est inversement égal à votre écriture, au niveau le plus bas. Mis à part soulever un livre ou un stylo, vous arrive-t-il de faire le coup de poing pour vous défendre? Vous êtes l'exemple type du français pédant d'aujourd'hui, fier de sa culture, de son érudition (vous avez dû sacrément vous ennuyer dans votre vie!), et qui fait un détour de 300 mètres quand il voit un Arabe dans sa vision. Je comprends les femmes qui préfèrent les noirs où les Arabes...eux au moins ont quelque chose dans le ventre...même s'ils font des fautes d'orthographe....Hou, il est malheureux l'enculeur de mouches.......relisez Proust ma chère, cela vous distraira.....
Orthographes avec un S, je suis mortifiée, tout bonnement mortifiée...je vais relire le bescherelle....non...rejoindre mon mari.....c'est plus rigolo. Bonne lecture.

Facebook est décidément une mine inépuisable. Surtout dans l'entourage de Renaud Camus et de ces (ses) walkyries qui se mêlent de politique, qui parlent toutes seules, et vous racontent votre vie comme si vous y étiez. Il y en a comme ça une escouade particulièrement grotesque (les femmes sont soit des héroïnes soit des connasses, et il arrive même qu'elles soient les deux à la fois). On conserve bien entendu pieusement ces "hurlements en faveur de Sade" qui disent un peu l'envers du décor, ou de la tripaille, et où l'on voit avec effroi se constituer tout un peuple de l'abjection qui puise dans son absence de vie et d'esprit la matière même de sa hargne malsaine et vengeresse. Quand on ne vit pas, on ne veut pas que les autres vivent, c'est un classique de l'âme humaine. Combien de fois aurons-nous constaté que ceux et celles (mais surtout celles) qui soi-disant veulent œuvrer au bien public et "se mettre à son service" ne font que camoufler d'inavouables pulsions et de fétides ressentiments ! Il faut toujours avoir à l'esprit, quand on prétend renverser l'ordre établi, que celui qui affleure juste au-dessous de la ligne de flottaison est en règle générale pis que celui qu'il va remplacer. L'étendard du Bien a toujours son pied trempé dans la sale chose qui remonte à la surface dès que les mains sont libres de tout lien. À chaque fois que la phrase « Tout plutôt que ça ! » est prononcée, on peut être certain que le tout sera cauchemardesque, infernal, invivable. L'histoire aujourd'hui nous en donne la preuve tous les jours sans que personne ne s'avise semble-t-il d'entendre la leçon. Les "Dégage" succèdent aux "Dégage", et dans la brutale déliaison qu'une telle formule évoque, dans l'oubli de la forme, des formes, et de l'Histoire, se fait jour une curieuse passion pour la répétition hystérique qui ne débouche jamais que sur un monde plus laid, plus bas, plus sombre et finalement désespéré. Le monde social n'est pas amendable, les hommes non plus, et le pire est toujours sûr, depuis toujours. Ceux qui veulent nous restituer une France propre, un pays sûr, une identité réaffirmée, ont souvent la sale gueule et la sale langue de Thénardier, qui veut surtout que son entreprise soit rentable et que chacun s'exprime et pense à peu près comme lui, et à chaque fois que nous le constatons — comme nous ne pouvons pas nous empêcher de le dire (ce qui leur déplaît très fortement car ainsi nous apparaissons comme le traître, comme le cracheur dans la soupe, comme celui qui renie son camp et son sang) —, nous apparaît que le retour à cette France-là mais surtout les moyens qui sans aucun doute accompagneront la fabrication de l'omelette au bon goût d'omelette seront pire que le mal. L'élagage, le raccourcissement, le rétrécissement, et l'égalitarisme forcené et obligatoire (ainsi que le mauvais goût qui les accompagne toujours), dont on dirait bien que tous les approuvent et les encouragent, sont dans le noyau de ce fruit qui a tendance ces temps-ci a pourrir sur pied. Ce fruit aime la chaleur, le sucre fondu de l'emportement, et vomit les tièdes, ceux qui doutent et qui leur paraissent "s'ennuyer dans la vie", tout simplement parce qu'ils ne partagent pas le mauvais goût populacier qui s'enivre de la liturgie spectaculaire, celle qui rassemble et permet de "faire trembler les pouvoirs". Manif pour tous, mariage pour tous, école pour tous, luxe pour tous, culture pour tous, art pour tous, déconnade pour tous, ils sont d'accord sur l'essentiel avec ceux qu'ils veulent pousser dans le caniveau de l'histoire, et ils récréeront immédiatement ce qu'ils ont prétendu vouloir abattre, à peine auront-ils franchi les portes du pouvoir pour tous, car ils n'ont comme imagination que celle de leur langue, tout entière héritée de cette "base" qu'ils veulent sacraliser en grande pompe, à défaut d'oser lui dire ses quatre vérités. Les "élites" se suivent et se ressemblent, sans que rien ne semble vouloir venir briser le cercle infernal qui les propulse tour à tour sur le devant de la scène. « Les idées perdront toujours leur procès contres les sensations », c'est ce que ne comprennent pas ceux qui aujourd'hui prennent leur tour dans la théorie du sens, qui n'a ni tête ni base, qui est toujours cul par-dessus tête quand les personnages qu'il anime se mettent à croire en lui — comme si la mécanique des corps aliénés n'était pas le fin-mot de l'histoire. 

J'écoute le concerto pour clarinette de Mozart, je vois des jeunes gens le travailler en compagnie de Michel Portal, durant quinze jours, à l'automne 1997, dans un château. Parallèlement, je lis Utøya de Laurent Obertone. « Lejla S. femme, 17 ans, touchée par deux balles à la tête, une balle reçue dans l'angle gauche de la mâchoire, traversant le squelette facial et ressortant par le côté droit du front, l'autre balle est entrée par le côté gauche de l'occiput pour ressortir par le sommet du crâne. Mort instantanée, suite aux blessures à la tête. » « Steiner J. homme, 16 ans, touché par deux balles, une première traversant le bras gauche puis entrant par le dos, frappant la poitrine gauche, causant des blessures au cœur, aux artères et aux poumons. La seconde balle, entrée par la tempe droite et ressortie par le côté gauche du cou, a causé une lacération du tissu cérébral et d'importantes fractures du crâne. Mort instantanée, suite aux blessures à la tête et à la poitrine. » « Brigitte S. femme, 15 ans, touchée par trois balles, une à l'arrière du genou droit, une autre au mollet droit, la troisième est entrée par l'épaule gauche, causant des blessures pulmonaires sévères ainsi qu'une insuffisance cardiaque. Morte d'une hémorragie externe, suite à une agonie de plusieurs heures. » « Lene Maria B. femme, 19 ans, touchée par quatre balles, à l'abdomen, l'épaule, la gorge et la bouche. La balle à la gorge a parcouru l'hémisphère cérébral droit et s'est logée à l'intérieur du crâne. La dernière balle a frappé la bouche, pénétrant le pharynx jusqu'aux vertèbres cervicales. Mort très rapide, suite aux blessures à la tête. » « Modupe Ellen A. femme, 15 ans, touchée par quatre balles. Dans la nuque, le dos et les flancs. Le tir au cou a perforé la colonne vertébrale, endommageant la moelle épinière et l'œsophage, la trachée et l'artère carotide droite. La balle dans le dos a pénétré la paroi thoracique, le lobe pulmonaire, le diaphragme et la cavité abdominale. Les deux coups aux flancs droit et gauche ont pénétré la colonne vertébrale, endommageant la moelle épinière et déchirant les artères rénales. Mort rapide, suite aux blessures à la nuque et au dos. » Il y a en 69, comme ça… On peut lire ça, je dirais même qu'il le faut. Il faut bien avoir présent à l'esprit ce genre de choses, et il faut savoir surtout que ce n'est rien, mais alors rien du tout, comparé à ce qui se passerait durant une guerre civile comme celle que certains ont l'air d'appeler de leurs vœux, les pitbulls en jupons qui vomissent les tièdes sur les réseaux sociaux. Il faut aller lire les commentaires sur FdeSouche pour se faire une petite idée de ce qui vient. « 43 regis31 a écrit le 23 août 2013 à 13 h 42 min : on s’en branle de ces taffioles( les 68 tards) il sont deja morts !! ils ne comptent plus , ils sont le passé . tournons nous vers l’avenir !! par contre gardons bien leurs noms dans nos esprits . » Voilà, concrètement, ce que signifie pour certains et certaines "avoir quelque chose dans le ventre". « Ils sont le passé, tournons-nous vers l'avenir. » Robespierre, Lénine, Mao, Hitler, parlaient exactement comme ça. Avec des gens comme ça, inutile de dire qu'on ne passe pas quinze jours dans un château à étudier un concerto de Mozart. Inutile d'espérer "soulever un livre ou un stylo", quand le clairon de l'Histoire est en train de brailler au seuil de la carrée ! « Relisez Proust, ma chère, cela vous distraira… » 

L'autre jour, un charmant jeune homme sur Facebook me disait qu'il avait envie de quitter Paris, son travail, "sa vie", pour aller rejoindre ses vieux parents, lire et étudier près d'eux, "méditer", disait-il, dans la proximité de cet amour filial qui avait l'air de lui sembler un havre de paix et une possibilité de bonheur. Je l'ai bien sûr encouragé à le faire. L'époque est si détestable qu'il faut choisir de s'en séparer dès qu'une possibilité s'offre à nous ! Qu'aurait-il à regretter ? Son travail ? Ses amis ? La vie parisienne ? Tout cela n'est rien, bien entendu, et encore, rien serait un moindre mal. Vivre dans une ville administrée par Bertrand Delanoë, rien que cette idée donne la chair de poule : La ville de "Paris-Plage" ne peut être qu'une anti-chambre de l'enfer. Il va "perdre" son travail. Quelle chance ! (si bien sûr il peut être nourri et blanchi par ses parents). Ses amis ? Quels amis ? Ça existe, les amis ? Et qu'on ne nous parle pas d'une quelconque "vie culturelle", évidemment ! Même les bistros, où jadis la parole et la vie se mêlaient harmonieusement, ont disparu. Paris est morte depuis trente ans au moins, mais les fossoyeurs à nez rouges l'entretiennent comme un beau cimetière, comme un musée qui rapporte gros, dans lequel même les touristes n'osent plus s'aventurer sans une escorte. Le festif avec gilet pare-balles, voilà la belle réalisation des néo-spectaculaires païens. Resterait-on à Paris pour "faire de super-rencontres" ? Resterait-on à Paris pour aller au Flore, pour risquer de croiser BHL, voire Alain Juppé ou Christine Angot ? Resterait-on à Paris pour la rue Saint-Denis (pas sûr qu'elle existe encore) ? Rester à Paris n'a aucun sens, sauf pour de vieilles pouffiasses désœuvrées qui n'ont pas assez d'argent pour voyager toute l'année entre Los Angeles et Cannes : il leur reste toujours Beaubourg, l'Art contemporain et les librairies-salon-de-thé. Mais quand on est encore vivant, il faut être fou pour vouloir vivre dans ce cimetière défoncé et hurlant ! Si, il existe sans doute une raison, une seule, pour vouloir continuer de vivre à Paris, c'est le pouvoir, bien sûr. Enfin, le pouvoir, le tout petit pouvoir qui n'en a plus pour longtemps mais qui permet tout de même de baiser de belles connasses à la limite de la sortie de route. Je peux concevoir que ça compte, dans une vie, quand on n'a pas encore pris la mesure du prix réel de la chose. (C'est comme pour les voitures, il n'y a pas que l'essence et l'autoroute à payer, on oublie toujours tout le reste…) 

Mais revenons au clairon. Le Grand Remplacement, le Non, tout ça. J'ai seulement une question à leur poser, à ceux qui sont persuadés de connaître le fin-mot de l'histoire. Tout leur raisonnement, ce Grand Remplacement, dont ils font l'événement le plus considérable que la France ait connu depuis qu'elle existe, le plus dramatique, le plus terrible pour notre peuple et notre pays, tout cela me paraît fondé et il est nécessaire que cela soit dit, mais voilà, si ce à quoi nous assistons est réellement "l'événement le plus considérable que la France ait connu depuis qu'elle existe", si ce qui est en train de se passer est bien cet événement terrible qui effacera et notre peuple et notre nation, alors il m'apparaît qu'il faut s'y opposer de toutes ses forces et de toutes les manières possibles, y compris par la force, et donc par la guerre (la guerre civile, pour être concret, c'est-à-dire ce qu'il y a de pire), si l'on est conséquent et si l'on ne fait pas que proférer des mots et des phrases. Sait-on bien ce que cela signifie ? Est-on bien conscient de ce que cela implique ? 

Mon Cheval



Comment voyagent les chevaux ? Votre cheval est sélectionné pour participer aux Jeux olympiques du Brésil, en 2016. Comment va-t-il s'y rendre ? Vous êtes-vous posé la question ?

Il prendra l'avion à Amsterdam et il vous en coûtera 10000 dollars. Il sera placé dans un container, il sera drogué, il aura de la paille et de l'eau pour le voyage.

Tout va bien. 

jeudi 29 août 2013

Les Mouches ventriloques



Papa (j'avais le même à la maison) est un épileptique de la faute de français. On comprend qu'il soit irrité par cette sorte de folie qui s'empare des locuteurs, une folie dont le danger (il paraît qu'il faut désormais dire la "dangerosité", mais je ne m'y résous pas) vient de ce que ces mêmes locuteurs ne s'aperçoivent de rien et pensent parler tout à fait normalement. Ce n'est pas nous qui allons nous plaindre de ce qu'une personne au moins en France continue à trépigner dans son coin parce que tous les autres parlent comme des sagouins, d'autant moins que le livre qui nous l'a fait connaître et aimer est son fameux "Répertoire des délicatesses du français contemporain". Mais le spectacle offert sur Facebook dépasse l'entendement. Chaque jour, Papa note scrupuleusement les erreurs en tout genre qui manifestent une inculture crasse, les approximations (on est gentil) historiques, le débraillé grossier ou gnian-gnian et surtout les aberrations syntaxiques dont est émaillée la parlure radiophonique. Pas besoin de vous faire un dessin, on connaît la chanson. Encore une fois, ce n'est évidemment pas le fait de souligner que les Français ne savent plus parler, ni écrire leur langue, qui nous dérange, encore qu'il nous semble que l'acharnement à taper sur le même clou est un rien agaçant, lorsque celui-là est enfoncé depuis longtemps jusqu'à la tête. Non, ce qui est proprement insupportable est le spectacle de ces mouches à merde qui viennent par dizaines flairer avec un enthousiasme de ravis de la crèche le caca désigné comme tel, avec à chaque fois les mêmes blagues, les mêmes sarcasmes cent fois entendus, et le même contentement épais de celui qui se rassure à bon compte. Ah, le beau caca ! qu'il est beau de ne pas être le mien ! T'as vu ça Nicole ! Hein, c't'affreux, Jean-Luc ! Et ça se tape sur le ventre, et ça se goberge, et ça tourne, et ça renifle, avec des sanglots glaireux de bonheur et des hoquets de soulagement, et ça danse fièrement autour du beau caca, tout fumant dans son cadre, pour un peu on serait en transe d'ébaudissement en boucle… Puis les mouches rassasiées s'envolent, satisfaites, en sachant qu'elles pourront revenir demain pour un autre festin identique en tout point à celui qui les laisse ballonnées pour l'après-midi. Évidemment, si par hasard on va lire le français de ses mouches-là, on s'aperçoit neuf fois sur dix qu'il n'est pas meilleur (bien qu'il soit écrit, et non parlé !) que celui dont elles se gaussent en meute, mais surtout, on a envie de leur dire que si vraiment cette langue-là les dérange tellement, elles ne devraient pas avoir besoin d'un index pour leur montrer à quoi ressemble un caca dont on a le droit de se moquer. On parle avec la bouche des autres, on pense avec la pensée des autres, on bouge avec les gestes des autres, on attend qu'il y en ait un qui se dévoue pour lever le doigt pour lever le doigt avec lui, tout étonné de sa fabuleuse témérité.

J'ai toujours été frappé du nombre de vocations de ventriloques que suscitait Papa. On en a déjà connu un certain nombre. Apparemment, les candidats se renouvellent périodiquement, sans interruption, sans suspense, et sans beaucoup d'imagination. Il me semble à moi que c'est un phénomène digne d'étude, même si Papa va encore dire que j'exagère, que je n'ai rien d'autre à faire que de me moquer, que d'être narquois et un peu (beaucoup) dément, quand je trouve que ces ventriloques qui l'entourent sont un peu inquiétants, un peu…

D'ailleurs ce n'est pas tant le fait qu'ils existent, ces ventriloques, qui m'interpelle quelque part au niveau du vécu. Non, ce qui m'impressionne, ce qui m'inquiète, c'est que personne ne semble voir, ni entendre ; ce dont il est question, ce que je trouve ridicule, c'est qu'on puisse, lorsqu'un ventriloque de la sorte s'exprime, le féliciter "de sa bonne langue" à laquelle on trouve toutes sortes de vertus… Ils sont drôles ! C'est précisément dans cette absence totale de pudeur et de distance à soi et à l'autre qu'on voit le pantin de bois. Les pantins sont toujours effrayants parce qu'ils sont capables de tout, ayant décidé une fois pour toutes qu'ils étaient légitimes, puisque l'autorité derrière laquelle ils s'abritent les légitime d'une manière qu'ils jugent indiscutable. C'est alors qu'ils défendent leurs idées avec le plus de conviction, quand ce ne sont pas les leurs. Là ils deviennent dangereux : impossible de leur retirer leur os. Quand on est capable de se glisser ainsi dans la peau d'un autre, il va de soi que la perfection-même du geste signale le danger à son plus haut degré, aussi bien pour celui qui s'introduit ainsi en autrui que pour ceux qui assistent à la scène sans prendre leurs distances. Comment peut-on vivre tranquille — et heureux, semble-t-il — en récitant des catéchismes ? C'est un mystère. Comment peut-on à ce point manquer de discernement, et comment peut-on à ce point manquer d'amour propre, de pudeur ? Ça donne le vertige. Plus l'imitation est parfaite, plus on a affaire à un fou de qualité contrôlée, c'est évident. 

Il y a un pantin comme ça, depuis peu, qui bat tous les records de ventriloquie, au PI. Moi, un gus comme ça, ça m'impressionne ! J'ai envie de voir quelle tête il a, quelle voix il a, quel métier il exerce, quelle genre de femme il a, quel âge, quel poids, enfin, s'il existe vraiment, quoi. Je dis ça mais je sais bien qu'il existe. Si encore c'était l'exception qui confirme la règle… mais non, c'est tout juste le contraire. Sauf que lui c'est un champion hors catégorie ! Papa possède une force d'attraction hors du commun, il faut bien le reconnaître. Je suis certain qu'il y en a qui se relèvent la nuit pour aller pisser, par exemple, depuis qu'il est sujet à ce genre de contrariétés. Si les pantins de bois se mettent à pisser, non mais allô quoi, où va-t-on ?

mardi 27 août 2013

Pour le gène occasionné…




Les femmes sont généreuses. Au bout d'un certain temps, elles ne vous en veulent plus du tout de tout le mal qu'elles vous ont fait.


samedi 24 août 2013

Face et pile


Il arrive qu'elle aide ses parents au marché, le samedi matin. Je l'avais tout de suite remarquée, et je n'avais aucun mérite à cela : c'était la plus jolie fille que j'aie vue depuis très longtemps. Je lui donnais entre 15 et 17 ans. Elle était très introvertie, ou dédaigneuse, comme on voudra. Je n'avais aucun souvenir du son de sa voix, et s'il lui arrivait de sourire, c'était fort rarement, et toujours à des moments où l'on ne s'y attendait pas. 

Ce matin, j'arrive au marché, et je me dirige vers mes maraichers habituels. Elle est là, de trois-quart dos, du côté des carottes et des oignons. Il y a un peu plus d'un an que je ne l'ai pas vue. C'est bien elle, mais quelque chose cloche. Elle a un derrière énorme, des hanches de matrone, du ventre, et des seins comme ses melons. Je n'ose pas vraiment la regarder mais elle, en revanche, se retourne vers moi, m'adresse tout de suite la parole, et à ma grande surprise je la trouve aussi extravertie que ses formes. Je dois choisir des légumes pour la soupe au pistou, mais le cœur n'y est vraiment pas. Je me sens comme dans une réalité parallèle. Je suis là et je n'y suis pas, c'est moi et ce n'est pas moi, je suis au marché et je suis ailleurs. « Vous ne voulez pas finir mes melons ? » Si je veux… comment… ?

Il me revient que je m'étais dit l'année dernière qu'il existait de fortes probabilités pour que sa beauté disparaisse très vite. Ce n'est pas la première fois que je vois une adolescente sublime se transformer en un boudin indigeste, comme par désenchantement. Trois petites années suffisent parfois. L'inverse arrive aussi, mais plus rarement. Je me rappelle également m'être dit que non, ça n'arriverait pas : j'avais vraiment envie que cette beauté continue de s'épanouir, de mûrir et de donner tous ses fruits. Quand je parle de fruits, je ne pensais pas à des pastèques, mais il est vrai qu'on tient rarement compte de mes avis… 

Évidemment, j'aurais pu, j'aurais dû lui demander si elle avait une sœur, voire une sœur jumelle. Mais, que la réponse soit positive ou négative, la question aurait mérité une gifle. Si elle n'a pas de sœur, c'est bien elle, et je ne dois pas être le seul à me désoler de cette spectaculaire métamorphose. Si elle a une sœur, elle va comprendre immédiatement que je les compare, et la comparaison ne peut pas être en sa faveur, elle ne le sait que trop. Je suis donc reparti sans connaître la vérité, dans un état de grande confusion. 

La très belle jeune fille introvertie s'était muée en une jeune fille extravertie infiniment moins jolie, pour le dire gentiment. Naïvement, je pensais que la beauté devait conduire à l'extraversion et la laideur à l'introversion, mais la preuve m'est donnée que l'inverse est une réalité observable et incarnée.

Je sais qu'il existe des gens qui rêvent d'avoir une aventure sexuelle avec des jumelles. Drôle de trio, en vérité, que celui dont deux des personnages sont les mêmes, mais je conçois qu'il émane de la situation un certain trouble, et même un trouble certain, à ne littéralement plus savoir où donner de la tête. Cependant, je crains dans une pareille situation de passer mon temps à recenser les différences, même imperceptibles, surtout imperceptibles, qui me garantiraient que je n'ai pas perdu mon temps à prendre des vessies pour l'ombre et à lâcher la proie pour des lanternes. La question que je me pose est celle-ci : peut-il exister de parfaites jumelles, dont l'une serait belle et l'autre moche, tout en étant rigoureusement identiques, et donc interchangeables ?

Mais je ne voudrais pas que par un sort malheureux ma double héroïne tombe sur ce que j'ai écrit plus haut. En réalité, les deux hypostases de celle-là sont aussi belles l'une que l'autre, et les puissantes cuisses que j'ai aperçues ce matin promettent des chevauchées autrement brûlantes que les gambettes soyeuses de la cadette. Quoi qu'il en soit, je n'ai jamais été déçu par les melons, les pêches, les abricots, les pommes, les poires, les pastèques et les figues que j'ai trouvés chez ces maraichers, je tenais à le souligner. Je suis d'ailleurs tout à fait confiant : il en sera encore de même ce soir, quand je goûterai les deux demi-melons qui m'attendent au frais. 


mercredi 21 août 2013

Pistolet à eau bénite



Georges de la Fuly vient d'inventer le Pistolet à eau bénite

Vous allez prendre vos prochaines vacances en Arabie saoudite, en Colombie, à Marseille ou à Roubaix, ne partez pas sans votre pistolet à eau bénite

Vous allez attendre votre fille de onze ans à la sortie de l'école, ne partez pas sans le pistolet à eau bénite ! 

Vous devez aller retirer de l'argent au distributeur de billets, ne partez pas sans le pistolet à eau bénite ! 

Vous désirez aller visiter la nécropole royale des Capétiens à Saint-Denis, ne partez pas sans le pistolet à eau bénite ! 

Vous allez faire votre jogging au bois de Vincennes, ne partez pas sans le pistolet à eau bénite ! 


Georges de la Fuly  le propose en promotion exceptionnelle à 111 euros, jusqu'au 11 novembre. Pour Madame, une version allégée est à l'étude. 

mardi 20 août 2013

Petit portrait en prose (7)



Elle s'est teint les cheveux en rouge. À cinquante ans passés, c'est la classe. Sa voix n'a pas changé, un peu camionneur qui travaille dans la culture ; d'ailleurs c'est le cas. Je ne sais pas ce qu'elle pense de moi, j'ai toujours l'impression qu'elle ne pense pas. Elle parle fort. C'est le genre "nana qui dit ce qu'elle pense mais tellement sensible en fait"… Un jour, elle m'a parlé de l'expérience que c'est d'acheter de l'art, tu vois ; elle était vachement émue. Ah oui, et il y a eu aussi ce concert où elle a tenu absolument à me dire que ma musique l'avait complètement déprimée, quoi. L'important vraiment c'est d'être vrai. Vraiment. Le pire c'est son rire. Mais bon, moi je ne suis pas trop pour dire ce que je pense, en fait.

Ce qu'il y a, chez elle, c'est ses yeux qui rient tout le temps, mais d'un rire qui vous glace le sang. Elle parle trop fort.

lundi 19 août 2013

Petit portrait en prose (6)



Georges avait compris que mimer la jalousie donnait à son amour pour Gabrielle le petit supplément d'âme qui rendait leurs ébats plus brûlants, plus déchirants. Cette pincée d'épices qui au commencement leur était délicieuse leur devint très vite nécessaire. Elle en redemandait et il obtempérait avec la secrète jouissance de celui qui a l'initiative. Il était chaque jour un peu meilleur, plus convaincant parce que plus convaincu. Il jouait d'autant mieux son rôle d'amant jaloux que Gabrielle ne lui donnait aucune raison de l'être. 

Au bout d'un certain temps, pourtant, elle se lassa de cet amant jaloux qui lui faisait des scènes pour un rien. Ça ne l'amusait plus, ça ne la séduisait plus, et elle crut même qu'il était devenu réellement jaloux, ce qui était un comble, puisque dans le même temps elle s'était mise à le tromper pour de bon. 

Quand Georges apprit que Gabrielle avait quelqu'un, il comprit du même coup qu'il fallait cesser d'être jaloux, sous peine de la perdre, et qu'il lui fallait retrouver son être ordinaire, son être d'avant, qui était celui de l'amant qui n'est pas jaloux, qui a confiance, qui ne cherche pas à savoir. Mais ce Georges qui n'était pas jaloux parce qu'il avait confiance, qui ne cherchait pas à savoir, pouvait-il exister alors qu'il savait que celle qu'il aimait le trompait ? Il ne pouvait pas être jaloux, et il ne pouvait pas non plus ne pas l'être. Désormais il ressentait cruellement cette jalousie qui ne pouvait exister alors qu'il n'avait jamais ressenti auparavant la jalousie qui devait exister. Il était passé d'un rôle à l'autre sans jamais être celui qu'il était pourtant sincèrement, avec toute son honnêteté d'amoureux bénévole

Gabrielle, le plus sincèrement du monde, lui fit alors toutes sortes de reproches, parmi lesquels celui d'être un calculateur et un être faux qui l'avait trompée dès le début de leur relation, et qui, peut-être, ne l'avait jamais vraiment aimée. Quand on joue à être jaloux, c'est qu'on n'aime pas ! Au mieux il était quelqu'un de léger et c'est précisément cette légèreté qui l'avait conduite à le tromper. Si elle l'avait trompé, c'était de sa faute à lui, c'était parce qu'elle avait compris enfin qu'il ne l'aimait pas, qu'il se forçait à l'aimer comme il se forçait à être jaloux. Comment avait-elle pu être aussi naïve ? On ne l'y reprendrait plus !

samedi 17 août 2013

Les Dossiers de l'écran total



Les journalistes français sont épatants ! Ils ont un truc. Comme ils ne peuvent pas — et ne veulent pas — parler de ce qui intéresse la France et les Français, c'est-à-dire la France et les Français, ils ont inventé une sorte de pot commun où ils puisent leurs "sujets". Nous appellerons ce pot commun la Bourse

Voyons voir ce que nous avons ce soir à la Bourse. Alors, en tête de gondole, on a les printemps arabes (increvable, ça, et ça se décline dans toutes les saisons, un must !), la Syrie, un dérivé, mais qui se vend très bien, l'Afrique (ça aussi, c'est inépuisable, l'Afrique, c'est le sujet qui ne dort jamais, toujours frais, toujours dispo et qu'on peut accommoder de mille manières !). Au rayon produits de fête, vous avez l'Iran et la bombe, Poutine pas gentil, Chine & économie, Obama et les agents secrets. Évidemment, je ne vous parle pas d'Israël et Palestine, mais ça c'est du hors-catégorie, ça cartonne depuis cinquante ans que c'est presque une honte pour les autres ! Dans les intemporels, on a les salaires des patrons et des ministres, le trou de la Sécu (ça, c'est du classique, bien français, indémodable), la rentrée des classes, les défilés de mode, Johnny, les alertes sanitaires, le nucléaire, les violences faites aux femmes. Sinon, plus fun, vous avez les-sujets-de-société (gays, trans, piercings, échangisme, cellules-souches, clonage, animaux de compagnie, chirurgie esthétique, télé-réalité), le marché de l'art, les krachs boursiers, les marches silencieuses, les immatriculations, la courbe-du-chômage, les stars de la télé, l'antiracisme, les suicides dans l'entreprise, et, mais il ne faut pas en abuser, la recherche des criminels nazis. 

Écoutant régulièrement la radio, une radio du servispublik, je constate, et ce depuis vingt ans au moins, que nos journalistes français sont bien rodés, très bien, même. On nous les envie ! Ils ne dérapent quasi jamais, c'est des pros ! Manient le novlangue avec une virtuosité d'apparatchik élevé sous la mère, et n'abordent les sujets glissants qu'avec leurs patins anti-dérapant et leurs lunettes roses, comme on leur a appris à l'école de journalisme qui fait atelier d'écriture les jours impairs. Participent à tous les stages de citoyenneté citoyenne, mettent leurs enfants dans les écoles certifiées conformes, prennent leurs vacances ensemble, regardent les mêmes télévisions, écoutent les mêmes émissions, lisent les mêmes journaux, les mêmes livres, invitent les mêmes invités, cognent en rythme sur les mêmes sozis*, votent tous pareil. Non, rien à dire, ils ne risquent à peu près rien. Le journalisme-à-la-française, c'est exactement comme aux sports d'hiver. Tout le monde sur la même piste, on descend, et arrivé en bas, on remonte, puis on redescend, etc. Pas dans la poudreuse, Mimile, ça fait combien de fois qu'on te le dit ! Tu restes dans les traces, bordel !

Chaque jour la Syrie, chaque jour l'Afrique, chaque jour l'Égypte, et on recommence, chaque jour, chaque jour, et on recommence, et chaque recommence on jour et la Syrie et l'Égypte et chaque jour l'Afrique, là-bas, là-bas, les autres, on recommence, les autres là-bas, DaCapo. C'est le rap(t) de l'info. On a steevereichisé l'info, on l'a philglassisé, on l'a terryryleysé ! FeedBack in the USSR, comme auraient dit les Beatles. Da Capo sur mon bidet ! C'est la grande Chaconne qui n'en finit plus de chaconner ! Au secours, lâchez-nous un peu la grappe, on n'en peut plus de vos zinfos !

Je me dis de plus en plus qu'on supprimerait — du jour au lendemain, sans prévenir, sans s'excuser, sans pleurnicher, paf ! — la télé et la radio, et quelques journaux (le Monde, Libération, l'Express, le Nouvel Observateur, ça suffit…), les Français seraient dans la rue demain matin. Ils se frotteraient un peu les yeux (le réel, ça pique !), ils tousseraient bien un peu quelques jours, ils auraient un peu d'eczéma, certains auraient des insomnies, d'autres des douleurs en allant aux toilettes, d'autres encore des crises de larmes inexplicables, il y aurait quelques suicides (mais pas tellement plus que d'habitude), mais je vous jure qu'ils seraient dans la rue la semaine prochaine et que les journalistes seraient déjà loin, accompagnés de leurs copains les-politiques. Le parti dévot prendrait l'avion en masse, comme si quelqu'un de très important leur avait payé à tous des vacances de rêve, très loin, au soleil, et qu'ils ne pouvaient décidément pas rater une occasion pareille ! Ce serait le Grand Déplacement. 

On parle de "la charge du réel", mais on oublie de parler de "la décharge du réel". Pas besoin de grands meetings, de grands colloques, de grande campagne de France, de réseaux sociaux en ébullition, de distributions de tracts et de porte-à-porte militant, non, croyez-moi, coupez, coupons le robinet du journalisme-à-la-française, et vous allez voir les Français se réveiller d'un coup comme d'une trop longue sieste un peu comateuse ! Le Réel va décharger un bon coup, sans déconner ! Here comes everybody ! C'est par où la brioche ?

(*) Pour l'explication de ce mot de "sozi", allez lire un peu Robert Redeker, plutôt que de vous jeter sur Wikipedia, ça ne vous fera pas de mal. 

Petit portrait en prose (5)



Papa faisait confectionner ses costumes chez lui, parce que c'était un ami. Son usine était située juste derrière le tennis, et comme nous envoyions souvent des balles hors du court, il fallait escalader les grilles de son entreprise pour aller les rechercher. Il m'avait appris à jouer au ping-pong, jeu dans lequel il excellait, ses services extrêmement vicieux me rendant fou. Ma mère ne l'aimait pas du tout, et nous avions fini, nous, les enfants, par le prendre en grippe, parce qu'il incarnait à nos yeux la France du Général, la France "fasciste", amère, démodée et percluse de rhumatismes monochromes. Fils unique, jamais sorti des jupons de ses parents, il avait repris l'usine familiale, alors que sa seule ambition dans la vie était de coucher avec des femmes, chose qu'il ne fit jamais qu'en payant ou bien dans le sillage de mon père. Petit lutin rectangulaire à la voix cassée qui devait mettre un coussin sur le siège de sa Peugeot pour voir la route, on l'appelait par son nom de famille, entre Lampion et Tampon, et je crois qu'il serait mort d'ennui si mon père ne l'avait pas pris sous son aile. 

Je l'ai revu, à la toute fin de sa vie. Le pauvre homme vivait seul, aveugle, dans la grande villa familiale, étrangement vide de meubles, où les voix qui résonnaient donnaient l'impression que le monde extérieur existait tellement en dépit d'elle qu'il avait fabriqué cette maison comme les reins fabriquent des calculs. Bien que ne voyant plus du tout, il avait une immense télévision ultra-moderne, avec un magnétoscope au-dessous duquel étaient rangées quelques cassettes pornographiques. La télécommande était à portée de main. Il m'appelait "Petit", ou "Jéronimo". Il avait gardé le même rire, à la fois comique et sinistre. Il m'a proposé de la citronnade.

Petit portrait en prose (4)



Elle traverse la vie les yeux grand fermés. Plus elle cherche moins elle trouve, évidemment. Elle était belle, très belle, mais la nuit est en train de se refermer sur elle, de ternir sa peau, de déposer une fine couche de poussière sur sa bouche. Son silence était lumineux, vibrant, doré, musical ; il n'est plus qu'absence de parole. À force de ne pas se servir de ses yeux, ceux-ci ne voient plus, à force de laisser son intelligence dans un demi-sommeil, celle-là s'est tout à fait endormie. De l'attente qu'elle avait creusée en elle n'est rien venu que l'attente creuse, durcie et douloureuse.

On voit immédiatement que l'Attention est le mal de certaines femmes, c'est-à-dire le manque d'Attention. Elles ne comprennent pas comment fonctionne leur vie car elles ne savent pas prêter attention, faire attention, porter attention, focaliser cette attention sur ce qui les maintient en vie, c'est-à-dire les interstices entre les choses et les êtres, les espaces par où l'absence de l'un est porté à la connaissance de l'autre. Ces femmes-là ont un corps souvent admirable, mais elles ne l'habitent pas, elles ne savent pas s'en servir, ni le servir. Le Temps est pour elles un grand mystère, qui finit par les broyer au lieu de les magnifier. 

jeudi 15 août 2013

Petit portrait en prose (3)



« J'ai bien compris ! » est l'une de ses phrases favorites. Elle n'intervient que dans un but, un seul : montrer combien elle est intelligente, fine, pleine d'esprit, mordante quand il le faut, sensible quand il le faut, c'est-à-dire très rarement. Le moindre de ses sourires est fendu d'une rangée de dents gâtées. Elle est d'une rare malhonnêteté intellectuelle, et c'est sans doute le seul trait de son caractère qui pourrait la rendre sympathique, car cette impossibilité chronique à assumer ce qu'elle est et ce qu'elle dit trahit à l'évidence une extrême faiblesse ontologique, un désarroi profond, dont on sent bien qu'ils requièrent d'elle une tension permanente et épuisante à ne pas se montrer.

L'Internet a peut-être rendu possible cette nouvelle race de femmes qui, ne pouvant briller par la courbe de leurs hanches, le potelé de leurs bras, l'assurance de leurs cuisses ou la beauté de leur visage, ont trouvé dans les réseaux sociaux un miroir actif dont les reflets indulgents et insensibles aux années et à la pesanteur leurs donnent un semblant de seconde vie qui les vengerait, croient-elles, de la première, c'est-à-dire celle qu'elles n'ont pas vécue. On les aimerait volontiers si elles avaient la noble simplicité de ne pas nous prendre pour des aveugles qui confondent la fiente et l'esprit qui vole. Quand on va répétant "j'ai bien compris", alors qu'à l'évidence on ne comprend rien à rien, arrive un moment où le miroir reprend ses droits et ses devoirs, et rend l'écran inopérant à cacher l'évidence. 

mardi 13 août 2013

Avec toi



Je me trompais. Ce n'est pas le seul problème moral. L'autre, et c'est sans doute celui qui est décisif, est de savoir si on laisse partir seul un être qu'on aime. C'est déjà arrivé. Ce n'est pas une raison pour persévérer dans l'atrocité. L'homme est par nature d'une insondable bêtise, pas un jour sans qu'on n'éprouve cette pénible condition, mais il est des moments dans la vie où l'on doit choisir entre cette bêtise tranquille et autre chose. Quelle est cette autre chose ? L'inconnu. Sans aucun bénéfice. Il n'y a pas de bénéfice à accompagner celui qui part, et sans doute que cela ne sert à rien, c'est le plus probable. C'est seulement pour pouvoir lui dire : je suis là, avec toi. Partir seul… La seule véritable horreur que Dieu nous inflige, celle qui n'a pas de justification, de compensation, qui est au-delà de toute raison, de toute imagination, de tout espoir. 

« Ah ! sans amour s'en aller sur la mer… »




« Sur moi la nuit immense 

S'étend comme un linceul. »

vendredi 9 août 2013

Petit portrait en prose (2)



Elle est à moitié folle. Elle porte un patronyme sans doute italien. Très intelligente, spirituelle, vive, elle a un corps dont la belle mollesse est celle des aristocrates qui ont oublié qu'ils l'étaient.  Fausse blonde à la peau très fine, dorée, tiède, elle est amoureuse du chef de la bande, qui vient de braquer une banque à Nice à l'aide d'un pistolet à eau. Il est en prison. Je la connais depuis l'enfance, je l'ai toujours trouvée assez moche, et aujourd'hui, quarante ans après, je suis amoureux d'elle. Je revois ce moment où elle change de soutien-gorge en se cachant sous la table du Semnoz, le bistrot où nous nous retrouvons, lycéens. « Ne regarde pas ! »

Petit portrait en prose (1)



Elle paraissait intelligente parce qu'une aigreur vive la piquait continuellement aux tripes, mais la tension qui avait fini par se relâcher laissa bientôt voir le vieux cadavre malfaisant sous le pli doré. Son inflexibilité à angle aigu prenait maintenant la forme d'un ver qui se tord sur lui-même, sa sagesse celle d'un vase d'où coule le sang noir du ressentiment, et ses grincements de dents avaient une dimension religieuse qui rappelait la cécité passagère qui permet à celle qui verse le poison dans le verre de son époux de se sentir innocente de la grande paresse sexuelle qu'elle avait érigée en devoir saint. 

mercredi 7 août 2013

En vers et contre tous




J'ai toujours trouvé qu'il était très vulgaire de montrer, et plus encore d'afficher, ce qu'on aime. Mon dieu, parmi les musiciens, ou, plus exactement, un de mes dieux, est Beethoven. Mais le beau portrait que je possède de lui est accroché dans ma chambre à coucher, à l'abri des regards, à côté du Mozart et du Christ. Qu'on possède une bibliothèque, cela me semble inévitable en plus de nécessaire, mais qu'elle se tienne dans une pièce réservée à cet effet, dans un bureau, dans un studio de lecture, et qu'on évite autant que possible d'en faire profiter les hôtes de passage, même si les intimes peuvent évidemment faire exception à la règle. Ces livres qu'on met en évidence dans un salon ou une salle à manger me coupent l'appétit et l'envie d'avoir une conversation. Les livres présentés me font toujours penser à ces bibliothèques somptueuses, toutes de cuir et de bois précieux, dans lesquelles les nouveaux riches installent leur bureau et aiment à recevoir ceux qu'ils désirent impressionner, alors qu'il est bien évident qu'ils n'ont jamais ouvert un de ces magnifiques volumes hors de prix. Avoir de beaux livres, des livres rares, oui, mais à condition de les lire. Et même si on les a lus, il est inutile et un peu grossier de les montrer. Un homme qui a eu durant sa vie de très belles maitresses ne passe pas son temps à se balader à leur bras, des années après qu'il les a quittées, simplement pour qu'on sache qu'elles sont passées par son lit. Écrivant cela, je me dis que c'est pourtant ce que je fais, moi qui aime avoir le plus souvent possible leurs photographies sous les yeux. Mais il me semble que j'arrive à me trouver des excuses, parmi lesquelles celle qui consiste à penser que la photographie peut être un art, en plus d'être un constat et une réserve à souvenirs. Quand nous avions treize ou quatorze ans, nous allions à l'école avec des classeurs sur lesquels il était alors à la mode d'écrire le nom de nos musiciens préférés. J'ai toujours l'impression de revivre un peu de cela, quand j'entends quelqu'un passer en voiture, toutes fenêtres ouvertes, avec la "musique" à fond, pour nous en faire profiter. Celui qui fait cela, sauf perversion rare, est toujours absolument convaincu qu'il agit pour notre bien, il se sent l'âme d'un évangéliste qui nous apporte la bonne musique. Il ne peut pas ne pas partager, tellement convaincu d'être en possession du Bien sonore. C'est donc d'un philanthrope qu'il s'agit. D'un colonisateur. Il veut vous convertir au rap, à la techno, à la disco, au rock-and-roll, au R&B, à la chanson française, à la variété finnoise, à la musique peule, au zarb iranien, à l'opéra verdien, à Xénakis, peu importe… C'est toujours de "bonne musique" qu'il s'agit (vous savez, celle qui s'oppose à "la mauvaise"). Il ne peut pas comprendre, tout à fait logiquement, que vous puissiez vous sentir agressé par son passage tonitruant, il aimerait que vous le remerciiez d'ouvrir ses fenêtres en pleine nuit quand il écoute sa (bonne) musique. C'est d'un don qu'il s'agit. D'une offrande, presque. D'un partage, en tout cas. Vous ne likez pas ? Ah bon ? C'est donc que vous êtes sourd, mal embouché, renfrogné, de mauvaise humeur, atrabilaire, acariâtre, que vous avez mauvais goût, que vous êtes out, à l'ouest, fermé, intolérant, que vous avez peur de l'extérieur, que vous êtes xénophobe, sans doute, par extension, égoïste, moisi, à plaindre en tout cas, à soigner peut-être, que vous vous êtes fait larguer par votre petite amie, que vous avez vos règles, que vous êtes constipé, vieux. Vous avez dit "bizarre" ? Non ? Vous êtes sûr ? Vous avez quelque chose contre ceux qui, pleins de cette générosité spontanée et de cette pulsion irrépressible du partage, vous baptisent à coups de décibels ? Vous avez quelque chose contre leur religion ? Réfléchissez bien à ce que vous allez répondre ! Tout est noté, enregistré, tout est gravé sur disque très dur, désormais, et conservé dans des banques gardées par des moines incorruptibles et qui ne dorment jamais. Là encore, faisons un petit examen de conscience. N'avons-nous jamais, au grand jamais, sillonné les routes, un quatuor de Beethoven à plein volume, tiens, oui, le huitième, par les Berg, dans la vieille et grande Opel Record, en dirigeant le quatuor de grands gestes un peu fous de la main qui ne tenait pas le volant ? Mais si, bien sûr ! Évidemment, c'était des routes de campagne, en Bourgogne, à peu près désertes en ce temps-là, mais tout de même, nous avons dû déranger quelques vaches et peut-être effrayer quelques poules. Les vaches aiment Mozart, c'est bien connu, très éventuellement les Jazz Messengers, mais pas Beethoven ! Et après cela, on voudrait critiquer ceux qui ne font que continuer le travail, avec seulement un peu plus de générosité, d'énergie et de persévérance que nous ? 

Il m'est arrivé de critiquer des gens qui avaient lu, et même beaucoup lu, mais qui ne semblaient pas avoir été transformés par ce qu'ils avaient lu, qui étaient restés les mêmes, du moins autant que je pouvais en juger. Je trouvais qu'ils continuaient à vivre comme si de rien n'était, avec les mêmes habitudes, les mêmes défauts, les mêmes petitesses, les mêmes vices, alors qu'ils avaient été en contact avec la grandeur, avec la vertu, avec la puissante vertu contenue dans certaines pages, avec des modèles, avec des saints, parfois des génies. Leurs lectures semblaient avoir glissé sur eux, ne même pas les avoir mouillés, on n'en voyait aucune trace sur leur habit, sur leurs habitudes. C'était à désespérer de l'homme, de la connaissance, du savoir, de l'apprentissage, même. Rien ne changeait. Rien ne les changeait. C'est un réflexe enfantin de désirer voir la métamorphose à l'œuvre, la transformation d'un homme en homme. On a été élève, on le reste toute sa vie. Melle Saulnier sublime, avec ses gros seins, qui vous embrassait quand vous étiez le meilleur de la classe, en allemand… On peut faire mieux, mademoiselle, on peut faire encore mieux ! On peut continuer à s'élever, à grandir, grandir, on pourrait apprendre aussi dans votre lit. Voyez comme on change, à votre contact ! 

Toute grande œuvre, mais surtout tout grand œuvre, s'accompagne de sa boîte noire. C'est sans doute pour cette raison qu'il est tellement pénible de voir des perroquets savants ventriloquer sans même s'en apercevoir. Les grandes nourritures demandent un temps de digestion important. Sinon c'est la diarrhée, ou la constipation. Rien de plus exaspérant que ces disciples qui se prennent pour le maître, le disqualifiant en tant que maître, justement. Ce ne sont précisément pas des disciples, seulement des épigones un peu ridicules, un peu tristes, dont on ne sent que trop qu'ils iront ainsi éternellement, de maître en maître, parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils cherchent, à part la main rassurante qui calme leurs angoisses. La boîte noire dont il est question est située entre l'œuvre et le lecteur, l'auditeur, le spectateur. Elle brouille les cartes, ou les bat, ou les redistribue. On croyait avoir saisi, on croyait avoir compris de quoi il s'agissait, on avait son petit plan pour faire fructifier le butin, pour thésauriser, pour épater la galerie, et puis non, la vue se brouille, le cerveau se paralyse, la posture se brise, il se produit comme une diffraction, troublante et désespérante, mais c'est pourtant elle qui nous sauve, avec un peu de chance, de la vraie bêtise. Nous ne sommes pas en prise directe avec les chefs-d'œuvre, ni avec les auteurs, jamais. Nous ne les connaîtrons jamais. Ils ne s'épuiseront jamais à notre contact.

On peut critiquer ceux qui ne comprennent pas ce qu'ils lisent, ce qu'ils écoutent, ce qu'ils regardent, et ils sont évidemment légion, on s'en rend compte tous les jours, mais on peut également, et peut-être avec plus de raison encore, critiquer ceux qui comprennent trop bien, ceux qui ne lisent que pour avoir confirmation de ce qu'ils pensent, ceux dont l'auteur n'est qu'une caution morale ou intellectuelle, ou, pire encore, ceux qui ne pensent dans la lumière de l'auteur que parce qu'ils ne connaissent pas la solitude bienheureuse et la joie intense de l'ombre. Dès que la lumière s'éteint, ils sont dans le noir, qui n'est pas l'ombre, et trébuchent jusqu'à la prochaine bougie tremblotante.

J'écoutais l'autre soir des extraits du Phèdre de Racine, dits par Sarah Bernhardt, Maria Casarès, Nada Strancar et Dominique Blanc. Il était passionnant de voir et d'entendre que la manière de dire l'alexandrin était étroitement liée à ce qu'une époque est capable d'entendre, de comprendre et de dire. Il est impossible, même à la meilleure comédienne, d'aller au-delà de ce qui existe dans l'oreille du temps présent. Au-delà des règles de la prosodie, de la métrique, du rythme, de l'accentuation, de l'intonation, et de leur application au champ de la poésie classique, on entendait parfaitement que la déclamation, au sens large, est une pratique éminemment politique, ou en tout cas très étroitement liée au degré de civilisation d'une époque. (Il ne serait pas très difficile d'étendre cette observation à l'interprétation musicale.) C'est d'ailleurs une évidence si l'on prend comme objet d'étude les discours des hommes politiques et ceux des journalistes de radio ou de télévision. Le sens est toujours quelque part entre la signification et la musique, et il était en l'occurrence très frappant d'entendre Dominique Blanc expliquer que « l'essentiel de son travail avait été d'aller contre la musique », et donc, en conséquence, de briser la structure du vers racinien avec le bel aplomb de ceux qui "vont droit au sens" et qui considèrent que le passé doit servir le (au) présent. "Le plus beau compliment qu'on lui ait fait", après la représentation ? « C'est extraordinaire ! En fait vous ne dites pas des vers ! » Ce "vous ne dites pas des vers" est bien sûr terrible (à quoi sert de dire du Racine, alors ?), mais une comédienne peut-elle aller contre le Sens d'une époque, si elle veut se faire entendre ? Personne ne peut cela. Et l'on entend merveilleusement, à travers ces voix qui nous parviennent de l'au-delà, appuyées toutes sur la langue splendide de Racine, la transformation, l'évolution d'un monde. Le nôtre annule le vers avec une bonne conscience démocratique qui confine à la barbarie, la même barbarie qui se lit jour après jour dans les commentaires de Boulevard Voltaire, par exemple. Il y a des époques qui ne peuvent tout simplement pas entendre certaines choses, certains sons, certains rythmes, certains mots, certaines phrases de certains livres, certaines musiques. Ou, si elles les entendent, c'est en courbant leurs formes jusqu'à terre. On peut avoir tous les livres du monde chez soi, les lire, et pourtant ne rien entendre, trop les comprendre, aller trop rapidement au sens, le sens étant toujours le nôtre, celui de notre époque, celui de notre classe sociale, celui de notre désir de tranquillité, de ne pas sortir de notre voie. Lorsque l'on est trop changé par un livre, j'ai toujours le soupçon qu'on l'a trop compris, trop rapidement. C'est finalement comme avec les êtres, il faut trouver la bonne distance : ni trop près, ni trop loin. On ne peut pas tout traduire, il faut accepter de ne pas tout comprendre, accepter qu'il y ait un autre, des autres, sur lesquels on ne se retournera pas : la musique et la poésie sont faites pour cela. Les évangiles ne sont pas écrits en langue vernaculaire. 

lundi 5 août 2013

Caramhol et son plateau-repas (en off)


Selon le Lab Europe1, le chef de l'Etat, François Hollande, a participé, aujourd'hui, à un déjeuner avec des journalistes du Monde, dans les locaux du quotidien. Ce rendez-vous, ne figurait apparemment pas sur l'agenda officiel du président de la République.

Toujours d'après le Lab, François Hollande est arrivé dans les locaux du quotidien "vers 13h10", accompagné d'un seul conseiller. Après avoir partagé pendant plus de 2h30 "un plateau repas" avec "une petite dizaine de journalistes" du Monde, le chef des armées est reparti.

Sollicitée par le Lab, un participant indique avoir "promis de ne rien dire" sur le fond des échanges, situant la rencontre sur le terrain du "totalement off". Un autre parle quant à lui d'un "déjeuner informel". 


Le fond des échanges… N'est-ce pas que ça fait rêver ! Le "Chef des armées" a pris son déjeuner avec "une petite dizaine de journalistes". Chèpasituvoi le truc ! Caramel 1er à la coule, qui va s'enfiler une entrecôte frites avec les tâcherons de la Pravda. Cool ! Tous hyper-contents qu'y z'étaient ! François, kestupenses de mon papier ? Dis-moi franchement ! Obentuparles, Charles, j'vais t'dire, Valou m'a dit comme ça : « Pas un mot à changer ! » Ça passe, le courant, entre la Pravda et Caramhol. Ça passe tranquille, ça baigne. C'qui faut, c'est rester soudés, quoi ! Qu'la France elle parle d'une même voix ! Comme avec le Grand Charles, mais sans Yvonne qu'était un peu coincée du parapluie. Nous, ça va, Filippetti elle touite, Valou elle touite, Najad elle touite, tout le monde y touite à l'Élysée, bon OK, y a encore Fabius qui se crispe un peu du pouce, mais c'est qu'une question de temps. On lui a payé un stage de touite avec Yannick Noah, c'est vrai qu'la rentrée va être juste super-touite on va dire ! 

On a voulu savoir quel avait été le dessert, mais rien n'a filtré. Caramhol n'est pas Chef des armées pour rien. Pas un mot à changer. On continue droit devant ! 

Sur le Front


Ce matin, à l'aube, nous avons entendu des tirs d'Amalgames. C'était les personnels de l'Éducation nationale qui tiraient en direction de Filippetti Aurélie, laquelle a immédiatement répliqué en envoyant une salve nourrie d'Heures-les-plus-sombres qui, fort heureusement, ont manqué leur but. Mais c'est précisément le moment qu'a choisi Zemmour Eric pour dégainer son fusil à relans et tirer dans le tas. Hagège Claude aurait été légèrement blessé, mais l'info reste au conditionnel. 

Ah, c'est pas beau, la guerre !

dimanche 4 août 2013

Présence



Après un mois de Boulevard Voltaire, je crois que je vais finir par être plus davoudien que Davoudi. Les commentaires qui se lisent sur ce site sont affreusement déprimants. La bêtise s'y étale avec tellement d'aplomb et de contentement qu'elle décourage toute velléité d'empathie (même modérée). Pour faire de la politique, il faut avant toute chose abdiquer une grande part de son intelligence, de sa sensibilité et même, chose peut-être plus surprenante, de sa morale. 

Au-dessus de ma tête, les cigales sont déchaînées. Jamais auparavant je n'avais entendu pareil concert. C'est comme si l'on avait un casque sur les oreilles, un casque dans lequel le cri du monde était enfermé, hérissé de mille pointes métalliques.

Vendredi dernier, à l'abbaye du Barroux, entré comme par effraction dans l'église. Des moines étaient là, en prière, et il était difficile de ne pas se sentir de trop, voyeur, intrus, parasite. Des années et des années que je n'avais ressenti pareil émerveillement devant la beauté presque irréelle de la prière catholique. Ils entraient, seuls ou par petits groupes, s'agenouillaient, pendant que d'autres se levaient et sortaient après une dernière génuflexion devant l'autel. Pas un bruit, presque pas un son. Les quelques personnes, toutes jeunes, étrangères à la communauté, qui se trouvaient là, en prière elles aussi, étaient plus silencieuses encore que les moines. Au fond de la chapelle un Christ vêtu, magnifique, coloré, étendait sur l'assemblée sa paix surhumaine. Très vite, j'ai cessé de me sentir spectateur adventice, et tout mon être a plongé, corps et âme, dans une béatitude active. Dans des moments comme ceux-là, on comprend que les moines sauvent le monde en s'en retirant, et qu'il n'existe sans doute pas d'autres moyens que l'absence et le silence pour nous faire aimer à nouveau — c'est-à-dire connaître — ce qui nous fut transmis par ceux qui nous précédés ici-bas. La présence réelle est une sous-catégorie de l'Absence, c'est ce que mon corps comprend (sait) de mieux en mieux. 

En Toi, par Toi, dans les siècles des siècles, je voudrais renaître et oublier celui que je fus et suis encore. 

jeudi 1 août 2013

Les Heures chaudes



Le feuilleton de Boulevaire Voltard :

• Jacques va-t-il comprendre tous les mots employés par Mr Camus ?

• Combien de nouvelles propositions d'intitulé pour le parti de l'In-nocence ?

• La querelle — essentielle — des mots étrangers, qui seraient en train de tuer notre langue.

• Faut-il oui ou non mettre des majuscules aux noms propres de ceux qu'on mésestime ?

• Combien de "like" sous l'article de Mr Camus ?

• La rubrique : « Alors moi j'fais comm'ça. »

• Et toujours : « C'est quand qu'on commence ? »


Previoulsy on Boulevaire Voltard :

Kµ est en caleçon lorsque la Vieille Dame entre dans la pièce. Il tient un saucisson dans une main et un pinceau dans l'autre. En fond sonore, les Enigma Variations. La Vieille Dame, qui ressemble à Margaret Thatcher, cherche Arthur. Arthur, mais si, vous savez bien, le cousin de Babar…