mardi 2 juin 2009

Je ne saurais dire si le Gaudier vaut le Benthien


Une des choses les plus drôles qu'il m'ait été données de lire récemment. Un lecteur de Renaud Camus qui le remercie. Mais de quoi est-il remercié, Renaud Camus ?

Disons-le comme ça : un type n'écoute jamais de musique. Il ne sait pas ce que c'est, même. Alors, comme il est camusien, vraiment, il lit les livres et écoute les émissions de son idole. Jusque là, tout va bien. Donc, notre camusien tombe sur une émission où Renaud Camus, comme à son habitude, nous "fait découvrir" un compositeur que personne, ou presque, ne connaît. Franz Berwald, qu'il se nomme, le compositeur. Le Berwald en question est un musicien suédois du XIXe, qui a écrit, entre autre, des quatuors à cordes. Peu importe en réalité ; il est l'un de ces innombrables musiciens dont on ne se souvient pas. Je ne dis pas qu'on a raison, mais c'est un fait. Notre camusien n'ayant (il le proclame lui-même) jamais acheté un seul disque de musique, se précipite pour se procurer un disque de Berwald, dont il parle en ces termes :


Franz Berwald 1796 1868 Quatuor n 1 en sol mineur 1818 Quatuor n 2 en mi bémol (enregistrement de 1962) Hélas si c'est bien le Quatuor Benthien (en vinyle), ce n'est pas le Quintet N°1 en ut mineur. On trouve ce Quintet N°1 mais pas par le Quatuor Benthien, il s'agit du Gaudier Ensemble (en cd), le chef d'orchestre étant Marieke Blankestijn. Je ne saurais dire si le Gaudier vaut le Benthien.


Il n'y a vraiment que parmi les lecteurs de Renaud Camus qu'on peut trouver ce genre de cinglés extraordinaires ! Je ne parle pas du « chef d'orchestre », je ne parle pas des "naïvetés" que contient son message, non, je parle de la perversion extrêmement curieuse que révèle ce message. Imaginez : vous ne connaissez rien, mais alors rien du tout, disons à la peinture (mais si, ça peut arriver). Un Papa, passant par là, vous parle, je ne sais pas, moi, de Cristóbal Neverlost, au hasard. Vous allez vous précipiter pour acheter tous les livres qui traitent de sa peinture, vous allez prendre un billet pour New York, pour aller voir un de ses rares tableaux, vous allez passer trois jours à scruter Internet à la recherche du moindre indice sur Neverlost ? Oui ? Alors vous êtes mûrs pour le camusisme.

La chute est tout simplement fabuleuse : « Je ne saurais dire si le Gaudier vaut le Benthien. »