jeudi 10 décembre 2009

Niveaux

• Il faut absolument arrêter le soleil dans sa course folle, il nous entraîne avec lui, alors qu'on ne lui a rien demandé.

• Dieu mesure un mètre pile, Dali ne mesure plus rien, et l'étalon est dans la poche de gauche.

• J'aurais bien aimé pouvoir continuer à détester Harnoncourt, au moins un petit peu.

• Georges a encore vomi en dormant.

• Ré mineur est une tonalité mortelle.

• Madame de Fontenay est une sorte de miracle : pendant des siècles, on a hésité sur la définition de la laideur. Plus besoin d'hésiter.

• Dans mon rêve, je pisse, je pisse, je pisse, impossible de m'arrêter, le niveau monte, je flotte. C'est beau, cette mer jaune. Mon énergie inépuisable m'entraîne à reculons vers les origines du temps. La mer mêlée au soleil

• Commencer sa Neuvième par une neuvième, il n'y a que lui pour avoir fait ça.

• 20, 5, 27, 41 - 32, 1, 5, 9


(Frasques des ready-médisants)

lundi 30 novembre 2009

Morale


Re: Entre Choron et Sade...
Envoyé par: Agrippa
Date: 29 novembre 2009, 17:36

Tout de même, quel gâchis que de dépenser son talent aussi bêtement, il aurait pu être une arme redoutable contre les amis du Désastre. Peine perdue, il se préfère en écrivain maudit... Perdu pour la cause politique, gagné pour la littéraire peut-être...

Voilà la mèche vendue, et bien vendue.

dimanche 29 novembre 2009

L'amour


« J'ai cru avoir faim, et puis, après avoir mangé, je me suis aperçue que non, c'était un mirage… »

mercredi 25 novembre 2009

Brassica rapa


Il est de notoriété publique que les membres de l’Académie Goncourt priment chaque année un livre, non pas parce qu’il serait «bon», mais en fonction de considérations financières ou de vanité éditoriale, ce qui explique qu’en un peu plus d’un siècle, n’aient été primés que des navets, qui sont, ironie de la chose, à l’image de ces académiciens. Certes, les navets se vendent bien. Mais alors pourquoi ne pas laisser aux représentants des organisations de maraîchers le soin de choisir le plus beau navet ? Ils feraient un meilleur choix que les dix de chez Drouant. Le seul intérêt que la littérature retire de ces mômeries, et qui n’est pas mince, est que l’argent des navets sert à éditer des écrivains qui ne font pas dans la tératologie navetière.

Cette critique du livre de Marie Ndiaye, signée Jean-Gérard Lapacherie, vous pouvez en lire la suite ici, et je vous y invite.

mardi 17 novembre 2009

The Big Shopping






— Bonjour, tu te souviens au Zénith, il y a un mois, tu m'as dit que je pourrais mieux voir Miles à Nancy, en province tout le monde est plus décontracté tu disais…

— Non, je ne me souviens pas, grimace l'imprésariote débordée… Qu'est-ce que tu lui veux au juste à Miles ?

— Lui montrer les dessins que j'expose et lui offrir mon livre sur Billie Holiday…

— Des dessins, un livre, mais Miles s'en branle ! Moi j'aimerais bien qu'on me laisse dormir dans cette foutue ville ! J'ai besoin de sommeil ! Ça ne va pas ! Ça ne va pas !

— Je t'appelle demain matin…

— Ah non ! Pas avant midi ! J'en ai rien à foutre, je veux dormir… Je reviens de Montpellier, tu le comprends ça ? Merde !

Et elle me tanque au beau milieu de la réception. Je peux m'estimer heureux. Elle est tout à fait charmante avec moi. Je ne suis même pas déçu, d'abord parce que je m'attendais à cette volte-face téléphonée de la part d'une grosse maquerelle lunatique, ensuite parce que le neveu Vince, lui, m'a promis qu'il allait faire quelque chose pour moi demain. J'ai davantage espoir en lui pour voir Miles d'un peu plus près qu'en cette vieille "amie" de mon père, magouilleuse grenouille bouffie marinant depuis vingt-cinq ans dans le jus jazz des Nègres, et qui ne risque pas de lever le petit doigt pour un Zanini, tout Nabe qu'il soit…

À cet instant précis, Miles sort du restaurant, royal, léger, noir, luisant, fumant… Il s'approche de la réception, lentement, et demande où est l'ascenseur… Nous sommes tout près de l'"elevator", surtout Hélène et — instant inoubliable — Miles passe devant nous. Je suis en retrait. Il frôle Hélène, puis se retourne et lui jette un regard reluquant mais très furtif. C'est la classe mâle qui jette LE regard qu'il faut au moment où il faut. LA bonne note bien mise en place. Il lui lance : « Have I seen this beautiful eyes before ? » Hélène mord à l'hameçon à pleines dents, et en très bon anglais répond à Miles : « On essaie de vous voir depuis longtemps. Lui est écrivain (elle me désigne aussitôt dans l'ombre), il a fait un livre sur Billie Holiday, il y a trois ans, il vous a donné des dessins de boxeurs par l'intermédiaire de votre neveu… » Je m'avance.

Miles, de sa voix rauque qui ne nous a jamais paru plus claire et jeune, nous demande, le temps que l'ascenseur descende : « Are you brother and sister ? » Je chope la perche au vol. « She is my sister only the day, the night she is no more my sister at all. » Il rigole, un peu comme Sam en sortant un bout de langue, et nous invite à le suivre : « Come in my room », comme pour éclaircir tout cela. Dans l'ascenseur, il demande le prénom d'Hélène et à moi : « Where is your book ? » J'ai du mal à croire à ce que je vis : Miles Davis, Hélène et moi papotant enthousiastiquement dans un ascenseur ! On le suit jusqu'à la chambre 324. De dos dans le couloir, il demande à Hélène mon prénom à moi cette fois, et me toise en répétant rauquement : « Mark-Edward ? O.K. » Sur le seuil de la porte, il dit à Hélène : « Ton copain est très malin, il se sert de toi pour me rencontrer… C'est une bonne idée… »

On découvre la chambre avec lui, assez luxueuse mais pas excentriquement urf, toujours mieux que notre trou à rats à l'Académie… Ses bagages sont déjà là : deux grandes malles verticales comme on n'en fait plus, pour colons en partance vers d'exotiques pays à conquérir. Miles évolue comme s'il était ici chez lui depuis toujours, nous demande de nous mettre à l'aise. On est dans la chambre de Miles avec Miles Davis !!! Si je ne rêvais pas, j'exigerais qu'Hélène me pince. Hélas c'est comme si nous rêvions, car l'incroyable qui arrive est toujours un rêve…

Il est 20h15, Hélène est en pull rose et pantalon, moi en flanelle grise, Miles en cuir et tee-shirt noirs : sans râler en star, il remarque simplement que la porte de la suite est fermée. Il visite la chambre en tournant comme un jaguar et trouve le radiateur trop froid. Il regarde par la fenêtre de la place Stan et se cogne au double vitrage très élégamment, sans le prendre mal. Je rigole en lui disant : « Watch in, that's a double ! » Il force Hélène à enlever son manteau en tirant sur ses manches. S'interroge encore sur la nature de nos relations. Je réponds : « Oui, je suis son boy-friend. Ça me surprend moi-même ! » — Tu as bon goût, me répond Miles, les yeux brillants.

Hélène s'assoit sur son lit et moi je m'installe à une petite table à côté. Il nous propose à boire mais ne trouve pas le mini-bar. À ce moment-là, le liftier qui montait les bagages du "Prince des ténèbres" est réquisitionné pour nous aider. Un peu affolé, le touchant jeune homme va même voir dans l'armoire si le frigo n'y est pas. Quand il s'étonne, Miles est aussi beau que lorsqu'il ne s'étonne pas. Finalement, c'est moi qui trouve le bar ! Hélène sort les bouteilles de jus d'orange et de vodka. Le décapsuleur restant introuvable, elle fait mine de libérer le goulot avec les dents, gag dans lequel Miles tombe, pétrifié d'horreur naïve. Je charge expressément le petit liftier d'aller chercher le programme du festival dans lequel est reproduit mon portrait de Billie Holiday. Comme nous parlons dessins, Miles demande aussi un jeune garçon de lui rapporter une mallette noire qu'il a oubliée sur la banquette de sa Mercedes.

Nous commençons à boire, Miles gagne les toilettes. D'après ce que nous entendons, il s'agit d'un très beau solo (sans sourdine) sur les harmonies de The Big Shopping (la grosse commission). Ahuris et extatiques, nous voudrions être déjà en train de raconter cette "plongée" en plein cœur de l'intimité du génie. Au dos d'un prospectus, j'ai trouvé une surface blanche assez grande pour entreprendre de dessiner Miles lui-même, sur le motif ! Il sort des chiottes se rembraillant sans gêne alors que le liftier revient avec tout ce qu'il faut : Miles s'empare de son espèce de porte-documents et en sort son carnet à dessins. Il se penche ensuite au-dessus de mon épaule et, interrompant une seconde mon tracé sur le médiocre support, dispose sous mon stylo la première page libre de son cahier plein de ses propres croquis afin que je continue à dessiner dans les meilleures conditions. J'aimerais bien oublier — mais comment ? — les mains de Miles soulevant la mienne, cassant affectueusement la reliure de son bloc de feuilles, et caressant amoureusement le papier neigeux dans les délicates clinquailleries de ses bracelets raffinés. Tout cela bien entendu, sans perdre de vue Hélène sans laquelle nous ne serions pas ici. Avec le dessin, c'est bien notre seule façon de communiquer. Miles joue au latin lover avec la belle Blanche :

— Oh, Helena, don't look at me with this eyes !

Il lui demande même, mi-roublard mi-sérieux (sans aucune hypocrisie vicieuse à mon égard) de choisir entre lui et moi. « The both » réplique Hélène particulièrement en forme, d'une grande élégance sensuelle, décidée selon son habitude à ne jamais m'exclure des troubles qu'elle provoque chez les hommes. Miles le comprendra si bien, que sa drague tournera au jeu et à l'amusée mise en scène d'un moment magique entre trois êtres réunis par "hasard".

Miles a besoin de son factotum. Il charge Hélène d'appeler Simone Schmotz. Comme nous lui avons déjà touché un mot (loin de le surprendre !) sur l'irascibilité de Lady Barrage, il est jouissif d'entendre, par la voix d'Hélène, Miles commander la Ginibre. Toute douce larbine soudain, étonnée d'entendre une Française inconnue lui parler de la chambre de son patron, Simone marchera droit pour retrouver dans les parages l'homme à tout faire de son patron…

“Faire", ça semble d'ailleurs être la préoccupation essentielle de Miles ce soir, puisqu'il retourne au cabinet prendre un second chorus. Je termine mon dessin en noir et blanc, le représentant courbé en cape avec sa trompette. Survient alors le garde du corps vu en bas : il éclate de rire de nous voir dans la chambre inaccessible, bien débrouillards. Miles déboule alors du petit coin en se plaignant de maux d'estomac. Comme un robot, "l'aide-soignant" sort de sa serviette une bombe à désodoriser, et très glabre, vaporise l'atmosphère pour dissiper les miasmes divins du génial dérangé.

Le type commence à déballer les affaires. Hélène demande pour Miles un numéro à New York. Le Prince, pendant ce temps, vient admirer mon "œuvre". Lentement il met ses grandes lunettes noires correctrices et murmure un « nice… ». Il les enlève ensuite pour me dire dans les yeux : « But I'm not so black, I am black inside. » Phrase dont il ne peut mesurer la portée dans mon sens des conséquences. Comme je lui dis que je me sens amputé (legg-less) sans les couleurs, Miles vient m'apporter enfantinement une petite trousse d'écolier rose tyrien bourrée de feutres multicolores. Hélène rigole en lui disant que c'est très habile d'occuper ainsi l'artiste pendant qu'on lutine sa muse. Quand il sourit, Miles découvre entre deux belles rangées de dents, une belle langue, plus tyrienne que la trousse.

Hélène montre un vif intérêt pour sa pratique graphique, alors Miles, qui ne doit pas tomber souvent sur des gens aussi sincèrement concernés par le dessin, nous sort, à la fois timidement et fièrement, tout un paquet de carnets de tous formats. On voit tout de suite que ce super hobby lui tient à cœur. Il doit apprécier, sans se douter de ma culture davisienne, qu'aucun de nous deux ne le considère ce soir comme un musicien. Le dessin, c'est son truc. Là où « il se surprend lui-même » dit-il. Bientôt, le lit est recouvert de cahiers. « Tu veux vraiment voir mes dessins ? » lance-t-il chaudement à Hélène, en la tirant par les bras et en la couchant sur les feuilles mélangées comme des vagues de lignes aux couleurs électriques. Sans grande personnalité de trait, ses dessins sont comme la transcription schématique et très édulcorée des envols mélodiques de sa trompette. Je connais, pour les éprouver moi-même, les limites du violon d'Ingres. Il existe une peinture de musicien (Django) comme il existe une peinture d'écrivain (Hugo). Hélène remarque, narquoise, la prédominance des partouzes de femmes dans ces dessins arachnéens. Pour prendre en défaut cette Blanche à l'adorable aplomb, Miles désigne à Hélène un phallus perdu dans la foule des femelles.

De mon côté, je dessine la tête de Billie Holiday aux multiples couleurs, ce qui n'est pas la méthode de Miles : il me dit ne jamais utiliser plus de deux couleurs à la fois. Risquant le tout pour le tout dans la provocation passéiste, je descends un broussailleux portrait de Monk. Miles s'approche, remet ses lunettes et susurre : « Thelonius ?!… Shiiiiiiit… » Et dans ce shit lancé comme le ré naturel à la fin de l'exposé de Round'Midnight (version 65), il y a toute la fraternité du monde qui passe et qui me donne la chair de poule… Ils me font bien marrer ceux qui prennent Miles pour une star du rock ! Il est surtout star avec les emmerdeurs, et rock avec les débiles mentaux. Dès qu'il renifle l'esprit du jazz chez un être, il n'a pas besoin de se cacher : il est jazz, impudiquement jazz, quoi qu'il fasse jusqu'à sa mort il sera JAZZ, et seuls ceux qui ne sont pas jazz croient qu'il ne l'est plus…

Je me suis trahi. Miles voit bien à mes portraits que je connais ses frères. Comme si je savais tout, il me demande si « Dexter est malade ». Je lui dis que le film de Tavernier est une merde. Il ne l'a pas vu et il s'en fout. C'est du passé. Tout passé le fait chier. Le dessin l'intéresse davantage. Assis dans un fauteuil, il nous explique assez confusément comment il dessine : il suit sa main dans ses lignes, conscient de la magie plastique du geste pur. Il dit aussi combien le dessin demande un entraînement quotidien comme la trompette, et que la pratique de l'un peut gêner la pratique de l'autre. Ses autres activités (notamment sportives) sont bouffées par ça : il n'a gardé que l'équitation dont il nous entretient avec chaleur, moi lui conseillant de regarder les toiles de chevaux de notre national Géricault. Lui aussi aimerait éditer ses dessins mais, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il est fort probable que les Américains là-bas se foutraient complètement des gribouillis d'un vieux Nègre qui souffle encore dans une trompette. Je pense immédiatement à Denoël et promets de voir ce que je peux faire, lorsque mi-désabusé mi-comédien il me dit : « Mark ! Find me a publisher… »

Le "vaporisateur" revient et demande à Hélène si elle connaît un endroit tranquille à Nancy pour sortir un peu de l'ambiance de Miles (et ses odeurs). Je dessine toujours, il pleut des super-trombes. Miles vient dessiner à son tour un profil de femme sur le cahier que j'ai en main. C'est Tac au tac au pays du swing. "Cadavre exquis" chez les morts-vivants immortels ! Miles arrache un de ses dessins et le colle contre l'écran de télé qu'il vient d'allumer : il est d'abord tombé sur la trogne de Patrick Sébastien et le regarde avec pitié, puis change de chaîne : c'est un match de foot, et la pelouse verte en transparence colore alors son dessin par mouvances merveilleuses.

Hélène le questionne un peu sur sa femme. Miles dit qu'il a plusieurs femmes partout mais qu'il ne les touche jamais quand il doit jouer. Il lui demande si elle connaît la signification du mot FUCK : Hélène lui répond que c'est le premier mot qu'elle a appris en anglais. Miles lance sans arrêt d'énigmatiques boutades absconses en slang secret, et certainement porno, à son ange-gardien du corps qui rigole et finit par nous quitter.

À un moment, assis en train de griffonner sur son grand cahier à dessin, Miles me pose une question métaphysique : « Mark, where are we ? » Comme je sens qu'il n'attend pas que je lui dise « à Nancy » ou même « en France », je lui réponds : « Out of nowhere ! » Un peu plus tard, quand je lui demande ce qu'il va faire demain, il me dit : « Nothing ! » Il nous dit que Wayne Shorter dessine aussi, et moi je lui apprends que Duke Ellington peignait. Il fait mine d'ignorer jusqu'au nom de Sam Woodyard avant de s'étonner qu'il ne soit pas encore mort. Il feuillette le programme du festival en grimaçant sur sa propre photo. Bref, tout un tas de réflexes absolument normaux d'homme noir courtois, curieux, viril, racé, félin, pas zombie du tout, jeune au-dessus de tout soupçon, vif d'esprit, roi-nègre mais pas trop (je suis presque sûr qu'il ne nous a pas imposé sa cagagne uniquement pour nous humilier en tant que Blancs), très intelligent, rappelant étrangement Vuillemin dans ses mouvements et expression, pas macho, puant agressif, mais élégant au contraire puisque lorsqu'il s'est aperçu qu'il ne pouvait pas aller plus loin avec Hélène, il est resté charmant et complice aussi bien avec moi qu'avec elle…

Il est 22h45. Ça fait plus de deux heures et demie qu'on est dans sa chambre. La pluie commence à cesser. Il s'est mis dans l'autre coin et, tout sombre, dessine sans un mot. Moi de l'autre côté, je finis une dernière esquisse de son allure. Quelle photo il y aurait à prendre ! Deux copains qui dessinent en silence, et Hélène au milieu sur le lit à feuilleter ses carnets, dans le bruit des millions de gouttes pleurant sur les pavés de la place Stanislas !…

Miles Davis ne voudrait pas nous foutre dehors mais toute bonne ballade a sa coda. Hélène dit qu'elle s'en va avant d'être trop saoule (trois vodkas-orange dans le coco), et nous prenons congé. Miles se lève et embrasse énergiquement Hélène sur la bouche, de ses lèvres sacrées et très sèches. Puis il me serre la main, froide et ferme, en me jetant ses yeux dans les miens comme un enfant balance un caillou dans une mare.


Nous sortons encore plein d'étoiles… La réalité reprend ses droits. Nous regagnons le chapiteau où la foule acclame le dérisoire Paolo Conte. Grâce aux tickets de rationnements du chef Tito, nous mangeons une choucroute pour nous remettre. J'ai déjà remarqué qu'on s'extrait d'un grand moment comme d'un accident de voiture, encore ébranlés par les résonances de sa signification, et tout fiers d'être encore vivants.

(Nabe, Journal intime)

mercredi 11 novembre 2009

Double-croches du lien


Le Net est un lieu irremplaçable en ceci qu'il est très facile de s'y choisir des gens dont on a envie à tout prix qu'ils nous détestent. C'est à peu près le contraire de la vie ordinaire. Quand dans la vie de tous les jours on rencontre un personnage antipathique, le premier réflexe (et souvent le seul) est de l'éviter, de faire un détour, afin de ne pas être contaminé par sa négative odeur. On n'a cure qu'il nous connaisse, on est soulagé qu'il nous ignore.

Avec Internet, le problème se renverse. Toute cette négativité avortée, toute cette puanteur que notre corps est conditionné à fuir, dès que les effluves putrides parviennent à nos narines, nous avons désormais envie de l'éprouver, de savoir enfin de quelles nécessités et de quelles angoisses cet enfer est pavé. Les ennemis sont souvent plus féconds que les amis. Dire "déteste-moi !" est mille fois plus amusant que de tirer par la manche quelqu'un qui ne nous effraie pas trop.

Fini les fosses sceptiques de la psychologie incarnée, Internet est le tout-à-l'égoût de la médiation. Tout le refoulaimant boueux et viscéral qui s'est accumulé pendant des décennies dans les boyaux des journaux, de la radio, de la télévision, et plus généralement de-la-vie-en-société est en train de prendre sous nos yeux un autre visage, obsédant, que la nuit n'éloigne pas. Nous pouvions tourner le bouton, fermer le journal, le jeter, nous pouvions rentrer chez nous, tirer le verrou ; ce n'est plus possible aujourd'hui. Les murs ont des bouches ; notre corps est numérique, après avoir été glorieux, assis, après avoir été debout. Se débrancher n'aura bientôt plus même de sens puisque les êtres seront câblés dès l'origine, dès la conception, non séparés et non séparables. La seule liberté, minuscule mais jouissive, qui nous reste, est de pouvoir apostropher un semblable et de voir comment il va nous haïr. Le christianisme était ce monde où l'amour était la mesure (et la démesure) de toute chose, l'hyper-démocratie numérique et post-sexuelle est celui qui aura renversé la chaîne du désir : dis-moi comment tu me hais et je te dirai qui je ne suis pas.

mercredi 4 novembre 2009

La Pravda

Christine Villemin a été libérée ! Pour l'instant… La France n'est pas vraiment certaine de tenir là une infanticide "sublime forcément sublime" comme l'appelle cette vieille peau pourrie de Marguerite Duras qui écrit — c'est l'événement du jour — un grand article dans la Pravda de Serge July. Le gros gauchiste se régale de toute l'affaire. Ça lui rappelle l'histoire du notaire de Bruay-en-Artois accusé à tort d'avoir trucidé la petite Brigitte Dewaere et sur laquelle l'acharné prolétarien July a bâti toute sa sinistre carrière de "journaliste". Aujourd'hui, ça doit bien le faire bandocher, le feuilleton antique de Lépanges. Assoiffé comme il est, July boirait verre après verre toute l'eau de la Vologne qu'il ne se désaltérerait pas. Chaque fois que July prend la plume, on dirait qu'il vient de l'arracher du cul d'un corbeau. Il touille la merde d'Épinal avec et l'écrase sur ses grandes pages déjà souillées de références douteuses (Roland Barthes et Cie…). Mais tout cela n'est rien encore à côté du "texte" que la Prix Goncourt 1984 a daigné donner à Libération… L'Écrivaine numéro un de la minuitée sans suc se lance dans l'actualité ! Le vagin retrousse ses babines ! Marguerite se mouille ! Débile, forcément débile !

Je lis effaré ces quatre pages de conneries culottées. Cette vieillarde pontifiante est allée faire sous elle sur le terrain. C'est du joli. Il va sans dire que ce n'est pas écrit. Ça fait « bien écrit ». L'intellote prend conscience de se temps. La conne enquête. Elle rôde autour de la bicoque au crime, bien enfoncée dans son col roulé de mémère éthylique. On la voit bien avec son intelligence à la main comme une loupe, arpentant les entours du chalet vosgien ! Il ne lui manque que le chapeau à carreaux, à Sherlock Duras ! Moi, j'aurais été le petit Grégory, voir s'approcher de moi un monstre comme Marguerite Duras m'aurait fait me foutre à l'eau tout seul ! Y a-t-il femme de lettres plus grotesquement vaniteuse que la Duras ? Je téléphone à Serge July, je lui dis que je ne ferai pas l'article. Et puis à deux heures du matin je commence à l'écrire. Coquette cacochyme ! C'est à partir de ce moment qu'"au-delà de la raison", elle rédige son delirium inconséquent. Elle fait sa Simenon, elle se repasse le film, c'est tout juste si elle n'étrangle pas elle-même l'enfant mieux que l'assassin ! Ah, qu'elle se met bien dans la peau de "Christine V." (l'initiale, quel chic !) ! Elle la comprend à mort de l'intérieur ! C'est impressionnant comme Marguerite D. compatit au malheur psychologique qui a poussé Christine V. à devenir forcément sublime ! C'est là qu'elle a cette phrase à dégueuler partout : Christine V. innocente qui peut-être a tué sans savoir comme moi j'écris sans savoir. Alors ferme ta gueule, salope ! C'est très grave ce culot inouï. Personne d'autre que madame Duras ne pourrait se permettre, en pleine affaire complexe, de "charger", sous couvert d'intuitive littérature, une accusée à ce point. Et July trouve ça parfait. Marguerite Duras dit tout haut ce que nous pensons tout bas (comme Le Pen, alors ?). Si haut que toute la justice snobée risque fort d'être influencée sur le sort à réserver à la mère V. Et si elle n'était pas le personnage rêvé de la Duras ? Tout ça pour faire monter le fantasme de l'infanticide, si présent dans l'"œuvre" et la trogne de cette haineuse pocharde femelle ! Pour Marguerite Duras, c'est normal d'être une mère monstrueuse puisque la maternité est monstrueuse en soi. La vraie maman tue. Quelle dégueulasserie ! J'aime le crime, dit-elle, et ça suffit à July pour l'envoyer à Lépanges, s'approprier l'affaire en cours, trancher dans le vif pour tous les juges et tous les flics, ramener sa fraise et l'écraser sur tous les cadavres chauds… Christine Villemin est devenue une héroïne de l'écriture de l'auteur de l'Amant, dit le patron de presse. Il s'agit d'un écrivain en plein travail, fantasmant la réalité en quête d'une vérité qui n'est sans doute pas la vérité, mais une vérité quand même, à savoir celle du texte écrit. Ce n'est de toute évidence pas la vérité de Christine Villemin, ni vraiment celle de Marguerite Duras, mais celle d'une femme "sublime, forcément sublime" flottant entre deux langages…

Comment peut-on supporter tant de légèreté cynique ? Grégory doit se retourner dans sa vase… Tant de mauvaise littérature (car tout est là aussi), servie en alibi à la manip minable de deux notables du pouvoir intellectuel ! En effet, l'article de la Duras est scandaleux (plus encore que celui de Barthes sur Dominici, son modèle) mais pas comme l'entend July. Il est scandaleux parce qu'il se fait passer pour scandaleusement immoral alors qu'il est scandaleusement moral. Toute la morale gauchiste — la même que celle que July utilisait contre Me Leroy — est là pour caresser les esprits dans le sens du poil sale. Faire semblant de comprendre et de pardonner (on n'a pas rangé la guillotine pour rien) le crime (Il arrive que les femmes n'aiment pas leurs enfants) pour mieux en renverser les effets sur le plan social. Et si, au passage, Marguerite se paie une petite autopsychanalyse sur le dos de la présumée innocente-infanticide, c'est encore mieux ! Et voilà le travail ! Duras insiste bien, et sans talent, sur la "victime" des circonstances, la femme au foyer martyre, poussée la médiocrité quotidienne à noyer son gosse. C'est pas sa faute : Christine V. n'était pas assez "à gauche". À la fois l'accuser publiquement, de toute son autorité d'"écrivain", et l'innocenter "politiquement" par la force des choses tristes.

Cette masturbation sans plaisir est une des prestations les plus répugnantes de l'époque. Le féminisme hystérique de Duras (et de toutes ses copines soixante-huitardes qu'on devine derrière) va si loin qu'elle excuse la prétendue mauvaise mère pour mieux accuser — c'est le but — le mari, véritable assassin. Ça ne lui suffit pas que Jean-Marie Villemin (elle ne le cite jamais, elle l'appelle "cet homme") ait tué son cousin (encore un présumé innocent) : son vrai crime c'est d'être un homme. D'être le mari d'une femme sublime et de la laisser faire la vaisselle ! Regardez bien autour de vous : quand les femmes sont comme celles-ci, inattentives, oublieuses de leurs enfants, c'est qu'elles vivent dans la loi de l'homme.

Duras y arrive tout doucement : si Christine avait eu le courage — ou l'occasion plutôt — de s'évader de cette "prison de liberté", elle n'aurait pas eu besoin de dégrégoryser son petit garçon ! C'est ça que ça veut dire. Pauvre vagin vosgien… Elle a reporté sa violence contre son mari sur son fils. Et voilà l'ignoble Marguerite fanée — qui n'a jamais pu faire bander qu'un faux Chinois il y a cinquante ans — qui lâche un de ses plus moisis pétales : Aucun homme au monde ne peut savoir ce qu'il en est pour une femme d'être prise par un homme qu'elle ne désire pas. La femme pénétrée sans désir est dans le meurtre. Tout s'explique donc ! Elle le dit et le redit, elle ne se lasse pas de décaler tous ces crimes. La victime c'est la mère ; le meurtrier c'est le père, mais pas de son enfant, ni de son cousin : de sa femme ; et l'enfant mort — ça lui brûle les grandes lèvres de le dire, mais elle n'ose pas — ce n'est pas Grégory c'est celui que Christine V. attend en ce moment ! Dans son ventre, le prochain, voilà le plus cruel assassinat : celui qui consiste à à faire un enfant à sa femme quand on en est l'odieux mari !

Résumé : Chistine V. est sublime parce qu'elle est innocente d'être coupable. Tous les maris sont des ordures, et les enfants n'ont pas à exister. Toute justice est donc inutile. Dans cette affaire, on a touché la monstruosité de l'innocence. On est allé jusqu'à "la couche derrière le mal". Fin. Les intertitres sont de la rédaction.


On dit que je suis haineux ? Mais c'est ça la haine, la vraie haine de tout : des femmes, des hommes, des enfants, du sexe, de l'amour, de la maternité, de la paternité, de la littérature, de la réalité, des Vosges et de la vérité. C'est la haine de la vie et même la haine de la mort ce qui, pour un écrivain, est la lâcheté suprême, celle de l'être détestable qui n'a pas le courage de se détester lui-même.

(Marc-Édouard Nabe, Journal intime, tome 2, Tohu-Bohu, pages 1154 et suivantes)


jeudi 22 octobre 2009

Les commentaires auxquels vous n'échapperez pas

On ne peut pas mourir, sur Lointernète. Les bits nous collent aux doigts comme le sperme aux poils. Pas près d'advenir, le linceul figuré en transe. Mes marionnettes décomposées se pourlèchent les mains qu'elles ont sales et maladroites, fatigués catcheurs de Monoprix, le saut du Blog en promo, derrière les produits halal.


Mais alors Collaudoigt il est chez vous maintenant ? Il a son couvert chez Georges le sparadrap ? Les petites allusions complices et tout ? Ah Pascal je vous en prie. Georges est gentil.


C.



Quel gentil petit club d'amis. A ce stade on sait que Georges est vraiment mort.

C.



Vous voilà bien englué dans votre petit Face Book privé. La colle sirupeuse en dégouline de partout. Vous n'oserez plus rien. Fermez les commentaires, vous n'avez plus rien à dire.


D.

Pascal, gentil

S, gentille
K, gentille
Angélique, amoureuse c'est hévident
Petite mauve, petite
Georges, mort


D.


Tout dans ce billet est méprisable.


D.

dimanche 11 octobre 2009

Journal d'une crise



Ces quatre derniers jours, deux séances sont consacrées à l'approfondissement de l'expérience du contrôle du pouce. Tandis que je concentre ma réflexion sur la situation telle qu'elle est apparue le 2 octobre, le rapport entre la courbure du pouce et la protubérance extérieure du pouce au niveau de sa deuxième articulation, devient pour moi une source de curiosité. Ce rapport fournit une "image" de contrôle et est mis à l'épreuve ce même soir. Les premières impressions sont favorables : l'articulation II du pouce positionnée vers l'extérieur semble contrebalancer, compléter et faciliter la flexion du pouce (dans la mesure où le phénomène est mis en corrélation avec la flexion des doigts — articulation II des doigts en position extérieure) et, pendant cette session, l'amélioration du contrôle est manifeste à beaucoup d'égards. Cependant, on remarque que cette position semble imposer un doigté "linéaire" et des limites à la rotation des mains, ce qui crée une excessive rigidité de la troisième articulation des mains.

jeudi 8 octobre 2009

L'Histoire avec

Mon histoire avec R. V. S. B. AS. L. A. M. A. l'A. S. A. T. C. E. C. M. A. A. A. C. M. F. C. I. C. E.

(Je n'y avais jamais pensé. Faire l'effort de se rappeler toutes les filles avec lesquelles on a eu une "aventure", une "histoire". Pas facile. Je suis certain d'en oublier quelques unes, mais peu importe. L'idée est de faire passer un fil entre tous ces noms, de les relier pour voir si cela raconte quelque chose. Je suis étonné de m'apercevoir que certains étaient enfouis très profond, qu'il m'a fallu du temps (et de la chance) pour en retrouver la trace. C'est le fil du temps qui se déroule, avec ses nœuds et ses fourches, un fil toujours prêt à rompre.)

Variations ? Rondo ? Forme sonate ? Passacaille ? Fugue ?

(Comment le savoir, avant le terme ? Est-on le sujet, (le) thème, ou (le) contre-sujet, (l')objet, a-t-on aux femmes un rapport ternaire, binaire, composé, irrationnel, harmonique, contrapuntique, inharmonique, diatonique, chromatique, tonal, modal ? Est-on en situation de relatif mineur, ou de dominante ? Quelle sorte de modulation choisit-on dans les moments de crise ? Existe-t-il une constante dans la manière de faire l'amour de (avec) ces femmes ? Dirige-t-on (est-on dirigé) avec une baguette, ou à mains nues ? Lesquelles étaient de la petite harmonie, lesquelles des cordes, lesquelles des cuivres, lesquelles des percussions ? Lesquelles jouaient faux ? Lesquelles sonnaient bien ? Quel était le mouvement général : allegro vivace, andantino, adagio, grave ? Les principales cadences étaient-elles parfaites, imparfaites, rompues, évitées, plagales ? Qu'ont-elles fait des notes étrangères ? Comment a-t-on ornementé ? Commençait-on les trilles par en-dessus, par en-dessous, par la note réelle ? Quel registre a-t-on privilégié ? Jouissaient-elles en voix de poitrine, en voix de tête ? Lesquelles utilisaient une sourdine ? Combien de points d'orgue, combien de points d'arrêt ? Avons-nous abusé du rubato ?)

Esprits et souffle

*
(Pour Bernard Lombart)

Esprits

῾ ᾿
Les esprits ne s'écrivent que sur une voyelle ou une diphtongue initiale ainsi que sur la consonne rhô (Ρ ρ). Leur nom signifie proprement « souffle » (du latin spiritus) et non « âme ». Ils indiquent la présence (esprit rude : ) ou non (esprit doux : ᾿) d'une consonne [h] devant la première voyelle du mot.
Leur placement est particulier :
  • au-dessus d'une lettre minuscule : ἁ, ἀ, ῥ, ῤ ;
  • à gauche d'une lettre capitale majuscule : Ἁ, Ἀ, Ῥ, ᾿Ρ ;
  • sur la seconde voyelle d'une diphtongue : αὑ, αὐ, Αὑ, Αὐ.
Tout mot à initiale vocalique ou débutant par un rhô doit porter un esprit. Un texte en capitales au long n'en portera cependant pas. Un iôta adscrit (voir plus bas) ne pouvant pas porter de diacritiques, il sera distingué de cette manière : Ἄιδης n'est donc pas composé de la diphtongue ᾰι, qui serait diacritée Αἵ- avec la majuscule, mais de la diphtongue à premier élément long ᾱι, qu'on pourrait aussi écrire ᾍ-.

Esprit rude

À l'origine, dans l'alphabet qu'utilisaient les Athéniens, le phonème [h] était rendu par la lettre êta (Η), qui a donné le H latin. Lors de la réforme de -403, c'est un modèle ionien qui a été normalisé (et imposé de fait au reste de la Grèce), modèle dans lequel la même lettre en était venue à noter un [ɛː] (è long), la lettre Η ayant été rendue disponible par son inutilité du fait de la psilose (disparition de l'aspiration) survenue en grec ionien. Ainsi, une fois le modèle ionien popularisé, il n'a plus été possible de noter le phonème [h] alors que celui-ci est resté prononcé dans certains dialectes, dont l'ionien-attique d'Athènes et, partant, la koinè, jusqu'à l'époque impériale.
Aristophane de Byzance, au iiie siècle av. J.-C., systématise l'utilisation d'un Η coupé en deux dont on trouve des attestations épigraphiques antérieures (en Grande-Grèce, à Tarente et Héraclée). Cette partie de Η donna Dasus.png, parfois L, caractère ensuite simplifié en ҅ dans les papyrus puis en ῾ à partir du xiie siècle, devenant le diacritique nommé πνεῦμα δασύ / pneũma dasú, « souffle rude ». Il ne faut pas perdre de vue qu'à cette époque le phonème /h/ avait déjà disparu du grec : l'invention et la perfection de ce diacritique en fait inutile est donc d'un archaïsme grammatical exceptionnel.
L'emploi de l'esprit rude comme diacritique, cependant, se limite aux initiales vocaliques et au rhô en début de mot ; il n'est donc pas possible d'indiquer facilement la présence de [h] à l'intérieur d'un mot ou devant une consonne : ὁδός se lit hodós(« route ») mais dans le composé σύνοδος súnodos (« réunion », qui donne synode en français), rien n'indique qu'il faut lire súnhodos. En grammaire grecque, on dit d'un mot débutant par [h] qu'il est δασύς dasús (« rude »).
Dans le dialecte ionien-attique, celui d'Athènes (qui a donné naissance, en devenant la koinè, au grec moderne), le phonème /r/ était toujours sourd à l'initiale : ῥόδον (« (la) rose ») se prononçait ['odon] et non ['rodon]. Pour noter ce phénomène, le rôle de l'esprit rude a été étendu : tout rhô initial doit donc le porter. Cela explique pourquoi les mots d'origine grecque débutant par un r passés en français s’écrivent toujours rh- : rhododendron, par exemple. Comme il existe des dialectes à psilose(disparition de l'aspiration ; c'est le cas de l’éolien de Sappho, par exemple), les éditions modernes de tels textes utilisent parfois l'esprit doux sur le rhô initial.

Esprit doux

Alors que l'esprit rude indique la présence d'un phonème, [h], l'esprit doux note l'absence d'un tel phonème : de fait, il n'a aucun rôle, si ce n'est de permettre une meilleure lecture ; en effet, puisque seules les voyelles initiales peuvent le porter, comme l'esprit rude, il indique clairement le début de certains mots. Dans les manuscrits médiévaux, souvent de lecture malaisée, il est évident qu'un tel signe joue un rôle somme toute non négligeable.
L'invention de l'esprit doux — ou πνεῦμα ψιλόν / pneũma psilón « souffle simple » — est aussi attribuée à Aristophane de Byzance. Il lui a cependant préexisté. Il s'agit simplement de l'inversion du rude : le demi-êta Psilon.png aboutit à ҆ puis ᾿.
Sauf dans les éditions françaises, lorsque deux rhô se suivent dans un même mot, il est possible de les écrire -ῤῥ-, comme dans πολύῤῥιζος / polúrrizdos (« qui a plusieurs racines »). Dans une édition française, le mot serait écrit πολύρριζος. Il s'agit d'une graphie étymologisante que l'on retrouve sous la forme -rrh- dans des mots français tels que catarrhe (du grec κατὰ / katà « de haut en bas » + ῥέω / rhéô « couler »).


**


(*) Esprit rude / Esprit doux (Eliot Carter)
(**) Voix instrumentalisée (Vinko Globokar)

dimanche 4 octobre 2009

Villanelle


Quand viendra la saison nouvelle,
Quand auront disparu les froids,
Tous les deux nous irons, ma belle,
Pour cueillir le muguet aux bois ;

Sous nos pieds égrenant les perles,
Que l'on voit au matin trembler,
Nous irons écouter les merles
Nous irons écouter les merles siffler.

Le printemps est, venu ma belle,
C'est le mois des amants béni,
Et l'oiseau, satinant son aile,
Dit des vers au rebord du nid.

Oh! viens, donc, sur ce banc de mousse
Pour parler de nos beaux amours,
Et dis-moi de ta voix si douce,
Et dis-moi de ta voix si douce : "Toujours".

Loin, bien loin, égarant nos courses,
Faisant fuir le lapin caché,
Et le daim au miroir des sources
Admirant son grand bois penché ;
Puis chez nous, tout heureux, tout aises,
En panier enlaçant nos doigts,
Revenons rapportant des fraises
Revenons rapportant des fraises des bois.


Je l'ai dit souvent, mais je considère que l'enregistrement d'Anne Sofie von Otter avec James Levine consacré aux Nuits d'été de Berlioz est l'une des plus grandes réussites de l'histoire du disque. Ce matin, sur France-Musique, la Tribune des critiques de disques était consacrée à cette œuvre. Six disques étaient en compétition, choisis par François Hudry. Le disque dont je parle — et qui a été choisi en définitive — ne figurait pas dans la sélection, en première instance ! Chapeau !


(Et merci à Raphaële de me l'avoir fait découvrir et aimer.)

jeudi 1 octobre 2009

Un petit mystère : Pierre Paul Jacques et la préciosité du temps


On a entendu parler, ces temps-ci, de Pierre Paul Jacques. On l'a même entendu parler (je veux dire qu'on a connu sa voix). Interviouvé par les frères Kagi, analysé par les cousines Strapontin, herméneutisé par Lamèche, croqué par Françon Mattois, on commence à avoir une petite idée du personnage. Si Marguerite Duras était encore des nôtres, nul doute qu'elle en parlerait dans Libé. Pierre Paul Jacques est ***, de profession. Comme tous les ***, il lui arrive d'écrire. Écrire quoi ? On s'en tape. Il écrit. Pierre Paul Jacques est de la Grande Bloge de France, et voyage en mobil-home. Il s'arrête dans votre communauté de communes, et vient frapper à votre porte. Quand je dis qu'il vient frapper à votre porte, on se comprend, car Pierre Paul Jacques est wifi, bien évidemment.

Georges est allé à la rencontre de Pierre Paul Jacques, qui lui a fait visiter sa salle de bains. Pierre Paul Jacques est très propre. Il a ça dans le sang, la propreté, comme d'autres ont des globules rouges ou du cholestérol. Vous vous demandez ce qu'on voit à gauche du montant oblique de la baignoire ? Il s'agit d'un instrument qui va sans doute révolutionner la Bloge. C'est une brosse-à-dents-stylo. En effet, Pierre Paul Jacques n'a pas que ça à foutre, on s'en doute. Ainsi, en même temps qu'il effectue la toilette intime de ses dents, il écrit. Tout est dans le mouvement de la main droite, et dans la souplesse du poignet. Il m'a fait une démonstration, et je dois reconnaître que c'est bluffant. En trois minutes, durée du brossage des dents, mais aussi de la cuisson de l'œuf à la coque, il a rédigé devant moi un billet pour sa bloge. Tout y était. Humour, précision, clins d'œil, développement politico-social de bon aloi, utilisation modérée mais efficace des MVA*, rhétorique souple et ductile, liens du vivrensemble et contre-plongées citoyennes.

Or Camping



dimanche 20 septembre 2009

Les Confessions (2)


J'ai connu une Malika, autrefois. Nous nous étions rencontrés sur le Minitel, où elle se faisait appeler Ambre. Elle habitait à Marseille, moi rue Linné, à Paris. Elle m'appelait parfois en pleine nuit, quand elle faisait l'amour avec un garçon, et laissait le téléphone décroché pour que j'écoute. Un jour de juin, elle a débarqué à Paris, sans prévenir. Elle m'a demandé de venir la chercher à la gare de Lyon, et nous nous sommes retrouvés quelques minutes plus tard dans un bar du boulevard Saint-Germain, où elle s'est empiffrée de gâteaux. Elle a dû en prendre trois ou quatre, on aurait dit qu'elle n'avait pas mangé depuis quinze jours. La bouche encore pleine de crème chantilly, elle m'a annoncé qu'elle voulait faire l'amour avec moi. Tout de suite. La rue Linné n'était pas loin, mais elle n'a pas pu attendre qu'on soit chez moi.

Message personnel n°12



Il arrive que je m'assoie près de moi, et que je discute. Pourquoi pas ? dis-je par exemple. Ou encore : que faisons-nous ? Ces questions m'occupent longuement. L'autre jour, de manière un peu exceptionnelle, je me suis demandé s'il fallait répondre à mes questions.

mercredi 26 août 2009

Savonnette impériale russe

J'ai bien connu Mademoiselle Lapompe. En ce temps-là je portais des bretelles.



(Je dédie ce billet à mon pote Jean-Mimi)

lundi 24 août 2009

Fermez les yeux !


« La plupart des solistes qui se produisaient au Birdland devaient attendre la sortie d'un nouveau disque de Parker pour savoir ce qu'ils devaient jouer. Que vont-ils faire à présent ? »

(Charles Mingus)


« Charlie Parker est arrivé. Puis Mingus qui a accordé sa basse. Et Bud Powell qui semblait totalement absent. Il était devant son piano, mais ne le touchait pas. Tout cela se passait dans l'indifférence générale… Il y avait beaucoup de monde du fait que c'était un samedi. Mais personne ne s'intéressait à ce qui se passait sur scène. Parker lança un titre à Bud Powell. Ce dernier joue l'introduction de "Little Willie Leaps", puis s'arrête de jouer. Mingus pose sa basse par terre. Parker le voit partir, et tout en jouant d'une seule main le rattrape et lui fait signe de continuer à jouer. Finalement, Bud Powell se retourne vers le public, tournant le dos au piano, les coudes sur le clavier, le regard "out of this world". Il se passait un drame ; le public était toujours indifférent. Parker, Mingus et Blakey ont joué seuls. Ils ont joué le blues. Avec un volume… comme des dingues. Moi je prenais des photos… Trois jours après, mon copain arrive et me dit : Charlie Parker est mort ! »

(Marcel Zanini)

« Mesdames et Messieurs, je vous prie de ne pas m'associer à tout cela. Ce n'est pas du jazz. Ce sont des malades. »

(Charles Mingus)


Le médecin revient chaque jour et pose à Bird quelques questions de routine et notamment s'il boit de l'alcool. Celui-ci répond, ironique : « Juste un verre de sherry, parfois, avant le dîner. » Au bout de trois jours, son état semble s'améliorer et on l'autorise à regarder Tommy Dorsey à la télévision. « Nous l'avons calé dans une chaise longue, avec des oreillers et des couvertures. L'émission lui plaisait. Bird était un fan de Dorsey. "C'est un merveilleux tromboniste", disait-il. Puis est venu le moment où les jongleurs faisaient voltiger des briques qui restaient collées ensemble. Ma fille demandait comment ils faisaient, Bird et moi prenions des airs très mystérieux. Soudain, ils ont laissé tomber les briques, nous avons tous éclaté de rire. Bird a ri bruyamment puis a commencé à s'étouffer. Il s'est redressé, a hoqueté deux fois, et il est retombé dans sa chaise. J'ai sauté sur le téléphone pour appeler le médecin."Ne t'inquiète pas, Maman, m'a dit ma fille, il va bien maintenant." Je suis allée prendre son pouls. Il avait la tête penchée en avant. Il était inconscient. Je sentais toujours son pouls. Puis il s'est arrêté. Je ne pouvais pas le croire. Je sentais mon propre pouls. J'essayais de croire que mon pouls était le sien. Mais je savais vraiment que Bird était mort. Au moment où il s'en alla, il y eut un énorme coup de tonnerre. »

(Baronne Pannonica de Kœnigswarter, in Charlie Parker, de Hugues Le Tanneur)


dimanche 23 août 2009

Respectitude (par-delà)

La région où je vis vient de perdre le président de son Conseil Régional : Alfred Zambert a succombé hier des suites d'un malaise cardiaque.

Centriste, humaniste, chantre de la décentralisation, européen convaincu, cet homme mériterait déjà d'être plus (re)connu, ne serait-ce que pour deux faits d'arme : d'une part, il pria toujours le Front National et autres émanations "buboniques" d'aller voir ailleurs ; d'autre part, inspiré par le droit local qui oblige assistance aux plus pauvres d'entre les pauvres, il créa dans sa bonne ville de Saverne un Revenu Minimum d'Existence, ledit subside devenu, en 1985, proposition de loi qu'il aura déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale - quiconque s'intéresse à l'oeuvre de Michel Rocard connaît la suite...

Respect.

Trouvé ça sur le blog d'un copain de Jean-Mimi. Lettres Libres, ça s'appelle ! « Cahiers libératoires, carnets limbiques et chroniques littéraires de Christophe Borhen Dissidences, errances, (ré)jouissances et résistances d'un auteur (presque) anonyme, libertin postlibidineux... » Je sais pas si vous voyez le truc. Dissidences et résistances, etc. Tous les mots y sont, je veux dire les MVA (mots à valeurs ajoutés) qu'il faut mettre en évidence (et au pluriel) pour faire partie de la bande aux culs de lune. "Lettres Libres", putain, alors qu'il n'y a pas plus comprimé du sphincter, pas plus chiasseux de l'encéphale, pas plus mou du pieu.

« L'œuvre de Michel Rocard », je sais pas si vous voyez. L'œuvre-de-Michel-Rocard ! C'est grand, ça, non ? Pour aller très vite, il y avait l'œuvre de Parménide, celle ou celui de Michel-Ange, celle de Beethoven, et puis celle de Rocard. On avance à grands pas, dans le monde de notre auteur presque anonyme qui jouit rien que du sentiment de sa folle liberté.

"Lettres Libres", putain… Ces gens-là, Monsieur, ils sont libres. Libres de répéter, de litaniser, de geindre en cadence, d'entonner en chœur mixte tous les refrains débiles du temps, comme les mutins de Panurge assermentés qu'ils sont. Michel Rocard et son œuvre. Alfred Zambert et son œuvre. Donc, les faits d'arme du camarade Alfred Zambert, outre son humanisme qui ne se discute pas, c'est le grand, l'énorme, le fabuleux courage qu'il a dû lui falloir pour bêler en écho de tous les auto-résistants (comme il y a désormais des auto-entrepreneurs), et brandir le passeport qui les vaut tous, celui de l'antifascisme citoyen et post-historique. Ces gens-là auraient le courage, je ne sais pas, moi, de se battre à mains nues contre une dangereuse mamie (nazie !) de quatre-vingt dix ans arc-boutée sur son déambulateur et qui les menacerait de son sac en plastique roulé en boule. Libertin, qu'il est, l'auto-résistant ! Ça c'est sûr, on l'imagine bien avec son petit phallus solidaire en plastique équitable. Je suis certain que toutes les lectrices de Georges sont déjà en train de mouiller en pensant au libertin libertaire libre de toute entrave et subversif comme la pluie.

Ah, les copains de Jean-Mimi, faut pas leur en promettre, hein ! Ils te révolutionnent le monde d'un coup de blog, comme d'autres vont aux chiottes, je vous raconte pas. 'Tention ! S'il y a (c'est un exemple) un "lepénisé-de-l'esprit" qui vient à passer par là, putain ce qu'ils lui mettent ! Mais d'abord, ils commencent par monter sur leur petit tabouret, et ils se collent le badge, vite, mais si, vous savez, le badge qui dit "Moi être Homme Bien faisant partie des Bons du Bien, moi Humaniste sensible et ouvert à l'Autre, moi Frère de l'Autre, moi ennemi de personne, enfin, surtout pas de l'Autre, quoi. Moi ancien Coupable Repenti et Gentil." (Il y a beaucoup de majuscules, sur leur badge, c'est pas de ma faute.) Tiens, un exemple de comment ils parlent, pour être concret :


J'ai passé l'après-midi dans le hamac installé en bordure de piscine, corrigeant quelques dizaines de pages d'une thèse (dont je ne dirai rien, ici, pour des raisons évidentes et facilement compréhensibles : il m'incombe d'informer mon étudiant de mes remarques, - ce sera fait le 1er septembre -, et non de me répandre intempestivement sur le Net).

Cette correction, vécue comme une corvée, je l'ai adoucie en l'interrompant à peu près toutes les trente minutes, m'accordant alors une diversion télématique - la consultation compulsive de ma mail-box et de mon (nouveau et récent) compte FaceBook.

Je sais, c'est assez dur à encaisser, deux paragraphes de littérature hard-discount à l'heure de la sieste, mais sinon on va encore me dire que j'invente. Ça parle comme ça, les auto-résistants en villégiature. Et encore, là, j'y suis allé mollo, on est à une heure de grande écoute ! Je le vois bien, le Jean-Mimi, à poil près de la piscine de ses potes, en train de se faire fouetter par un imam qui passerait par là. En plus l'imam il le prendrait pour un pédé, sûr. Au moins deux raisons de le tabasser. Mais Jean-Mimi il couinerait de plaisir maso en nous expliquant qu'on l'a bien mérité, que c'est la revanche des damnés de la terre, et tout. Salope ! Pédé de Français ! Intello de mes deux ! (C'est l'imam qui parle…) Va me chercher une bière ! (Oui, certains imams, paraît-il, sont hyper-ouverts.) Et notre Jean-Mimi toujours à poil de se dire : putain, merde, pendant que je cours au frigo, il va lire les mails de ma chérie ce con ! (Et puis faut voir les mails de Jean-Mimi, hein, c'est du hard, aussi.) J'arrive, Imam, j'arrive, mais il n'y a plus de bière halal, je vous prends un Seven Up ? L'autre, évidemment, il s'en branle que la bière soit halal ou pas, ce qu'il veut c'est mettre une branlée à Jean-Mimi, et profiter aussi un peu de la piscine, pour une fois que personne le voit. Bon, je développe pas, les vacances des profs, c'est pas toujours le paradis, faut pas croire.

Mais revenons à nos moutons. Donc, le Libre Penseur Libératoire et postlibidineux tient à signaler au peuple de France que M. Alfred Zambert n'est plus. Immédiatement, intervention essentielle de Bribri Gigi, la poétesse que les lecteurs de Georges connaissent déjà : « Vous avez bien raison de parler de cet homme dont j'ignorais l'existence et la mort. Mais la reconnaissance de qui oeuvre pour le bien est juste et... nécessaire. » Hein ! C'est envoyé, ça, non ? Bribri ne sait pas faire une figure essentielle de la typographie française, le e dans l'o (œ), mais on ne va pas s'arrêter à des détails insignifiants. Non, ce qui est fort, on va dire, c'est le "œuvrer pour le bien". Ça c'est himportant. C'est même assez hévident, j'ai envie de dire, mais bon, Bribri elle a peur de rien, elle fait assurément partie de ces gens qui n'ont pas peur d'affirmer, au péril de leur vie, des vérités subversives et controversées à mort. Genre qu'on est contre la mort, contre la maladie, contre la guerre, contre les méchants, contre les catastrophes. Et c'est pas tout, juste après, une certain Sophie Kafka ajoute : « C'est bon de savoir qu'il existe aussi des gens très bien qui font de la politique, au sens premier du terme. Merci Cricri. » Au sens premier du terme, elle croit devoir ajouter. On sait pas trop de quoi elle parle, et à mon avis, elle non plus, mais ça n'a aucune importance. Ce qu'il faut bien comprendre (comme on dit), c'est que notre bonne Sophie elle aussi elle fait partie des gens Bien qui œuvrent pour le Bien (même pour le très Bien). Merci Sophie. Elle doit être bien, la Sophie. Je l'imagine deux secondes, si vous permettez. Je sais pas pourquoi, je crois qu'elle doit être hyper-bandante, la Sophie Kafka, ouais, ça doit être un sacré coup au plumard, non ? Genre, elle est devant, à genoux, et elle te souffle : « Oui, mon Salaud, vas-y, œuvre pour le Bien, Georges, au sens premier du terme, hein ! C'est bon de savoir qu'il existe des gens comme toi qui me font de la politique jusqu'aux oreilles ! » Vous voyez le truc ! Moi évidemment, je peux pas résister, quand on me parle comme ça : je balance tout. Mais voici Vinosse qui entre dans la danse : « Un homme fréquentable sans aucun doute... Mais que faisait-il dans la galère sarkozyste ??? » (Un chieur, ce Vinosse, que vous vous dites, un qui fout la merde ? Mais non, vous n'avez rien compris. On va voir ça un peu plus loin.) Où l'on voit tout de suite comment fonctionne le cerveau de ces amibes. Imaginez un tableau avec deux boutons ; un rouge et un vert. Ils doivent sans arrêt choisir entre le vert et le rouge. Le vert c'est bien, le rouge c'est mal. De temps en temps — oh, rarement, on veille — une info est grise. Ils sont alors pris de panique : merde, Cricri, je fais quoi, là, putain chuis mal ! "Mais que faisait-il dans la galère Sarkozyste ???" + "Un homme fréquentable" = information grise. Observons l'amibe. On ne lui a appris qu'une seule chose : le monde est réparti en deux catégories. La catégorie du Bien et la catégorie du Mal. Plus simplement, le Vert et le Rouge. Quand une info grise arrive par mégarde à passer les mailles du chinois, souffle brièvement un vent de panique. Mais Big Mother veille : « @ Vinosse : juste question... En fait, il y était sans y être car se cantonnant à la seule Alsace... » Ah, ouf ! VERT ! Vert MALGRÉ Sarko ??? Oui, malgré Sarko. Mais nous sommes dans la complexité maximale du cogitum auto-résitant. Il va sans dire qu'une telle situation ne se présente qu'exceptionnellement. Tout est fait pour que l'alternative soit une alternative de niveau zéro, et c'est bien ce qui se passe : plus un individu vous parle de sa liberté, plus il y a de chances qu'il soit aussi libre qu'un humain l'est par exemple de respirer ou non.

Mais creusons encore la question. Pourquoi VERT MALGRÉ SARKO ? La réponse est toute simple. Il faut revenir au texte, comme toujours. « Il pria toujours le Front National et autres émanations "buboniques" ». Inutile de continuer la phrase, le MVA est là, il suffit à déclencher le sérum anti-info grise. Vous placez la séquence de mots "Front-National", plus loin "autres-émanations-buboniques", et la seringue se vide automatiquement dans le cortex auto-résistant. Le Vert est mis. On pourrait même encore simplifier : le syntagme "Front-National" + l'adjectif "bubonique" auraient suffi. Un ami policier me racontait tout récemment comment fonctionne désormais le standard de la police nationale, quand on compose le 17. La aussi le numérique (c'est-à-dire le binaire) a pris le contrôle. Le serveur réagit à des mots clefs, et à des séquences de mots-clés, à la manière du système "Échelon". Si vous ne prononcez pas les bonnes séquences, n'espérez pas voir arriver la patrouille avant le lendemain matin. Nos auto-résistants, les blogueux assermentés, avec leur cerveau uni-alternatif, fonctionnent de la même manière. C'est pourquoi la lecture d'un blog de mille pages peut se faire, si l'on connaît les MVA, en une minute trente chrono.