lundi 30 avril 2018

Le chien



Je vole. 

Sous moi, à quelques mètres, un chien. Il court et fait des bonds pour m'attraper. Je tiens à la main un verre d'eau, ou ce qui ressemble à un verre d'eau, dont le ballon serait à l'envers. Le chien saute de plus en plus haut, parfois il me frôle, je sens ses crocs tout près de mes jambes. Notre étrange attelage parcourt ainsi des dizaines de kilomètres. Le paysage, très accidenté est fait de roches nues, sans végétation, tranchantes. Quand le chien me menace trop, je survole des pentes vertigineuses. Lorsqu'il retombe de ses bonds, il dégringole le long de ces versants accidentés, et je pense à chaque fois qu'il ne s'en relèvera pas ; mais il est toujours là. Il saute de plus en plus haut. Je dois surveiller mon altitude, faire des efforts intenses pour ne pas descendre trop bas. Rien ne l'arrête, ni la fatigue, ni les chutes brutales au fond des ravins où il aurait dû se rompre le cou. Il n'aboie pas, ou je ne l'entends pas. Je n'entends rien : ni le bruit du vent, ni la course du chien, ni le son de mon cœur qui bat à tout rompre. Nous avons parcouru des centaines de kilomètres et il est toujours là, infatigable. Sa détermination est inébranlable ; je comprends qu'il ne se lassera pas de me poursuivre, qu'il n'abandonnera jamais. Sur le verre (le ballon est en verre plein, la surface est plane) que je tiens à la main ne restent plus que quelques goutes d'eau. Je vais me fatiguer plus vite que le chien…

samedi 28 avril 2018

Partir dans la dignité



– Il faut la débrancher !

– Mais enfin, pourquoi ?

– Elle souffre trop !

– Mais je l'aime, moi !

– Halte à l'acharnement thérapeutique ! C'est inhumain.

– Mais comment fera-t-on ?

– On n'aura qu'à la remplacer ! Il faut que la vie triomphe !

– Bon, bon, OK, tu m'as convaincu. La langue française sera donc euthanasiée le 1er mai 2018, à 11h11 !



Affaire suivante.

vendredi 27 avril 2018

Projet



Mon projet artistique le plus fou ?

Dormir.

dimanche 22 avril 2018

Polisse au cul



« Le titre est inspiré par une faute d'orthographe du fils de la réalisatrice en écrivant le mot "police". »

On pourrait s'arrêter là… mais je ne vais pas m'arrêter là, car j'ai rarement vu une telle saloperie, et il faut parler des saloperies.

Mais lisons d'abord le synopsis du film, qu'on trouve sur Wikipedia :

« Les policiers de la brigade de protection des mineurs (BPM) de Paris luttent contre les innombrables sévices subis par des mineurs : traque de pédophiles, appréhensions de parents soupçonnés de maltraitance, suivi d'adolescents pickpockets, fugueurs ou en dérive sexuelle, protection de mineurs sans domicile, de victimes de viol. Plongés dans cet univers éprouvant, ces policiers très impliqués et soudés tentent de préserver leur vie privée et leur santé psychique. Une jeune photographe est envoyée faire un reportage photo dans l'unité chargée des affaires de mœurs. »

Le film de Maïwenn Le Besco, dite Maïwenn tout court, est un chef-d'œuvre. 127 minutes de saloperie saturée en sucre sur pain de mie catho retourné. Il est classé dans les catégories "drame" et "policier", mais il n'est nullement question de police, dans ce film, non plus que de drame. Il y est seulement question du regard pitoyeux de la clique actorienne sur les malheurs et les malheureux, non souchiens de préférence, dont la France regorge. Les petits, les pauvres petits, les pauvres, qu'il s'agit d'écouter, de plaindre, qu'il s'agit d'ériger en victimes idéales, parfaites, intouchables, innocents chimiquement purs. À en croire Maïwenn et ses potes (car c'est un film de potes (Maïwenn ne fait que des films de potes)), les mineurs (entendez : toutes les minorités) sont par définition victimes de sévices épouvantables, viols, pédophilie, parents indignes, brutaux, sadiques, délirants, pervers, proxénètes, insignes salauds, au mieux inconscients et débiles. Il y est seulement question de ces pauvres gens qui sont à l'élite ce que le plomb est au miroir, ces pauvres gens qui s'apitoient sur eux-mêmes en train de s'apitoyer, ces pauvres gens dont le cœur ne bat que lorsqu'ils se regardent eux-mêmes se regarder dans le miroir de l'époque. Maïwenn ne fait que des films qui parlent d'elle et de ses potes : son esprit est si rétréci qu'elle n'aperçoit qu'elle et son moi gigantesque, quand elle ouvre la fenêtre de son loft.

ARTE parle de "film coup de poing". Mais Polisse (quel nom à la con !) est d'abord un coup de poing dans la gueule des Français, des policiers réels, de l'intelligence et de l'honnêteté, et, avant tout, de la bonté. Maïwenn et ses potes n'en ont évidemment rien à foutre, des flics et de leur métier, et ils ne s'intéressent pas plus aux enfants suppliciés et réduits à l'état de marchandise, qu'ils ont utilisés, comme un pâtissier utilise une pincée de levure chimique, pour faire monter sa pâte. C'est un film méchant ; bête et méchant, comme on disait du temps du professeur Choron. La bêtise de ce film, il n'est pas besoin d'en parler, tant elle éclate dans chaque plan, dans chaque répartie, dans chaque scène – et il convient d'entendre le mot "scène" dans ses deux sens : ce ne sont pas des dialogues, qui se donnent à entendre ici, ce sont les scènes de ménage que se font constamment les acteurs entre eux, dans leur petit monde, quand ils font surenchère de leur conformisme béat et de la corruption de leurs âmes de seconde main. La méchanceté, ici, consiste à tromper, à mentir, à se répandre, à prendre le malheureux spectateur pour un débile profond, à lui faire croire qu'on parle de ceci quand on parle de cela.

Tout le film est un hommage bordelier à ceux qui s'y mettent en scène avec l'hypocrisie salace de la filmeuse. Ce qu'il y a de formidable, dans les films de Maïwenn, c'est qu'elle vend la peau de l'ours avec une netteté qui en serait presque désarmante, si ces gens n'étaient si méprisables. « Ces policiers très impliqués et soudés tentent de préserver leur vie privée et leur santé psychique. » Il suffit de remplacer un vocable pour avoir le fin mot de l'histoire. Ces acteurs très impliqués et soudés tentent de préserver leur vie privée et leur santé psychique. Alors c'est l'expression corporelle et le cri primal qui leur tient lieu d'art. On voit des rats de laboratoire qui s'agitent ridiculement dans leur cage dorée. Remplaçant les policiers qu'ils sont censés montrer par les poupées sacrées qui font les gestes qu'ils supposent être ceux de gens bien, c'est-à-dire eux-mêmes, dans ce film-bonnes-œuvres – qui rappelle nos bigotes d'autrefois, celles qui, en fin de carrière, rachetaient des indulgences –, ces caniches en mal de reconnaissance se font mousser en essayant de faire croire que la morale est de leur côté, et le film tout entier n'est qu'une publicité grand format pour la mafia césarisée, les généreux, impliqués, concernés, fragiles, hors-de-leur-zone-de-confort, qui peuplent désormais les salons de la petite-bourgeoisie triomphante, là où les humeurs incestueuses des hébétés de la Culture institutionnelle se dissolvent dans la pestilence de l'anti-monde. Ça, pour faire du cinéma, ils font du cinéma !

D'autres époques avaient eu des comédiens singuliers, flamboyants, géniaux, ou tout simplement bons. La nôtre ne mérite plus que cette camarilla flasque et soumise au pouvoir, à ce pouvoir avec qui elle n'a même plus besoin de croiser le nerf, pour le servir efficacement, car ses membres ont depuis longtemps intériorisé la pose qui les consacre mutins de Panurge par la grâce de l'Écran et de la notoriété.

Il faut voir la bringuebalante Karin Viard pousser ses gueulantes, et son air de gourde, en avant de l'écran, pour jouer à la flicquette concernée-et-impliquée, il faut voir l'œsophagienne Marina Foïs sortir d'une voiture de police comme un tibia brisé traverse les chairs de la jambe, il faut voir le trombonique Joey Starr insister-pour-faire-son-travail-de-flic-jusqu'au-bout, pour savoir ce qu'est l'obscénité vraie, il faut observer toute cette clique immonde, durant deux heures (Nicolas Duvauchelle rauque et immature pégreux, larme en coin, Maïwenn lunettée et pincée comme un homard bavarois, Riccardo Scamarcio indigent et peint sur l'ongle, Karole Rocher qui a toujours l'air d'avoir son slip posé sur ses amygdales, Sandrine Kiberlain berlingot anaérobie à sec sur l'os, Frédéric Pierrot très mauvais, Jérémie Elkaïm tête à claques à la vapeur), pour éprouver l'affreux malaise d'une époque qui ne se contente pas de mentir, mais qui veut que son infecte sournoiserie s'impose comme la seule morale qui soit.


Lucide



J'ai toutes les preuves de ce que j'avance, mais si je vous les donne, elles n'auront plus aucune valeur. Mes preuves ne sont des preuves réelles que si vous n'en prenez pas connaissance. 

Si vous voulez les voir, c'est que vous ne me faites pas confiance, et si vous ne me faites pas confiance, je pourrai vous donner toutes les preuves du monde, ça ne servira à rien. 

Ne nous rejoignons pas. Chacun à sa place et la vérité sera bien gardée. Je vous assure, c'est bien mieux comme ça : moi seul dois connaître ces preuves et vous seul devez vouloir en prendre connaissance. Il vaut mieux s'arrêter là, ça risque de dégénérer. 

***

Lucide, ajd. A.− [En parlant d'un inanimé concr.] Vx ou littér. 1. Qui émet ou réfléchit la lumière. Synon. brillant, étincelant, luisant, lumineux. J'aperçus (...), brillante, lucide comme une étoile à son lever, une belle et noble pièce de cent sous (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 142).Nous partirons cette nuit sous ce clair de lune si lucide! (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 58). − Lucide de + subst.La table était odorante de fleurs, lucide de cristaux, brillamment servie (L. Daudet, Morticoles,1894, p. 300). 

***

Lucide comme une étoile à son lever, la lumière qu'elle réfléchissait si intensément l'aveuglait. Je plongeai dans la mer immédiatement après la mort. À son réveil, elle sentait l'amande amère et le chèvrefeuille, mais aussi le cuir trop sec. Il fallait revenir, mettre l'accent sur la syncope. Pourtant, ailleurs, c'était la même chose. 

jeudi 19 avril 2018

Le Vieux chez les assistantes sociales



Le Centre médico-social est un sinistre cube de béton sis sur une place non moins sépulcrale, à côté d'une mairie parfaitement lugubre. Les hommes qui vivent ici ont dû commettre d'affreux crimes, pour qu'on les fasse vivre dans une telle laideur. 

Les bureaux ouvrent à neuf heures, mais j'arrive à huit heures et demie, parce que je sais qu'ils ne prennent que les cinq premiers. Il y a déjà une femme qui attend ; elle a un peu moins de soixante ans. Voix de fumeuse, cheveux châtains attachés en queue de cheval. Elle lit quelque chose sur son portable rouge. Quand le cinquième personnage arrive, il est neuf heures moins cinq, et je suis le seul homme. Au moins, cette fois-ci, il fait beau, contrairement à la dernière fois, où la température devait être de huit degrés et où il pleuvait à verse. La permanence avait été annulée. 

Une de mes compagnes d'infortune, à la cantonade : « Elles ont de la chance, ces assistantes sociales ! Elles travaillent dans un beau bâtiment ! » Je lève la tête pour voir sa tête quand elle prononce ces phrases, mais elle a l'air sérieuse. Elle doit avoir la trentaine, elle a des yeux énormes qui lui sortent des orbites, elle est brune ; elle est enceinte, mais ça se voit encore peu. Elle porte des baskets blanches, immaculées. 

Je remarque que les Dupond font la queue, n'ont pas de rendez-vous, alors que deux femmes voilées et généreusement enceintes arrivent après tout le monde et sont reçues immédiatement, avec beaucoup d'égards. Nous serons toujours des amateurs ! Mais peut-être est-ce un hasard… 

L'assistante sociale qui me reçoit est très gentille, bien qu'elle ait un look de rockeuse bretonne. Veste en jean étriquée sur robe blanche à rayures bleues, assez courte, laissant voir de longues jambes solides et nues jusqu'aux baskets très basses. Quand elle me regarde dans les yeux, les siens clignent à toute vitesse en un trémolo de paupières inquiétant, et je me demande ce qu'elle voit. Elle a dix ans de moins que moi, tout juste. Je suis le vieux qui sort d'un long sommeil, qui pointe son nez dans un monde qui a complètement changé, sans lui, et qui n'y comprend plus rien. Elle éprouve sans doute une vague pitié. Nous parlons durant trois-quarts d'heure. Je serais bien resté plus longtemps. Il faisait bon, je la regardais remplir des formulaires, se lever pour aller faire des photocopies, revenir s'asseoir. De temps en temps une sonnerie. J'aurais pu rester là toute la matinée, à m'imaginer que j'étais entre de bonnes mains, pris en charge, délivré enfin du fardeau épouvantable qui consiste à se plonger dans des papiers écrits en une langue hispide, garnie de dentelle hiéroglyphique. Mon interlocutrice avait l'air de trouver ça tout à fait normal, elle n'a fait aucune crise de tétanie, elle n'avait pas de bave aux lèvres, ses dents ne sont pas tombées, elle n'est pas montée sur la table en m'insultant, elle a seulement bu un peu d'eau à la petite bouteille de Volvic qui était sur le bureau qui nous séparait. La pièce était petite. 

lundi 9 avril 2018

Qu'il y eut des siècles…



Il faut être parvenu à un certain âge, je crois, pour comprendre ou seulement percevoir ce dont je vais parler, qu'il y eut des siècles. C'est en écoutant la musique de Lully que j'ai réalisé, tout à l'heure, que ce moment dans lequel j'écris n'était pas là, pas là, pas sous ma main, pas sous ma plume : je ne pourrai jamais en donner une idée. Il y eut un chapeau-chinois, il y eut un bâton, il y eut d'autres siècles que le nôtre, que les nôtres. Le temps n'est pas seulement mien, il n'est pas seulement celui que j'ai traversé et celui qui m'a traversé. 

Enfants, dans les années 60, nous étions enfermés dans notre siècle. Enfermés, c'est encore trop et mal dire, puisque ce siècle était le seul. Et quand nous disons "siècle", nous voulons dire un tout petit siècle, un siècle minuscule, un siècle de poupée. Bien sûr, il y avait l'Histoire. Nous savions qu'un Ancien temps avait existé, là-bas, dans un passé complètement passé, qui n'avait aucun rapport avec nos vies. Mais nous étions dans le seul temps réel, celui qui ajointait l'Ancien temps à l'Avenir. Le temps prenait son temps, et notre siècle, le XXe, faisait du surplace. L'An 2000 nous faisait rêver, mais ce n'était précisément qu'un rêve ; plus il nous faisait rêver plus nous pensions que nous n'y arriverions jamais. D'ailleurs mon père n'y est pas arrivé, lui qui en avait tant rêvé.

Notre siècle, que je ferais aussi bien d'appeler le Présent, était paradoxal. Il était aussi interminable que minuscule – mais on sait que le présent, si infime qu'il soit, est infini, puisqu'il n'a pas de durée. Comme les vacances d'été, il n'allait jamais finir, et nous y étions immobiles, pour toujours. Il y avait des guerres, mais elles étaient loin, on en entendait parler, cependant elles ne nous concernaient pas. La France, c'était la Douce France de Charles Trenet où même les révolutions étaient pour rire, prétextes à chansons et à histoires d'amour. En Afrique, on mourait de faim, mais c'était à la télé, comme le Vietnam, comme les camps de concentration. Le fracas du monde n'entrait pas dans nos têtes. 

Ce que je retiens de ces années de bonheur, c'est la lenteur. Le temps n'a jamais été si long, si étiré, si plein. La vie, à guichets fermés, se jouait adagio.

Les siècles, quand mon père m'en parlait – car c'était le père qui avait la charge de nous faire entrer dans le temps –, avaient toujours la saveur et la valeur du mythe. Je ne faisais pas vraiment la différence entre l'Histoire et les histoires de Babar qu'il me lisait le dimanche matin dans le lit conjugal, entre les crocodiles africains et les dinosaures. Passé et futur étaient des landes désertes, peuplées seulement de noms fabuleux, comme Hercule, Jules César, Louis XIV ou Vercingétorix. Nous n'avions pas plus de rapports avec ce passé que les hommes n'en ont aujourd'hui avec les femmes, pas plus que nous n'en aurions avec l'An 2000. Tout avait été autre, tout serait différent, nous seuls étions mêmes. Nous avions le Temps avec nous, qui nous isolait de lui-même, nous étions dans la Durée, qui nous protégeait du devenir. 

Nous savions que la Terre n'était pas plate, et que le soleil ne tournait pas autour de nous, mais c'était un savoir théorique, qui ne prêtait pas à conséquence, qui n'avait aucune influence sur notre vie. La Science était encore à sa place, en ces années-là, elle n'était pas encore sortie de son lit, empruntant les voies de la Technologie, qui n'avait pas encore affouillé notre imagination et nos désirs, les rendant stupides et creux comme des puces informatiques. 

Je me rappelle très précisément le jour où mon père m'a fait écouter le Quatuor pour la fin du Temps, d'Olivier Messiaen. Au déjeuner, il était revenu sur le titre de l'œuvre, et avait repris ma mère, qui avait dit le quatuor pour la fin des temps. Non, c'est la fin du Temps, dont il est question. Je devais avoir treize ou quatorze ans, et ce jour-là fut le premier jour d'une autre sorte de temps, un temps où le temps se discute, où il peut être mis en question, en équation, et en musique, où il est permis désormais de le "déconstruire", ce jour-là fut celui où l'idée qu'il y avait eu des siècles germa dans mon esprit.

Ce fut seulement une pointe infime, quelque chose de si ténu que je n'y pris pas garde. Il a fallu l'accélération vertigineuse du temps, accélération très sensible à partir de la cinquantaine, pour que je comprenne enfin de quoi il était question. Le temps immobile de mon enfance a cédé la place à une effroyable piste de bobsleigh sans ligne d'arrivée. Plus la vitesse s'accroît plus il est difficile de ne pas sortir de la piste. C'est quand on commence à sentir l'impitoyable violence des courbes qu'on comprend qu'on est en train de dévaler une pente vertigineuse, qui n'a aucune issue, et que la chute est imminente. La vitesse, la sensation de vitesse, voilà ce qui nous commande d'envisager le temps autrement, d'en tirer une morale différente. Soudain, un siècle nous apparaît comme une durée humaine, à échelle d'intelligence. Contrairement à l'impression ordinaire, normale, il y a peu de générations, en un siècle. Nos parents ont connu la première guerre mondiale, et on se découvre rapidement des aïeux qui ont connu la guerre de 1870, et même Napoléon Ier, et l'on se rend compte, complètement affolé, qu'entre la Révolution française et nous, il n'y a pas une dizaine de générations ! La Révolution nous semblait typiquement appartenir à ce que nous nommions « l'ancien temps », dans notre enfance, alors qu'elle est toute proche ; n'oublions pas qu'un homme d'aujourd'hui connaît fréquemment trois générations. On a quelquefois la chance d'être mis face à un tel précipité : dans le milieu des années 80, j'habitais, en Bourgogne, un minuscule village de quatre-vingts âmes, où il me fut donné de rencontrer à la fois la fille, la mère, la grand-mère et l'arrière grand-mère, assises à une même table. Ce fut une révélation. Comment une telle somme de vies était-elle capable de tenir, au même endroit, au même instant, sans que quelque calamité ne se produise dans la trame des jours ?

Et puis nous avons enfin franchi le cap de l'An 2000, ce seuil temporel, ce goulot d'étranglement qui nous empêchait d'envisager le passage des siècles autrement que sur un mode apocalyptique ou eschatologique. Contrairement à ce que croyait mon père, l'An 2000 a fait un bide ; il est arrivé et n'a produit qu'un petit bug de rien du tout : folklore technologique provincial. Pas de voitures volantes, pas de téléportation, pas de fin de la faim, pas de justice et de bonheur universels ; toute la nouveauté s'est concentrée dans le Numérique. Le Temps n'a pas pris fin. Nous en avons été pour nos frais, c'est le cas de le dire, puisque l'euro a été la seule conséquence concrète notable du passage au XXIe siècle. La France a continué d'être la France, c'est-à-dire qu'elle a mis les bouchées doubles dans l'entreprise de destruction qui avait été amorcée quelques décennies auparavant, qu'elle s'est mise à tranquillement livrer son peuple à l'ennemi, quand celui-là avait depuis toujours combattu ce dernier, et qu'elle a commencé sous nos yeux de se défaire comme elle s'était faite, avec autant d'acharnement. 

Être à cheval sur deux siècles favorise la conscience qu'il y a des siècles, qu'on n'est pas enfermé dans le sien, comme dans une bulle étanche. Le temps est tout sauf quelque chose de linéaire. Les siècles ne se ressemblent pas, leurs durées ne sont pas identiques, leur allure non plus, c'est d'ailleurs ce qui leur a permis d'avoir une existence propre. 

Je me souviens de ce jour où, sur l'Erard familial, j'ai cru inventer la gamme par ton et demi-ton : j'étais fier d'avoir inventé une gamme… que Messiaen utilisait depuis des décennies ; cette même gamme qui permet à sa musique de donner cette impression d'éternité, de sortie du temps, car ce mode possède entre autres qualités une absence totale de directivité, contrairement aux gammes diatoniques. Le paradoxe est que pour donner la sensation de l'éternité, c'est-à-dire de la durée infinie, il faut arrêter le temps – qui pourtant semble le vecteur de la durée. Entendre le Quatuor pour la fin du Temps pour la première fois, c'est une révolution, au sens propre, mais une révolution silencieuse, dont les effets réels ne se font sentir que bien plus tard, dans la vieillesse, c'est-à-dire dans l'accélération stupéfiante qui conduit à l'abîme – à l'abîme ou à la vie éternelle. 

Je voudrais ralentir.

vendredi 6 avril 2018

Il est mort !



J’ai acheté un des derniers pianos avec de l’ivoire et de l’ébène, c’était très important pour moi, je ne voulais pas de leur plastique. L’Erard de mon enfance ? L’échiquier de mon enfance ? Y voir des dents pour que le fou morde la reine ? « Le secret pour jouer du piano réside partiellement dans la manière dont on parvient à se séparer de l’instrument. » Mon cher Glenn, tu as bien raison, je t’ai écouté au-delà de la raison, je me suis tellement séparé de l’instrument que je le touche plus. Parfois j’en souffre comme on souffre d’une rupture, mais la plupart du temps ça va, il faut seulement que j’évite de passer sous les fenêtres d’un pianiste en train de travailler. Ça ça fait très mal… « Réécouter : 1. Suivant : #. Répondre : 5. Effacer : 3 » C’est un peu comme la police qui envoie des textos sur un téléphone volé : « Ce téléphone a été volé, l’utiliser est un délit. Signé : LaPolice. » « Ce corps a été le vôtre, vous vous souvenez ?, mais maintenant c’est fini, nous l’avons attribué à un autre numéro, lui aussi a le droit de se mesurer à la sonate de Liszt. Vous avez désiré être mis en relation avec le silence ? Ne quittez pas, nous recherchons votre correspondant. »

En fait (pardon de ce que je vais dire, n’écoute pas, Feurich n° 70261) quand je l’ai acheté, j’ai beaucoup hésité, il y avait là un Steinway de 1925, en citronnier, tout jaune, il était magnifique, le clavier un peu léger c’est tout… Carlos était avec moi, lui voulait que j’aie un piano neuf, avec un clavier plus lourd, pour le travail, je n’aurais peut-être pas dû l’écouter ; l’autre, le Steinway, j’en étais vraiment tombé amoureux, ça fait seize ans maintenant, et je le vois toujours parfaitement. Où es-tu aujourd’hui ? Dans les mains de qui ? Il les a plus grandes que moi ? Une meilleure extension du pouce ? Il n’a pas de problèmes dans les tierces de l’opus 109 ? Je m’en fous… Tais-toi je t’en prie…

Le truc bizarre, c’est qu’en effet, moins je touche un piano, plus j’ai l’impression de savoir ce que c’est, un peu comme si je l’avais avalé.

Je ne sais pas si tous les pianistes ont ce genre de relation avec leur instrument, et je ne veux pas le savoir. Je sais, par contre, que si je dis que c’est une relation érotique, on va (et moi le premier…) immédiatement se tordre d’ennui, encore ce cliché, oui oui oui je sais, pardon, excusez-moi, je suis désolé, je le referai plus, promis… Tout de même, ça s’est passé, il n’y a pas de “touche 3”, mon corps vient de là et il a bien raison de ne pas capituler.

C’était en 1972, par là, j’allais chaque été à Chateauvallon, je ne ratais rien, pas un concert, j’étais insupportable, je ne supportais rien, pas la moindre parole, j’écoutais comme un demi-dément, j’écoutais comme si j’allais mourir dans l’heure, de 6h du soir à 1h du matin, sans bouger, les amis étaient un peu consternés, un peu inquiets, mais comme j’étais le plus jeune, ils me pardonnaient. Je regardais beaucoup, aussi. Il me semble que j’ai tellement écouté, tellement regardé, tellement touché, et puis les odeurs, le soir, l’après-midi, le vent, que je peux maintenant fermer les yeux, m’en passer, c’est là, pour toujours…

Mais le moment le plus important, c’était l’après-midi. Il faisait vraiment chaud, tout le monde faisait la sieste, sauf les techniciens qui apportaient les instruments sur scène, réglaient la sono, et puis les musiciens qui arrivaient, venaient voir l’endroit et essayer le piano… Ils ne restaient jamais longtemps, la scène était en plein soleil, pas moyen de tenir plus d’une demi-heure. Moi j’étais là, dans les gradins, pas trop près. J’attendais qu’ils soient repartis et j’allais me mettre au piano. Ils ont toujours été très gentils, ils devaient me trouver inoffensif… Et puis eux aussi ils allaient faire la sieste, ou se baigner à Toulon, draguer un peu avant le concert du soir. Je ne dépassais jamais le mezzo-forte, je comprimais la dynamique dans cette zone, je ne voulais pas me faire remarquer. Mais c’est là que j’ai découvert ce qu’est un piano. C’était la première fois que je jouais sur le « modèle D » de Steinway, parfois il y avait un Bösendorfer « Imperial » mais j’aimais moins. Ça venait tout seul. Il y avait un équilibre miraculeux entre le timbre et l’idée, entre le toucher et la phrase en train de sortir de l’ivoire chauffé, je ne sais pas comment dire ça autrement, mais c’était si simple, si évident, et tout ça venait de l’instrument, il était mon ami, je lui prêtais mes mains, je n’avais presque pas à jouer, il jouait pour moi, il me connaissait, c’était liquide, facile, transparent. Quel cadeau !

Il y a peu de choses dans le corps d’un homme, peu de moments. Je voudrais te dire, Sarah, ton corps, que j’ai traversé, c’est ça ! Je ne suis pas en train de raconter des histoires, c’est la même lumière chaude et dorée qui se continue, dans le son, dans les odeurs, la même évidence, la même simplicité mélodique, « le don mélodique ». Tu te souviens, au début, je te disais : « Apprends-moi à faire l’amour. » Tu riais. Mais c’était sérieux. Pas de la coquetterie de vieux pervers sur le retour. Ton corps c’est comme ce piano de ces après-midis écrasés de soleil, où l’ivoire du clavier sentait vaguement le nougat et la lavande, il me parle en ami, on se connaît de très loin, c’est un peu incestueux, mais pourquoi s’emmerder, se torturer, se punir sans cesse de ces corps qui n’ont rien à nous apprendre, alors que le chant des chants est là, magnifique dans sa proximité, il est bien en évidence, je l’ai reconnu tout de suite, dans le brouhaha ambiant, ce clair tunnel de paix. Mon Dieu, pourquoi est-ce que tout le monde préfère la torture à la gloire « d’une seule et longue phrase sans césure… » ? La plupart des gens me font penser à ces vieux qui vont chercher quelque chose dans la pièce d’à côté mais reviennent toujours avec autre chose en main ; quand on a soif, pourquoi revenir avec une boîte de haricots ?

J’avais dans la poche de mon pantalon le foulard bleu d’Ettie, elle me l’avait donné avant de repartir pour la Caroline du Nord. Elle avait pleuré un peu, elle avait dû ôter ses lunettes, elle m’avait dit « au revoir petit mouton ». Moi j’étais à peine triste, j’ai pris un train de Paris à Toulon, j’avais rendez-vous avec mon autre corps, mais je ne savais pas encore que sans elle je ne l’aurais jamais rencontré. Elle ne parlait pas beaucoup, Ettie, je n’ai su que plus tard qu’elle était violoncelliste. Jamais plus je n’ai rencontré une fille aussi délicate. Donc je quittais une Américaine et je retrouvais des Américains, je ne changeais pas vraiment de matière corporelle. 

Cecil Taylor me tape sur l’épaule, je me retourne, je le reconnais tout de suite, il a un sourire plutôt gentil, il m’explique qu’il doit essayer le piano et que si je veux bien lui céder la place un instant… J’ai cru que j’allais m’évanouir. Il m’a dit, reste si tu veux, je me suis assis par terre, derrière la queue, il ne me voyait pas, je ne le regardais pas, j’écoutais sa respiration, il parlait parfois, tout seul, entre deux phrases, il bougeait sans arrêt, j’avais l’impression d’entendre ses muscles ! Cecil Taylor était et est resté pour moi le Prince absolu du piano. Le soir-même, il a dansé une bonne demi-heure avant de s’asseoir au clavier, les gens hurlaient, ils n’avaient jamais vu ça. C’était un athlète qui s’approchait d’un accord comme un torrent entoure un rocher, comme un Maurice Greene qu’on aurait lâché en plein safari, une course de fond à la vitesse du sprint, la poussière dorée volait autour de lui. Quelques années auparavant, j’avais découvert « This nearly was mine » et « Lazy afternoon », un disque rouge sang, en quartet, et quand j’allais à Paris, adolescent, chez mon frère qui me laissait son appartement, à Alésia, je passais des nuits entières à jouer par-dessus, et aussi Coltrane, bien-sûr. Enfin, une partie de la nuit, parce qu’il y avait aussi les photos, les livres, je fouillais partout, les érotiques japonais, et Henry Miller. Je me souviens encore de cette phrase : « Ça sortait comme d’un tuyau d’arrosage. » Le foutre a gardé pour moi la couleur orange des livres de Miller. En ce temps-là on mangeait du riz complet, Sybil se promenait toujours les seins à l’air, c’était terrible, je n’avais jamais vu une peau pareille, parfois il valait mieux que je mette deux slips l’un sur l’autre… Le presque était à moi… André était là aussi, il vendait des gaufres dans un camion puant, et nous offrait le shit et le pastis. Il y avait déjà tout un tas de types qui faisaient semblant d’être musiciens, mais à ce moment-là ça m’arrangeait bien. Et puis surtout, ça ne s’enseignait pas encore… C’était encore de l’artisanat.

« L’image mentale relative au toucher du piano n’a pas tant à voir avec la manière de frapper les notes prises individuellement qu’avec ce qui se passe entre les notes et le rituel adopté pour passer de l’une à l’autre. »

Je voudrais pas trop vous bassiner avec cette histoire de toucher, mais si je ne me fais pas comprendre, on ne comprendra rien non plus à Mademoiselle. Souvenez-vous, elle porte « Allure » de Channel, comme l’autre, la blonde qui se regarde à la troisième personne, s’habillait de « N°5 », pour dormir. Toutes les deux, elles ont la démarche horizontale, la même vitesse lente, arrêtée au sommet de sa force, dans le sommeil. Le même malentendu radical. Elles pensent qu’elles n’ont pas le choix, puisque dans cette tierce personne, on les voit reines, voie lactée, quelle giclée d’Image ! Sarah, vous l’avez devant vous, bien nette, en chair et en os, elle rayonne de toute sa désinvolte évidence, et pourtant, tant que vous n’avez pas mis le doigt dessus, et si vous ne persévérez pas à la pénétrer, vous n’avez rien vu, rien senti, rien entendu, rien compris, vous êtes dans le déni du goût, c’est une indigestion sans le plaisir de l’opulence.

Longtemps les mâles naïfs se refusaient à admettre que Marylin (ou Vanessa, ou Betty, ou Pamela, ou Sandra) ne s’aimait pas, d’ailleurs rien ou presque n’a changé. Comment vont-elles, ces adorables voluptueuses, d’un corps à l’autre ? Et comment interpréter ce rituel ? Comment raconter cette dérive ? Comment passer d’un corps lourd et encombrant à une saisie fraîche, vigoureuse et joyeuse du désir en marche ? Comment admettre, surtout, que cela ne se voit pas ? Voie qui pourra ! Le basculement a eu lieu, c’est tout ce que je peux en dire, en ce paresseux après-midi de mai où elle me dit : « Prends-moi en photo ! »

J’ai décrit une spirale de 25 ans autour d’elle, 25 années de petits bouts de désir qui se sont organisés à mon insu, et, comme les boules de mercure s’attirent les unes les autres et se réunissent d’un seul coup, en un sang-froid vif, le thème a pris d’un seul coup sa physionomie, et flambe, à la verticale.
Juste avant de mourir d’un accident de voiture, mon père m’avait offert un magnifique violoncelle. La pointe du désir serait cet instrument qui se tient entre les jambes ? Cette aiguille de l’âme, ce machin, à réaccorder sans cesse ? À guérir ?

Tu as voulu que je voie. Il y avait un témoin à passer (et à être), j’en suis convaincu, et je joue volontiers, avec toi.

Lettre ouverte à Nicolas Dupont-Aignan, de Renaud Camus





Monsieur le Député,


ne vous inquiétez pas, je ne tiens pas à aggraver votre cas, je ne vous écris pas pour vous apporter mon soutien. Ce serait d’ailleurs inutile : vous imaginez bien que vous l’avez déjà. Et comme vous me traitez régulièrement de “dingue”, vous êtes un peu couvert de ce côté-là, même quand vous dites la même chose que moi.

Si je me permets de m’adresser à vous aujourd’hui, c’est parce que votre procès me semble marquer une date importante dans l’officialisation de la fiction. On voit bien à cette occasion qu’il va devenir interdit non seulement de s’opposer comme on peut à l’immigration de masse mais même de paraître la remarquer, de la nommer. Déjà nous vivons dans un monde imaginaire : non pas tant qu’il invente une réalité qui n’est pas (encore que…), mais aussi, et surtout, parce qui la réalité qui est s’y trouve totalement oblitérée.

Répétez après moi, disent les juges, les journalistes, les sociologues, les libraires : ce qui arrive n’arrive pas, ce que vos yeux voient n’existe pas, ce que votre cœur souffre est une illusion, un sentiment ; non votre patrie ne vous est pas arrachée, non ce qui fut votre pays n’est pas livré à des étrangers qui le haïssent, non il n’y a pas de Grand Remplacement.

Pourtant, l’immigration, achetée jadis en tant que lézard décoratif, est devenue entre-temps crocodile. Il occupe la moitié du salon, l’œil mi-clos. De temps en temps, quand l’humeur taquine lui en prend, il dévore un bras ou une jambe, pour passer le temps. Toutefois la convention est de faire comme s’il n’était pas là, et de poursuivre la conversation par-dessus lui autour d’une tasse de thé, en parlant des horaires des trains, tandis qu’il se pourlèche les babines en sang.

« Invasion migratoire », avez-vous dit, Monsieur le Député. C’était trahir la convention. Vous auriez pu dire submersion, aussi bien, changement de peuple et de civilisation ou même, horresco referens, Grand Remplacement. Vous n’en avez rien fait, j’en témoigne. Il reste que votre procès pourrait bien, par l’imprudence d’un procureur ou de juges trop zélés, percer accidentellement le décor, réveiller les figurants hébétés, révéler le caractère de théâtre ou de téléréalité de cette France imaginaire où nous vivons, cette France en fait livrée, trahie, remplacée, cette France du fallacieux vivre ensemble, où entre ensemble et vivre il faut choisir.

Vous n’avez fait que dire la vérité, vous le savez. Les juges le savent aussi, et la plupart des Français pareillement, même s’il en est encore quelques-uns pour ne pas savoir qu’ils le savent, ou ne pas vouloir le savoir. Au pays du faux la vérité est une allumette. Elle peut faire tout s’embraser d’une seconde à l’autre, tout s’effondrer du mensonge. On vous parlait de canapé-cuir, de table basse ou d’un pouf, comme “Au théâtre ce soir”, et vous avez demandé poliment : « Ne serait-ce pas plutôt un crocodile ? »

C’en est un, je le confirme. Il n’a aucune intention de payer nos retraites. Mais qu’il soit désigné pour ce qu’il est, et par un homme comme vous, si pondéré, si sage, si ami d’habitude des conventions républicaines, fasse le ciel que les Français s’en inquiètent enfin, et s’en alarment, et s’en révoltent, qui sait ; qu’ils s’unissent pour percer la chape de mensonge sous laquelle leur pays subit ce que leurs ancêtres ont voulu le plus fort éviter, au prix de terribles sacrifices : l’asservissement, la conquête, la soumission, le remplacement. C’est cela ou le triomphe des juges, des journalistes, des sociologues de cour, de tous les inventeurs du monde à l’envers, où ce qui arrive n’arrive pas.

Soyez assuré, Monsieur le Député, à la part amicale que je prends, pour les connaître un peu, à vos épreuves,


Renaud Camus (le dingue)

Président du Conseil National de la Résistance Européenne

lundi 2 avril 2018

Pourquoi



« Vous n'avez pas à lutter, de toute façon ; vous n'avez pas les mêmes armes. - D'autre part, puisque vous connaissez les causes et les issues, pourquoi ne pas rompre vraiment ? Pas d'appels, pas d'e-mails et l'exil de Facebook pendant six mois ? Il faut tout arracher à la racine. C'est ma seule méthode contre les rages de dents. »

Pourquoi ? Pourquoi ??? Il me demande pourquoi !

Essayons de répondre tout de même.

1. Parce que je suis con. C'est la réponse la plus évidente, et peut-être la seule qui soit vraie. 

2. Parce que je suis curieux. Parce que je veux voir. Parce que je veux comprendre. Parce que je veux savoir tout ce qu'il est possible d'endurer. Parce que je veux éprouver cette douleur, qui peut me fournir rétroactivement la morale de l'histoire. Parce qu'il m'intéresse de vivre cette chose-là, de ne pas l'éviter, d'y creuser des galeries de sens et de désespoir. C'est de ma propre bêtise qu'il est ici question, de cette bêtise qui me fait croire que je peux comprendre les raisons d'une femme, que je peux en tirer un enseignement. 

3. Parce que je veux pouvoir l'écrire.

4. … Je sais bien mais quand-même.