mercredi 26 août 2009

Savonnette impériale russe

J'ai bien connu Mademoiselle Lapompe. En ce temps-là je portais des bretelles.



(Je dédie ce billet à mon pote Jean-Mimi)

lundi 24 août 2009

Fermez les yeux !


« La plupart des solistes qui se produisaient au Birdland devaient attendre la sortie d'un nouveau disque de Parker pour savoir ce qu'ils devaient jouer. Que vont-ils faire à présent ? »

(Charles Mingus)


« Charlie Parker est arrivé. Puis Mingus qui a accordé sa basse. Et Bud Powell qui semblait totalement absent. Il était devant son piano, mais ne le touchait pas. Tout cela se passait dans l'indifférence générale… Il y avait beaucoup de monde du fait que c'était un samedi. Mais personne ne s'intéressait à ce qui se passait sur scène. Parker lança un titre à Bud Powell. Ce dernier joue l'introduction de "Little Willie Leaps", puis s'arrête de jouer. Mingus pose sa basse par terre. Parker le voit partir, et tout en jouant d'une seule main le rattrape et lui fait signe de continuer à jouer. Finalement, Bud Powell se retourne vers le public, tournant le dos au piano, les coudes sur le clavier, le regard "out of this world". Il se passait un drame ; le public était toujours indifférent. Parker, Mingus et Blakey ont joué seuls. Ils ont joué le blues. Avec un volume… comme des dingues. Moi je prenais des photos… Trois jours après, mon copain arrive et me dit : Charlie Parker est mort ! »

(Marcel Zanini)

« Mesdames et Messieurs, je vous prie de ne pas m'associer à tout cela. Ce n'est pas du jazz. Ce sont des malades. »

(Charles Mingus)


Le médecin revient chaque jour et pose à Bird quelques questions de routine et notamment s'il boit de l'alcool. Celui-ci répond, ironique : « Juste un verre de sherry, parfois, avant le dîner. » Au bout de trois jours, son état semble s'améliorer et on l'autorise à regarder Tommy Dorsey à la télévision. « Nous l'avons calé dans une chaise longue, avec des oreillers et des couvertures. L'émission lui plaisait. Bird était un fan de Dorsey. "C'est un merveilleux tromboniste", disait-il. Puis est venu le moment où les jongleurs faisaient voltiger des briques qui restaient collées ensemble. Ma fille demandait comment ils faisaient, Bird et moi prenions des airs très mystérieux. Soudain, ils ont laissé tomber les briques, nous avons tous éclaté de rire. Bird a ri bruyamment puis a commencé à s'étouffer. Il s'est redressé, a hoqueté deux fois, et il est retombé dans sa chaise. J'ai sauté sur le téléphone pour appeler le médecin."Ne t'inquiète pas, Maman, m'a dit ma fille, il va bien maintenant." Je suis allée prendre son pouls. Il avait la tête penchée en avant. Il était inconscient. Je sentais toujours son pouls. Puis il s'est arrêté. Je ne pouvais pas le croire. Je sentais mon propre pouls. J'essayais de croire que mon pouls était le sien. Mais je savais vraiment que Bird était mort. Au moment où il s'en alla, il y eut un énorme coup de tonnerre. »

(Baronne Pannonica de Kœnigswarter, in Charlie Parker, de Hugues Le Tanneur)


dimanche 23 août 2009

Respectitude (par-delà)

La région où je vis vient de perdre le président de son Conseil Régional : Alfred Zambert a succombé hier des suites d'un malaise cardiaque.

Centriste, humaniste, chantre de la décentralisation, européen convaincu, cet homme mériterait déjà d'être plus (re)connu, ne serait-ce que pour deux faits d'arme : d'une part, il pria toujours le Front National et autres émanations "buboniques" d'aller voir ailleurs ; d'autre part, inspiré par le droit local qui oblige assistance aux plus pauvres d'entre les pauvres, il créa dans sa bonne ville de Saverne un Revenu Minimum d'Existence, ledit subside devenu, en 1985, proposition de loi qu'il aura déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale - quiconque s'intéresse à l'oeuvre de Michel Rocard connaît la suite...

Respect.

Trouvé ça sur le blog d'un copain de Jean-Mimi. Lettres Libres, ça s'appelle ! « Cahiers libératoires, carnets limbiques et chroniques littéraires de Christophe Borhen Dissidences, errances, (ré)jouissances et résistances d'un auteur (presque) anonyme, libertin postlibidineux... » Je sais pas si vous voyez le truc. Dissidences et résistances, etc. Tous les mots y sont, je veux dire les MVA (mots à valeurs ajoutés) qu'il faut mettre en évidence (et au pluriel) pour faire partie de la bande aux culs de lune. "Lettres Libres", putain, alors qu'il n'y a pas plus comprimé du sphincter, pas plus chiasseux de l'encéphale, pas plus mou du pieu.

« L'œuvre de Michel Rocard », je sais pas si vous voyez. L'œuvre-de-Michel-Rocard ! C'est grand, ça, non ? Pour aller très vite, il y avait l'œuvre de Parménide, celle ou celui de Michel-Ange, celle de Beethoven, et puis celle de Rocard. On avance à grands pas, dans le monde de notre auteur presque anonyme qui jouit rien que du sentiment de sa folle liberté.

"Lettres Libres", putain… Ces gens-là, Monsieur, ils sont libres. Libres de répéter, de litaniser, de geindre en cadence, d'entonner en chœur mixte tous les refrains débiles du temps, comme les mutins de Panurge assermentés qu'ils sont. Michel Rocard et son œuvre. Alfred Zambert et son œuvre. Donc, les faits d'arme du camarade Alfred Zambert, outre son humanisme qui ne se discute pas, c'est le grand, l'énorme, le fabuleux courage qu'il a dû lui falloir pour bêler en écho de tous les auto-résistants (comme il y a désormais des auto-entrepreneurs), et brandir le passeport qui les vaut tous, celui de l'antifascisme citoyen et post-historique. Ces gens-là auraient le courage, je ne sais pas, moi, de se battre à mains nues contre une dangereuse mamie (nazie !) de quatre-vingt dix ans arc-boutée sur son déambulateur et qui les menacerait de son sac en plastique roulé en boule. Libertin, qu'il est, l'auto-résistant ! Ça c'est sûr, on l'imagine bien avec son petit phallus solidaire en plastique équitable. Je suis certain que toutes les lectrices de Georges sont déjà en train de mouiller en pensant au libertin libertaire libre de toute entrave et subversif comme la pluie.

Ah, les copains de Jean-Mimi, faut pas leur en promettre, hein ! Ils te révolutionnent le monde d'un coup de blog, comme d'autres vont aux chiottes, je vous raconte pas. 'Tention ! S'il y a (c'est un exemple) un "lepénisé-de-l'esprit" qui vient à passer par là, putain ce qu'ils lui mettent ! Mais d'abord, ils commencent par monter sur leur petit tabouret, et ils se collent le badge, vite, mais si, vous savez, le badge qui dit "Moi être Homme Bien faisant partie des Bons du Bien, moi Humaniste sensible et ouvert à l'Autre, moi Frère de l'Autre, moi ennemi de personne, enfin, surtout pas de l'Autre, quoi. Moi ancien Coupable Repenti et Gentil." (Il y a beaucoup de majuscules, sur leur badge, c'est pas de ma faute.) Tiens, un exemple de comment ils parlent, pour être concret :


J'ai passé l'après-midi dans le hamac installé en bordure de piscine, corrigeant quelques dizaines de pages d'une thèse (dont je ne dirai rien, ici, pour des raisons évidentes et facilement compréhensibles : il m'incombe d'informer mon étudiant de mes remarques, - ce sera fait le 1er septembre -, et non de me répandre intempestivement sur le Net).

Cette correction, vécue comme une corvée, je l'ai adoucie en l'interrompant à peu près toutes les trente minutes, m'accordant alors une diversion télématique - la consultation compulsive de ma mail-box et de mon (nouveau et récent) compte FaceBook.

Je sais, c'est assez dur à encaisser, deux paragraphes de littérature hard-discount à l'heure de la sieste, mais sinon on va encore me dire que j'invente. Ça parle comme ça, les auto-résistants en villégiature. Et encore, là, j'y suis allé mollo, on est à une heure de grande écoute ! Je le vois bien, le Jean-Mimi, à poil près de la piscine de ses potes, en train de se faire fouetter par un imam qui passerait par là. En plus l'imam il le prendrait pour un pédé, sûr. Au moins deux raisons de le tabasser. Mais Jean-Mimi il couinerait de plaisir maso en nous expliquant qu'on l'a bien mérité, que c'est la revanche des damnés de la terre, et tout. Salope ! Pédé de Français ! Intello de mes deux ! (C'est l'imam qui parle…) Va me chercher une bière ! (Oui, certains imams, paraît-il, sont hyper-ouverts.) Et notre Jean-Mimi toujours à poil de se dire : putain, merde, pendant que je cours au frigo, il va lire les mails de ma chérie ce con ! (Et puis faut voir les mails de Jean-Mimi, hein, c'est du hard, aussi.) J'arrive, Imam, j'arrive, mais il n'y a plus de bière halal, je vous prends un Seven Up ? L'autre, évidemment, il s'en branle que la bière soit halal ou pas, ce qu'il veut c'est mettre une branlée à Jean-Mimi, et profiter aussi un peu de la piscine, pour une fois que personne le voit. Bon, je développe pas, les vacances des profs, c'est pas toujours le paradis, faut pas croire.

Mais revenons à nos moutons. Donc, le Libre Penseur Libératoire et postlibidineux tient à signaler au peuple de France que M. Alfred Zambert n'est plus. Immédiatement, intervention essentielle de Bribri Gigi, la poétesse que les lecteurs de Georges connaissent déjà : « Vous avez bien raison de parler de cet homme dont j'ignorais l'existence et la mort. Mais la reconnaissance de qui oeuvre pour le bien est juste et... nécessaire. » Hein ! C'est envoyé, ça, non ? Bribri ne sait pas faire une figure essentielle de la typographie française, le e dans l'o (œ), mais on ne va pas s'arrêter à des détails insignifiants. Non, ce qui est fort, on va dire, c'est le "œuvrer pour le bien". Ça c'est himportant. C'est même assez hévident, j'ai envie de dire, mais bon, Bribri elle a peur de rien, elle fait assurément partie de ces gens qui n'ont pas peur d'affirmer, au péril de leur vie, des vérités subversives et controversées à mort. Genre qu'on est contre la mort, contre la maladie, contre la guerre, contre les méchants, contre les catastrophes. Et c'est pas tout, juste après, une certain Sophie Kafka ajoute : « C'est bon de savoir qu'il existe aussi des gens très bien qui font de la politique, au sens premier du terme. Merci Cricri. » Au sens premier du terme, elle croit devoir ajouter. On sait pas trop de quoi elle parle, et à mon avis, elle non plus, mais ça n'a aucune importance. Ce qu'il faut bien comprendre (comme on dit), c'est que notre bonne Sophie elle aussi elle fait partie des gens Bien qui œuvrent pour le Bien (même pour le très Bien). Merci Sophie. Elle doit être bien, la Sophie. Je l'imagine deux secondes, si vous permettez. Je sais pas pourquoi, je crois qu'elle doit être hyper-bandante, la Sophie Kafka, ouais, ça doit être un sacré coup au plumard, non ? Genre, elle est devant, à genoux, et elle te souffle : « Oui, mon Salaud, vas-y, œuvre pour le Bien, Georges, au sens premier du terme, hein ! C'est bon de savoir qu'il existe des gens comme toi qui me font de la politique jusqu'aux oreilles ! » Vous voyez le truc ! Moi évidemment, je peux pas résister, quand on me parle comme ça : je balance tout. Mais voici Vinosse qui entre dans la danse : « Un homme fréquentable sans aucun doute... Mais que faisait-il dans la galère sarkozyste ??? » (Un chieur, ce Vinosse, que vous vous dites, un qui fout la merde ? Mais non, vous n'avez rien compris. On va voir ça un peu plus loin.) Où l'on voit tout de suite comment fonctionne le cerveau de ces amibes. Imaginez un tableau avec deux boutons ; un rouge et un vert. Ils doivent sans arrêt choisir entre le vert et le rouge. Le vert c'est bien, le rouge c'est mal. De temps en temps — oh, rarement, on veille — une info est grise. Ils sont alors pris de panique : merde, Cricri, je fais quoi, là, putain chuis mal ! "Mais que faisait-il dans la galère Sarkozyste ???" + "Un homme fréquentable" = information grise. Observons l'amibe. On ne lui a appris qu'une seule chose : le monde est réparti en deux catégories. La catégorie du Bien et la catégorie du Mal. Plus simplement, le Vert et le Rouge. Quand une info grise arrive par mégarde à passer les mailles du chinois, souffle brièvement un vent de panique. Mais Big Mother veille : « @ Vinosse : juste question... En fait, il y était sans y être car se cantonnant à la seule Alsace... » Ah, ouf ! VERT ! Vert MALGRÉ Sarko ??? Oui, malgré Sarko. Mais nous sommes dans la complexité maximale du cogitum auto-résitant. Il va sans dire qu'une telle situation ne se présente qu'exceptionnellement. Tout est fait pour que l'alternative soit une alternative de niveau zéro, et c'est bien ce qui se passe : plus un individu vous parle de sa liberté, plus il y a de chances qu'il soit aussi libre qu'un humain l'est par exemple de respirer ou non.

Mais creusons encore la question. Pourquoi VERT MALGRÉ SARKO ? La réponse est toute simple. Il faut revenir au texte, comme toujours. « Il pria toujours le Front National et autres émanations "buboniques" ». Inutile de continuer la phrase, le MVA est là, il suffit à déclencher le sérum anti-info grise. Vous placez la séquence de mots "Front-National", plus loin "autres-émanations-buboniques", et la seringue se vide automatiquement dans le cortex auto-résistant. Le Vert est mis. On pourrait même encore simplifier : le syntagme "Front-National" + l'adjectif "bubonique" auraient suffi. Un ami policier me racontait tout récemment comment fonctionne désormais le standard de la police nationale, quand on compose le 17. La aussi le numérique (c'est-à-dire le binaire) a pris le contrôle. Le serveur réagit à des mots clefs, et à des séquences de mots-clés, à la manière du système "Échelon". Si vous ne prononcez pas les bonnes séquences, n'espérez pas voir arriver la patrouille avant le lendemain matin. Nos auto-résistants, les blogueux assermentés, avec leur cerveau uni-alternatif, fonctionnent de la même manière. C'est pourquoi la lecture d'un blog de mille pages peut se faire, si l'on connaît les MVA, en une minute trente chrono.

vendredi 14 août 2009

La jeune fille et l'amour



Présenté à Annecy, en avril 2009

(Pour Raphaële)

dimanche 9 août 2009

Le bar des anus

Machin et Truc sont maintenant AMIS. C'est comme ça que ça cause, sur Facebook. Machin a envoyé un chose à Truc qui l'a renvoyé à Bidule. Bidule a aimé la Chose de Machin, qui la renvoie à Truc. A communique à B que C est dans le coup, mais D qui lui n'y est pas est pourtant en combine avec B qui lui-même ne peut pas trop blairer D. Ça n'arrête jamais. Un truc de dingues. Les amis des fous sont les fous des amis, et plus on est d'amis moins les fous sont drôles. C'est un peu ça, Facebook. Je peux pas sentir ce machin. Déjà qu'Internet me débecte, que la blogosphère me fait gerber, mais alors Facebook, c'est l'entonnoir de trop. J'ai jamais été trop sociable, je ne suis jamais entré dans une boîte de nuit, par exemple, j'ai dû aller au grand maximum à dix "fêtes" dans toute ma vie, mais le social citoyen qui se déballe sous mes yeux sur Facebook, ça me donne envie de me pointer avec un couteau de cuisine. Le problème, c'est se pointer où ? Ces cons, ils sont nulle part. Ils ont trouvé le moyen de ne jamais disparaître, de s'incruster à vie, de nous pourrir la vie sans même qu'on puisse leur mettre une tarte. Saloperie de numérique. Je sais pas pourquoi je pense à ça, je me souviens d'un bistrot à Paris, qui s'appelle le Bar des Amis, mais la typo était mal fichue, ce qui faisait qu'on lisait toujours les Bar des Anus : question de jambes. Internet, ça me donne toujours l'impression qu'on est au bar des anus. Que des trous du cul. Incroyable, le nombre de trous du cul au mètre carré. Enfin, je dis au mètre carré, évidemment ça ne veut rien dire mais je me comprends. Tous ces cons déboutonnés et vulgaires qui jactent nuit et jour, qui nous racontent leur trucs vraiment pas intéressants, c'est sidérant, non ? On a envie de se boucher les oreilles, mais ça sert à rien, vu qu'on n'a plus d'oreilles, que toute cette jactance passe directement dans le sang, qu'on y est branché en permanence, qu'on le veuille ou non. En fait, c'est ça, on a le trou du cul grand ouvert, on est tous devenus pédés, et on se fait mettre vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des inconnus qui nous branchent même pas. Triste à chialer. Mais on peut pas chialer. Enfin si, on peut, mais tout le monde s'en branle, vu que tout le monde chiale à longueur de journée, sur ce bazar de mes deux. Chialer, jacter, hurler, causer, et même se taire, aucune différence, j'ai essayé, c'est la même bouillie qui sort du tuyau. Et si vous essayez de dire STOP, allez vous branler ailleurs, foutez-moi la paix, videz-moi, effacez-moi, rayez-moi de vos listes, eh ben non seulement c'est impossible mais en plus votre gueulante c'est la même chose que la bouillie des autres connards, c'est pas différent, vous êtes pris dans le torrent de merde et vous pouvez plus nager à contre-courant. De toute façon, même si vous aviez la force de nager dans l'autre sens, vous vous feriez baiser parce qu'il n'y a plus de sens, ils font ça à l'endroit à l'envers, ces cons, sans aucun problème, ils n'ont plus ni queue ni tête, c'est le cas de le dire. Putain, je veux pas être l'amis de ces anus, moi, je veux vraiment pas. Un même machin nous prend la température, nous envoie la purée, et nous relie au seul monde qui reste. Merde ! Plus ni queue ni tête.