samedi 29 décembre 2018

Du tac au tac



« Tu m'excites quand tu fais des rimes. »

Elle m'a sorti ça comme ça, sans crier gare. C'était une rime en are, d'ailleurs. Une histoire de placard ou de lard, je sais plus. Je tapine dans le vide, elle me tape sur le bide. On parle très vite, à la vitesse de la lumière, via Messenger, ça sort comme d'un tuyau d'arrosage. C'est de l'éjaculation verbale en dialogue. En continu et en joie, ça décharge à tout va, deux cents mots à la minute. Elle tape aussi vite que moi, il n'y a aucun temps mort, haute voltige sexuelle, d'une virulence au chalumeau. Elle me lance ses phrases brûlantes et vives, brisées, coupantes, et je les rattrape comme je peux, à deux doigts, par les bords, les mots ont à peine le temps de se fixer sur l'écran qu'on est déjà plus loin, toujours en avance sur notre désir, ça crépite comme un briquet d'orgasme ininterrompu. Elle est stupéfiante, impatiente, grésillante, pétillante, larmoyante, piaillante, mouillante, vivifiante, confiante et parfois suppliante. Ce sont les cieux qui se dandinent, quand on joue notre sonatine. Ça claque comme des claques sur ses fesses, ça glisse comme on tombe dans une crevasse en haute montagne, on est constamment au bord de l'épuisement, du non-sens, du dérapage, du lapsus, du contresens, du viol verbal, de l'accident, c'est une course de haies entre les chicanes du plaisir, c'est de l'escrime, c'est du tennis, c'est un jeu entre la mort et la joie, on fait claquer des draps de lettres comme on se pince les fesses. Elle est branchée sur ma turbine, la petite fée clandestine. On a les muqueuses à vif, en permanence, les nerfs givrés, le cul moite et la gorge sèche, on ouvre et on referme du même mouvement des blessures qui sont comme les bouches hilares et pleines de dents acérées qu'on a déposées au vestiaire avant le combat, la piste est glissante, c'est un miroir sans tain et sans main courante, il n'y a rien pour se rattraper, on rêve plus qu'on parle, on chante plus qu'on dialogue, c'est un bicinium suspendu au-dessus du vide de la terreur sociale. Elle prend ses vitamines et se lèche les babines. La piqure, vous la voulez dans les fesses, ou dans l'œil ?

mardi 25 décembre 2018

Lui



Il s'habille fréquemment en blanc. Il est venu, d'Amérique, au cœur profond de notre civilisation, pour la défaire, pour la livrer, pour nous livrer aux chiens.

Tout sonne faux, chez lui. Tout vient du diable. Tout est fait pour nous blesser, pour nous anéantir, pour nous renvoyer au néant dont il vient, lui. C'est un anti-justicier. C'est le pire ennemi que nous ayons eu depuis longtemps. Il a usé d'une ruse extraordinaire : se faire passer pour l'un des nôtres, et même pour notre Commandant en chef. Il a évincé celui qui était le vrai Père, il a pris sa place, et il est en train de retourner notre puissance contre nous. De sa voix de traître enténébré, il appelle les catholiques à se précipiter tous ensemble dans la mer. 

Il faut le haïr d'une haine implacable. Il faut le démasquer. Il faut lever sa soutane pour montrer qui il est réellement. Il faut le dévoiler. Il ne faut pas avoir peur de désigner le Traître. Il faut lui arracher son masque. Il est là pour nous exterminer. 

Comment font-ils, ces idiots, pour ne pas le reconnaître, sous son piteux déguisement d'hostie mâchée ?

Bienfaisante antipathie



Certains, s'étonnant de ne plus faire partie du cercle des "amis Facebook" d'Untel, en veulent à celui qui s'est séparés d'eux. Mais pourquoi devrait-on se sentir lié par une "amitié" qui ne nous dit rien, qui ne nous apporte rien, ou qu'on juge néfaste ? Je ne vois pas la raison qui devrait nous pousser à nous justifier de l'antipathie éprouvée pour tel ou telle, et moins encore ce qui l'interdirait. Dans la vie de tous les jours, nous ne nous obligeons pas à fréquenter qui nous déplaît, sauf obligations professionnelles ou familiales (et encore), et il en va de même en un réseau social comme Facebook. À moins que le nombre d'"amis" soit un critère de richesse sociale – ou morale. Heureusement, cela n'a jamais été pour moi.

Si la sympathie qu'on peut éprouver ici a quelque réalité, il faut admettre que l'antipathie existe au moins autant, qu'elle est sa contrepartie nécessaire. Il n'y a pas d'attachement véritable sans cela. Rien que de très normal, d'autant qu'un mode de connaissance qui privilégie l'écrit implique malheureusement (ou heureusement) de voir très rapidement à qui l'on a affaire, au-delà du personnage corporel et social. Les phrases déshabillent mieux que les mains – ou habillent (on ne désire pas les voir nus, ces correspondants numériques, au contraire, c'est précisément la manière dont ils se vêtent, grâce au langage, qui nous intéresse). D'ailleurs, je remarque que la nudité corporelle ressemble énormément à la vêture langagière. Les phrases sont la peau dont il est impossible de se passer si l'on veut se frotter aux autres – cette peau qui à la fois nous protège et nous met en contact. L'antipathie est le versant psychologique (et sans doute plus) de notre système immunitaire : elle nous prévient et nous protège des rencontres périlleuses. 


mercredi 19 décembre 2018

Bach le Mystère



Tout le monde, moi y compris, s'extasie sans fin sur Jean-Sébastien Bach, le plus grand musicien de tous les temps. À juste titre. Cependant, je me demande s'il ne faudrait pas prendre le problème à l'envers. Si le sommet de la pyramide musicale se confond avec ce compositeur, ne serait-ce pas parce que tout a été fait, dans notre monde, pour que cela soit, que tout nous a conduit – sans que cela puisse être évité – à lui ?

Mon hypothèse est que le monde aurait été pensé et construit pour qu'il nous soit impossible de ne pas placer Bach à la place qui est la sienne : au sommet et au centre. En conséquence de quoi on peut affirmer qu'il est le véritable et le seul Créateur. 

Quelque chose a façonné nos goûts, les critères du Beau et du Juste, dans la civilisation, de telle sorte qu'il nous soit impossible de ne pas faire de Bach l'alpha et l'omega de la création et de la beauté. Tous nos sens ont été conçus et informés (nourris), depuis l'origine, pour nous amener, par une série et un enchaînement très complexes de causes et d'effets, à ce point focal, qui est à la fois origine et fin. En un sens, on peut dire que Bach est une illusion, mais, comme Dieu, une illusion d'un niveau supérieur à la réalité. 

Bach est sans doute le seul compositeur qui soit en mesure de nous délivrer du désir de toute autre musique, comme la femme qu'on aime nous libère du désir de toute autre femme. J'ai écrit mille fois que l'amour et la musique étaient une seule et même réalité, donnée sous deux états différents, et j'en suis plus que jamais convaincu. Pour aimer la musique, il faut d'abord aimer tout court. Nulle part ailleurs que dans la musique de Jean-Sébastien Bach n'est sensible cette unicité essentielle et originelle, et c'est une des raisons qui font que cette musique est si précieuse. L'aimant, nous aimons. Qui ou quoi ? La question n'a pas de sens. Nous aimons de manière intransitive. 

Soit Bach est le résultat de la Civilisation, soit il en est le créateur ; soit il en est l'aboutissement ultime, soit il en est le point de départ. Soit elle provient de lui, soit il provient d'elle. D'où sa proximité avec Dieu. Soit le monde a rendu possible Bach, soit c'est Bach qui a rendu possible le monde que nous aimons. Mais dans ce double mouvement, le moteur est toujours l'amour. 

Bach est ce Mystère incroyablement raffiné et complet qui a rendu sensible le temps et l'amour aux hommes les plus simples. Il leur suffit pour cela d'être munis de deux oreilles et d'un cœur. 

(à Mme Elisabeth Sombart et à M. Felice Graziano)

mardi 18 décembre 2018

La question de l'amour



Si seulement j'étais capable de dire l'émotion que me procure l'Empereur, le concerto en mi bémol de Beethoven, cette espèce de large soulèvement de l'âme qu'il opère en moi à chaque écoute, vague gigantesque et souveraine, qui, un instant découvre (ou invente) ce qu'il y a de meilleur en moi…

Je me rappelle ce jour d'hiver du milieu des années 70, était-ce à Moissac, à Saint-Antonin-Noble-Val, à Figeac, ou dans un trou paumé de l'Aveyron, je ne sais, mais c'était un dimanche, je crois bien, aux alentours de midi, et la vieille télé en noir et blanc que nous avions là et qui ne servait quasi jamais diffusait un concert réunissant Arturo Benedetti Michelangeli et Carlo Maria Giulini. C'est Octave qui m'avait appelé et nous avions regardé le concert tous les deux. J'avais été subjugué, et mon enthousiasme était peut-être trop démonstratif. Octave, lui, n'était pas aussi emballé que moi. Quand je lui demandai quelles étaient ses réserves, il me répondit étrangement que le jeu de Michelangeli lui semblait trop aisé, voulant dire par là que le pianiste ne semblait éprouver aucun effort à jouer cette partition. Ce concerto était un de ceux que nous écoutions le plus à la maison, quand j'étais enfant, mais je ne parviens plus à savoir quels étaient les pianistes qui l'interprétaient. Kempff, sans doute, mais il ne devait pas être le seul. Richter, Backhaus, Fischer ? Ayant pu écouter à nouveau ce concerto joué par Michelangeli et Giulini, sur Youtube, je dois avouer une certaine déception. J'ignore s'il s'agit du même concert mais ce n'est pas aussi bon que dans mon souvenir. Le scansion est un peu raide, ça manque de souplesse et de profondeur, même si le pianiste est magistral. Il est possible que la proximité de la version Zimerman/Bernstein, que je venais d'écouter à deux reprises, ait été en partie la cause de cette déception. D'ailleurs, c'est surtout à l'orchestre, dirigé par Giulini, que vont mes reproches. Les phrases sont énoncées comme si chaque temps était identique au suivant ou au précédant. C'est plat.

Mais peu importe l'interprétation. Ce qui compte, c'est le concerto, c'est la musique. Ce qui compte, c'est que la poitrine s'ouvre grand, dès le commencement, ce qui compte, c'est cette impression de respiration, ou plutôt d'inspiration infinie qui ouvre l'âme et l'agrandit. Enfin ! À chaque nouvelle écoute de cette partition, on se dit : ENFIN ! Il était temps ! Comme si l'on était resté en apnée depuis des semaines, des mois, des années. Enfin, on peut à nouveau respirer. Enfin, toute la timidité essentielle qui est la nôtre s'efface devant l'appétit à connaître, à embrasser le monde, à entrer en lui, et, surtout, on arrête un instant de se poser la question de l'amour

samedi 15 décembre 2018

De la douleur du dialogue



Se heurter enfin à soi-même, c'est ça ? Maudites phrases qui ne servent à rien ! Quand on laisse échapper le secret, ce n'est pas par la bouche qu'il s'échappe. Sur le ring, où chaque parole espérée nous brise le nez et les côtes, il faut respirer autrement, quand l'air manque, quand surgit en nous la seule question qui précède l'être : « À quoi bon ? »

Du sang dans la bouche, seule nourriture du vaincu qui ne sait pas encore qu'il n'est pas, qui n'en finit pas de se séparer de lui-même, celui-là qui mâchonne ce qu'il prend pour son histoire, car il voudrait tout de même avoir été – et ce sang justement est la seule preuve dont il dispose. 

Tu croyais être ? Tu viens trop tôt, ou trop tard. Tu t'es fourvoyé, tu as cru tes yeux, tes sens, tu as pris des bruits pour des paroles et des paroles pour de l'amour. Et tu t'es cru autorisé, surtout, à parler, à expliquer, à justifier, à commenter le vide de ton existence. Tu as fait des gestes, tu as produit des sons, tu as même tracé des lignes et des phrases sur le blanc tendre de chairs fugitives. Folie que tout cela. Excès. Bêtise. Lourdeur. Illusion. Passion…

à Philippe Jarry

Disgrâce



Entre matraque et dictionnaire,

entre silence et déni,

entre baiser et poison,

il faut rayer la raison

ou disparaître au talon

de celui qui fut l'ami

et s'est révélé sanguinaire.

vendredi 14 décembre 2018

Spectacle



Bromazépam : « On y était presque. Nous étions une cinquantaine dans le creux de sa main. Il a hésité une minute… J'ai failli jouir. »

Zopiclone : « On était encore dans le tube, serrés les uns contre les autres, mais on a bien senti qu'il se passait un truc. Le bruit d'un flacon qu'on vide d'un coup, ça nous fait frémir. On bougeait plus, on écoutait. »

Métoclopramide : « Fausse alerte. Mais il sait qu'il peut compter sur nous. On sera là. »

Le Tunnel : « Moi aussi j'ai bien cru que ça y était. Les pieds étaient déjà passés. Quelle bêtise, ce renoncement ! »

Ircantec : « On a failli économiser 1500 balles… »

Le Cancer : « On peut dire qu'on l'a échappé belle ! »

X, Y, Z : « Nous n'avons rien à déclarer. »

Coupable



Si je suis coupable,

C'est d'être innocent –

L'innocent étant celui qui croit

À l'intelligence de ses pairs.

Tout sauf rien



« Le totalitarisme de la pensée »… J'aurais pu tomber sur autre chose, je pourrais prendre mille autres exemples, mais c'est là-dessus que je suis tombé en ouvrant Facebook, mais t'as aussi "censure", "fascisme", "violence", "gauchiasse", "vraie droite", "Macron", "partage", "haut et court", "halal", enfin tout un tas de vocables et de syntagmes qui reviennent en permanence, qui tournent en rond dans ce fatras moïque, dans cette éjaculation continue de mois qui fend les bits et ouvre la mer de merde pour que tous ces zombies puissent traverser à pieds secs, passant d'un continent à l'autre, avec des images de saucisses, de chats, d'éléphants décapités, d'hommes le cul en l'air, et d'appels à la révolte sur fond de fleurs, de cœurs, et de fusils-mitrailleurs, je vous raconte ça comme je le vois, je suis dans la jungle, tout le monde tire sur tout le monde, le sang gicle, les bras arrachés, l'odeur de la viande carbonisée, le bruit assourdissant des hélicoptères, le silence assourdissant de la peur, pourquoi suis-je revenu, pourquoi suis-je encore là, pourquoi recommencer la même histoire, petits cœurs roses, intestins fumants, couilles écrasées, bouches édentées, ils sont peinards à se lancer des injonctions et des bisous, les femmes sont en vitrine, comme dans les boucheries d'antan, les hommes font des phrases et roulent des mécaniques, c'est un bordel immonde où tout le monde parle en même temps, où tout le monde tente d'échapper à la vie qui gueule et qui pue, on leur a distribué un mode d'emploi et ils s'y conforment du mieux qu'ils peuvent, c'est Koh-Lanta pour tout le monde, c'est The Voice hors de l'écran, c'est Machine et Machin qui trichent, heureusement, c'est à qui te prend le mieux pour un con, pour une conne, pour effacer ce que tu pourrais dire, ça grouille dans les sous-sols privés, ça remonte à la surface, ça déborde, parfois, ça fume, ça sanglote, mais ça rit beaucoup, et ça explique le monde, la politique, l'amour, le destin, la candeur, la chaleur, et ça repart dans les tripes cachées, dans le rectum politique, et bientôt un autre attentat pour ressouder les rangs, au garde-à-vous, les slogans, les phrases automatiques, les postures, le courage, la fiente et l'humour au goût de vomi, et ces faces jaunes qui remplacent la ponctuation et la poignée de main, la virilité des sentiments et surtout l'honneur, ne parlons même pas de la vérité, qui a mis les bouts depuis un moment, effrayée de ne plus voir que des ados et des connasses épilées, ils mentent, ils mentent tous, combien il fait, chez vous, tout va bien, tu veux être quoi, tu peux être tout ce que tu veux, tu sais, tout sauf rien, parce que le silence assourdissant de la peur, parce qu'être ne coûte plus rien, c'est pris en charge, c'est remboursé, c'est rien qu'une tache sur un pantalon, c'est mignon.

Tutoyez-vous !

jeudi 13 décembre 2018

Lecteurs d'aujourd'hui



Voici – sans commentaires, sans ajouts ni transformations d'aucune sorte – le commentaire d'un lecteur d'aujourd'hui, client d'Amazon.

***

Souvent présentée comme un prélude à La Montagne Magique, l’un des romans phares de Thomas Mann, La Mort A Venise m’a permis de faire connaissance avec celui qui est considéré comme l’un des auteurs européens majeurs de la première moitié du XXe siècle.

L’histoire est celle d’un écrivain allemand de renom, Gustav Aschenbach. Un écrivain austère, tout entier dévoué à son œuvre, qu’obnubile sa quête de la perfection. Mais qui, en villégiature à Venise, s’éprendra follement d’un jeune garçon polonais, Tadzio.

Cette passion dévorante le poussera à prolonger son séjour dans la Cité des Doges et même à y rester après avoir appris qu’une épidémie de choléra s’y était déclarée. Avec comme tribut un sort funeste, puisqu’il finira par mourir de cette maladie, en contemplant une dernière fois l’élu de son cœur.

En d’autre termes, peut-être plus contemporains et moins élégants, l’histoire que nous raconte Thomas Mann dans La Mort A Venise n’est rien d’autre que celle d’un vieux pédéraste qui s’éprend d’un jeune garçon et qui tente en vain de camoufler cette attirance contre nature derrière de grands principes classiques. La Mort A Venise est en effet constellée de références à l’antiquité grecque, censées justifier intellectuellement les pulsions sexuelles d’Aschenbach.

Impossible de dire si, de la sorte, Thomas Mann entend d’abord manier le second degré ou tente plutôt de justifier des comportements dont il a lui-même avoué en avoir ressentis de semblables à certaine époque de son existence. Peu importe finalement…

Je n’aurais pas voulu ne pas m’essayer à Thomas Mann, mais la découverte que j’en ai faite risque fort de tourner court, tant j’ai peu accroché à son style littéraire, aux préoccupations qui sont les siennes ou encore aux tourments dont il souffre… D’autant que les deux autres nouvelles faisant suite à La Mort A Venise, Tristan et Le Chemin Du Cimetière, sont dans la droite ligne de la première…

Dans la tête…



L'élève frappe la pulsation dans ses mains en fixant la partition. Je me demande quand est-ce qu'il va commencer… 

Au bout d'un moment, il arrête de frapper dans ses mains et me regarde avec un bon sourire. 

– Tu ne veux pas faire cet exercice ? 

– Mais je viens de le faire !

– Mais non, tu n'as pas commencé…

– Mais si, je suis allé jusqu'à la fin.

– Mais enfin… et les notes ???

– Je les dis dans ma tête !

J'aime



« J'aime beaucoup le classique moi aussi. »

En sept mots, tout est dit, d'une pensée, d'une morale, d'une esthétique – et de la culture de celui qui s'exprime. Ces phrases qui en un tour d'esprit dévoilent leur auteur, se suffisent à elles-mêmes, ces phrases qui parlent à l'insu de leur locuteur et qui en creux en donnent un portrait exhaustif, on les chérit. Ces phrases, celui qui les prononce croit les dire, alors que ce sont elles, ces phrases, qui le disent, lui. C'est comme si elles parlaient toutes seules. C'est la langue qui va plus vite que celui qui fait des phrases, c'est la langue qui échappe à celui qui pense en être le maître, c'est la langue qui va plus vite que son chiffre, c'est la langue qui pend hors des orbites du parlant, qui passe les dents, qui exsude de son personnage comme les mots qui sortent du papier, comme le nez au milieu de la figure.

« Aimer le classique aussi » ? Chaque mot de cette proposition est à souligner, mais chaque mot de cette proposition est dépendant des autres : en souligner un reviendrait à ne pas la comprendre.

Mais prenons les choses dans l'ordre.

– « Aimer ». Ils veulent à toute force nous dire ce qu'ils aiment. Comme si cet amour prouvait quoi que ce soit, comme si cette dilection portait en elle-même sa morale et sa justice. Ce qu'ils ignorent,  c'est que l'amour a peu à voir avec la culture. Mais c'est surtout le "je" de « j'aime » qui est important, car les goûts ne peuvent pas être déliés des états culturels qui les présupposent. Le goût est le point qui, à l'exacte intersection de l'intelligence et de la culture, résume un individu. Qui est le "je" qui s'exprime ici ? C'est ce qu'il faudrait savoir. Le petit-bourgeois de l'hyper-démocratie est persuadé qu'il parle en son nom, qu'il est libre de ses mouvements et de ses goûts, que ces derniers ne relèvent que de son libre-artbitre, qu'il est souverain. C'est tout à fait faux, bien entendu. « Celui qui croit au libre-arbitre n'a jamais aimé, ou haï. »

– « Le classique ». Le-classique, c'est la langue de ceux qui ne parlent pas cette langue, et s'ils ne parlent pas cette langue, c'est justement parce qu'ils ambitionnent de parler une langue neutre. La langue neutre, c'est la langue qui prétend mettre les divers états culturels à équidistance les uns des autres, c'est la langue qui prétend donner le choix. Le petit-bourgeois a le choix. Il fait son marché parmi "les cultures", parmi les arts, parmi les œuvres, et il sélectionne ce qui lui plaît – ce qu'il aime. Nous sommes au pays de l'éclectisme de droit divin et de la personnalisation, de la customisation. Choisis ta vie ! Choisis ta culture ! Choisis ta langue ! Choisis ton prénom ! Choisis ton sexe, pardon, ton genre. Et même, on l'a vu récemment, choisis… ton âge ! Le petit bourgeois post-moderne et post-démocratique vit sa vie à l'heure numérique et virtuelle. Il choisit les éléments de sa vie comme il choisit son fond d'écran et la couleur de l'intérieur de sa voiture. Quand j'étais enfant, on disait de tel qu'il avait "mauvais genre". Il n'y a plus de mauvais genres. Il n'y a plus que des choix, des "options", comme ils disent. Le mot "musique" n'est pas neutre. La langue non plus.

– « Aussi ». On n'aime pas la musique aussi. Soit on aime la musique soit on ne l'aime pas. Sauf, bien sûr, si "la musique" n'est pas la musique ; sauf si c'est « du classique » (ou du jazz, etc.) que l'on parle, c'est-à-dire de la partie d'un tout – le tout en question étant un assemblage hétéroclite et pluri-culturel de "musiques" : le (la musique) classique, la chanson, l'avariété, le jazz, le rock, le folk, le disco, le rap, la pop, la techno, le funk, le R&B, la musique de film, et tous les genres et sous-genres que j'oublie ou que j'ignore, volontairement ou involontairement. Il y aurait donc plusieurs musiques (comme il y aurait plusieurs cultures)… Tout est là, dans ce pluriel idéologique. La démocratie est passée par là, ou, plus exactement, l'hyper-démocratie, celle qui transforme le réel en une gigantesque vente en ligne où tout se trouve à disposition, où chaque "produit culturel" est à portée de main, et chacun d'entre eux à égale distance de la main du consommateur ou du likeur. Il veut, il prend. Il ne veut pas, il passe son chemin. Tout le contraire de l'art, donc. Mais qui sait encore que la musique est un art, et le plus exigeant de tous ?

Il n'y a pas "des musiques". Il y a la musique d'un côté, et il y a le jazz, le rock, la chanson, etc., de l'autre. La musique, c'est cet art qui a traversé les siècles, cet art qu'on peut encore "interpréter" aujourd'hui sans que les œuvres dans lesquelles il s'incarne n'aient en rien vieilli. Ce n'est pas une question de virtuosité, d'originalité, d'inventivité, de technicité, ni même de complexité, non, la question, c'est celle de la pensée – au sens le plus exigeant du terme – qui rencontre la matière sonore, et qui lui donne cette forme qui, cinq ou six siècles après, nous bouleverse encore, nous enseigne encore, et encore nous met en contact avec le mystère du monde. Art ou pas art, telle est la question – la seule.

Il y a d'un côté l'idéologie, qui préoccupe beaucoup les vivants, et de l'autre l'art, qui les occupe très peu. Si l'art traverse les siècles et leur donne un visage (et peut-être une âme), il est juste de noter que l'idéologie, elle, fait beaucoup plus de morts. C'est la grande nettoyeuse du monde. Comme le monde déborde de vivants, le temps est peut-être venu à l'art de laisser définitivement la place à l'idéologie. 

Immunité




Qu'est-ce que la maladie dont le nom signifie : Syndrome d'Immuno-Déficience Acquise. Un malade atteint du SIDA voit ses défenses immunitaires s'effondrer. Il n'a plus aucune protection contre les assauts du monde extérieur. Il cesse de se défendre. Le malade atteint du SIDA est un homme qui crie aux maladies : « Vous n'aurez pas ma haine. Venez, la porte est grande ouverte. Faites de moi ce que vous voulez. Vous êtes ici chez vous. »

Le malade du SIDA face aux infections est exactement dans la situation du Français face à ce qui le menace directement ou indirectement. Il a fait le deuil de ses défenses immunitaires. Il ne sait même plus à quoi elles pouvaient ressembler mais, quand on lui parle de celles-là, il lève les bras au ciel en poussant des glapissements, car il trouve que ces défenses sont bien agressives envers les assauts de l'extérieur. Sa nouvelle intégrité a décidé que son intégrité ancienne ne justifiait pas d'être agressif face à l'agression. Il se désintègre donc à force de s'intégrer au monde. Les maladies ne touchent pas que les individus, elles touchent aussi le corps social ; on devrait même aller plus loin, et penser que la maladie est toujours sociale. 

On pourrait aussi se poser la question de savoir de quelle manière et pour quelle raison l'immuno-déficience a-t-elle été acquise. A-t-elle été induite, provoquée, ou est-ce un simple "progrès" de la nature/culture ? Est-elle spontanée, congénitale ? Poser seulement la question suffit à provoquer les accusations de complotisme, délire paranoïaque, manie de la persécution, et plus encore. Ça m'est complètement égal. La réponse à cette question sera certainement connue un jour ou l'autre, mais ça ne change rien à notre problème. Vivre est un choix, contrairement à survivre. 

L'immunité (acquise, provoquée, spontanée ou congénitale), voilà un beau sujet de réflexion, pour lequel malheureusement nous ne possédons pas le savoir requis, et qui, sans doute, nous emmènerait bien trop loin. Mais à un niveau très personnel et très concret, ce sont les mots, les phrases, le gris des idées et le rouge du style qui, toujours, nous ramènent à la surface quand l'air commence à manquer – les phrases et le Lexomil. Et Bach, bien sûr. Bach, la souveraine lumière qui donne aux choses un contour et une profondeur grâce auxquels nous nous sentons de plain pied dans la vie, dans la grande santé. 

mercredi 12 décembre 2018

Bruits



La musique que j'écoute ne me prive pas du silence. Elle le creuse, l'amplifie, le renverse. Elle lui donne une forme – car le silence, comme la solitude, peut tuer, s'il s'insinue en nous sans une syntaxe qui nous le fait entendre.

Mais à quoi bon le silence, si l'âme fait du bruit.

Plongée



Il n'y a pas d'individus. Il n'y a que du social, il n'y a que du groupe, que du clan, que de la famille, que de la mafia, que du réseau, que de l'internement et de l'exclusion tenus par les bras psychologiques et transpirants du ressentiment. Chacun se met sous la protection du cercle, de la tombe, de la pyramide inversée qui saigne et signe, qui scelle et qui cèle. C'est la coucherie virtuelle, les menstrues qui reviennent à intervalles réguliers pour évacuer ce qui est en trop, ce qui est passé, ce sur quoi on ne peut plus miser, c'est la braise froide du dégueuli fraternel. C'est la cache, c'est la traque. Ils ont tous un polichinelle dans le miroir. À la banque, pour de nouvelles aventures… 

N'oubliez pas de vider la poubelle. Ça finirait par sentir.


mardi 11 décembre 2018

Les Amputants



Tous bien unis merveilleusement pour s'entreliker les uns les autres… Comme ça fait du bien de se tenir chaud quand l'un d'entre eux a été bouc'émissarisé. Comme ça rapproche de se défaire de quelqu'un, d'un seul geste, d'une seule main, pour ressouder le groupe, coupant le membre pourri.

Magie de la tourbe sociale qui fait prendre les cœurs, bulbes vicieux en fusion… Pourriture du fumier chauffé, retourné, malaxé, incendié de peurs intestines et minables. L'amputation fait ressusciter les morts en se débarrassant des vivants.

Ça pond des œufs dans les gouffres.

C'est beau l'amitié !

L'écriture au galop



Il croyait galoper sur les paragraphes, et les phrases le clouent au sol. Il croyait bâtir une œuvre, et les mots sont les clous de son cercueil. Il croyait qu'il allait jouir enfin par sa pensée, et celle-là lui fait comprendre que depuis toujours elle simulait. 

***

Toute la littérature provient sans doute d'un empêchement, ou d'un handicap : celui de ne pas pouvoir écrire à la vitesse de la pensée. Il n'y aurait pas de romans, si nous étions capables d'écrire aussi vite que nous pensons. Si l'écriture et la pensée avaient la même vitesse, la fiction perdrait tous ses attraits, car la pensée elle-même est une fiction, et, de toutes les fictions, la plus foisonnante, la plus exubérante. la plus chatoyante, la plus fougueuse. Si l'écriture et la pensée avaient la même vitesse, les rêves seraient dicibles. Ne pas être en mesure de raconter ses rêves est la seule garantie que nous ayons de pouvoir écrire des histoires. Si écriture et pensée avaient la même vitesse, peut-être n'aurions-nous pas d'inconscient. Ce sont les différences de tempo entre les instances qui nous fondent qui créent la possibilité de l'art, de la littérature, de la musique. 

On sent bien, quand on se met devant une page blanche, que la page n'est blanche que de cet empêchement, de cette tare congénitale. Si pensée et écriture avaient une même vitesse, l'écrivain serait confronté à une page noire. Pourrait-il écrire blanc sur noir, et non pas noir sur banc, c'est-à-dire retrancher au plein de sa pensée des morceaux de silence, d'absence ? L'écriture pourrait-elle consister à supprimer des traits et des points d'une pensée emplissant son esprit, d'arrêter à quelques rares moments ce tourbillon lancinant, cette vague infinie, de stopper par instants la dérive des galaxies mentales ?

Souvent, on se met devant la page blanche à cause du galop intérieur qui nous presse, et c'est comme si ce galop venait se fracasser contre le mur de la page ou de l'écran. Il ne reste que des débris, des chutes, des lambeaux, de ce qui se pressait pour (croyions-nous) sortir. Et, la plupart du temps, ces restes sont si misérables, si chétifs, si insignifiants, qu'on préfère encore ne rien écrire que de se contenter de ces rognures de pensée. La Perte est le pays qu'habite l'écrivain. Il est lui-même perdu au milieu de la déperdition, et c'est quand de cette perte il parvient à retrouver le chemin effacé qu'il accède au royaume de la Lettre. La plupart des auteurs attendent le moment où ça prend. Quelques très rares écrivains, au contraire, voudraient retarder ce moment indéfiniment, au risque d'être emportés par le silence. Ils veulent rester sur la crête, quitte à être inaudibles et illisibles. Ceux-là sont des artistes avant d'être des conteurs, des musiciens avant d'être des paroliers. 


lundi 10 décembre 2018

À rebours



Il est facile de comprendre que l'avenir est le lieu de l'inattendu, mais il est plus difficile d'admettre que le passé l'est au moins autant. À chaque regard sur le passé, celui-ci se donne d'une manière unique. Il n'est nullement figé dans le temps, comme on le pense généralement : il évolue parallèlement au présent. C'est comme une grande cérémonie qu'on tiendrait sous les draps – et l'on fait entrer le monde à rebours, par vagues successives, jusqu'au prochain motif, qui nous fait surgir au présent.

La nuit, quand tu as peur,
    N’écoute pas battre ton cœur :
    C’est une étrange peine. 

jeudi 6 décembre 2018

Les Cocus sortent du placard



« Est-il bien opportun, en plein génocide par substitution, de lancer une révolution sociale ? En plein désastre écologique, de lancer une révolte antiécologique ? En plein effondrement des comptes, de lancer un programme de dépenses ? Ce qui ruine la France, c’est le Grand Remplacement. » (Renaud Camus)


Rien n'est opportun que ce qui ne compte pas vraiment. Les Gilets jaunes n'ont rien à faire de l'écologie, ils puent et ils font du bruit. Ce sont des ploucs, indiscutablement. En plus, je suis sûr qu'ils écoutent Johnny, ces cons !

Ils ne sont pas opportuns, non. Ils arrivent au mauvais moment. La planète n'en peut plus, le Pacte de Marrakech est à portée de signature, il fait froid, il fait moche, les caisses sont vides, et le Grand Remplacement bat son plein. On n'est jamais  opportun quand on n'en peut plus, quand trop c'est trop, quand on a faim et froid et qu'on s'inquiète pour sa subsistance. Pourquoi maintenant, leur disent ceux qui ont le ventre plein et des revenus assurés ? Ce n'est pas le bon moment ! Cette taxe, c'est vraiment rien du tout ! Bien sûr que ce n'est rien du tout, cette taxe, mais quand tu n'as plus rien dans ton porte-monnaie, tu n'as plus rien. (Ça vous est déjà arrivé, de reposer vos courses à la caisse, parce que vous vous rendez compte que vous ne pouvez pas ?) Tu ne peux plus avancer, tu ne peux plus acheter, tu ne peux plus chauffer la maison, tu ne peux plus bouger, et même les mots ont du mal à sortir de la bouche. Ils ne comprennent pas ça, ceux qui expliquent "la dette", "l'écologie", "le Grand Remplacement", "la politique", "la morale", "l'éthique", aux Gilets jaunes. Les Gilets jaunes, ils n'ont pas conscience de « lancer une révolution sociale », et je crois même qu'ils s'en branlent absolument, de savoir si leur colère est sociale, politique, opportune, morale, républicaine, révolutionnaire ou réactionnaire. Simplement on avait pris l'habitude de les traire sans qu'ils renâclent, ou seulement pour la forme, et là, tout soudain, ils trouvent un peu douloureux qu'on leur soutire le lait que leurs mamelles ne contiennent plus depuis longtemps. 

Moi aussi je suis désolé de voir qu'ils ne se sont pas révoltés avant, les Français, et pour plus grave encore, qu'ils ne se sont pas révoltés contre leur disparition programmée, contre la submersion migratoire, contre le changement de peuple et contre l'islam assassin, qu'ils n'ont rien dit quand on les a égorgés un à un, quand on les a obligés à changer de trottoir, quand on a humilié leur langue, leur histoire et leurs traditions. Mais c'est comme ça. Ils n'ont pas vu, ils n'ont pas compris, ils n'ont pas été aware, comme dirait le grand philosophe belge Jean Claude Van Damme. Ils sont obscènes et à contretemps, les Gilets jaunes. La couleur de leur mouvement, cet épouvantable jaune fluo, c'est tout le contraire d'un choix esthétique et éthique ; ils n'ont fait qu'attraper au vol une injonction et l'ont retournée en signal. Le gilet jaune, c'est celui qu'on porte sur la bande d'arrêt d'urgence, ce territoire précaire où l'espérance de vie ne dépasse pas une demi-heure. Eux, ces Français-là, ils y sont constamment, sur la bande d'arrêt d'urgence. Ces Français-là – le peuple invisible, le peuple profond –, ils se tiennent sur une toute petite portion du territoire médiatique, et ils sont pétrifiés, car ils sont frôlés en permanence par des bolides des fenêtres desquelles s'échappent une musique et des paroles auxquelles ils ne comprennent rien. Ils ont beau porter leur gilet jaune, ceux qui roulent à 200 à l'heure sur l'autoroute de la France nouvelle ne les voient pas. Il y a longtemps qu'on leur a expliqué que le peuple, ce n'est pas eux, ce n'est plus eux. Les quartiers populaires, ils n'y habitent pas, et les subventions que l'État aime à distribuer avec emphase, ce n'est pas pour eux. Eux, ils habitent simplement la Creuse, la Picardie, la Lozère, la Somme, ils habitent dans le désert, ils n'habitent pas les Territoires perdus (de la République), ils habitent les territoires invisibles, ceux qui n'intéressent ni le parti dévot ni les investisseurs internationaux ni l'industrie du spectacle. Tout cela remonte à très loin et c'est ce qui leur donne cet élan qui surprend tout le monde.

Je trouve indécent qu'on parle d'écologie aux Gilets jaunes. Ils fument des clopes et roulent en diésel ? Mais je m'en fous ! Mais alors qu'est-ce que je m'en fous ! Qu'on leur fiche la paix avec la planète, qu'on s'occupe des gros, des vrais pollueurs, de ceux, par exemple, qui prennent l'avion comme les Gilets jaunes prennent leur voiture, et peut-être, ensuite, pourra-t-on leur opposer le sentiment écologique. Ce qui est certain, c'est que ce n'est pas le problème, aujourd'hui. Quand j'entends des slogans du genre « ensemble pour la planète », par exemple, j'ai l'impression d'entendre les Enfoirés, ces milliardaires déculturés et moralisateurs, qui demandent aux smicards de donner de l'argent aux RMistes et aux chômeurs. Salopards, misérables fripouilles ! Quant aux dépenses, il s'agit bien de ça ! Tant que des prédateurs milliardaires se goinfreront impunément sur le dos des entreprises publiques et tant que continuera cette folle politique du changement de peuple, on pourra faire tout ce qu'on veut pour économiser trois sous, la balance sera indéfiniment déficitaire, et tout coûtera trop cher. Ces gens qui nous parlent de "la dette" en se rengorgeant de leur pauvre science comptable me sont odieux. Quelle dette ? Imagine-t-on ce que coûte vraiment cette folie, le Grand Remplacement ? Et pour quel résultat ? Même un Giscard d'Estaing en est aujourd'hui conscient, qui fut à l'origine de cette monstruosité, et la regrette. À un bout, ce sont des milliards qui sont soustraits tranquillement aux nations, sans qu'elles mouftent, et à l'autre, on reproche à de pauvres gens de coûter trop cher. Il y a de quoi devenir fou. 

Les Gilets jaunes veulent seulement continuer à exister. Eux seuls n'auraient pas ce droit ? Chacune des minorités de ce pays tyrannise la société pour un oui ou pour un non, et le peuple français dans son immense majorité n'aurait pas le droit de simplement subsister, alors qu'il ferme sa gueule depuis quarante ans, tétanisé par les fêlés qui théorisent un nouveau monde auquel il ne comprend rien ? C'est bien le sens profond de ce mouvement qui est un mouvement de fond : est-ce que nous, peuple français, avons encore le droit de persister dans notre être en ce pays qui naguère était le nôtre ? Je constate une chose : moins on demande et moins on obtient. Ceux qui gueulent très fort et emmerdent le monde à longueur d'année – féministes, LGBT, minorités diverses, casseurs – obtiennent à peu près tout ce qu'ils veulent. Les Gilets jaunes ont fini par entendre la leçon, et sortent de l'ombre. Mais comme ils sont beaucoup plus nombreux que ces fameuses minorités, ça fait beaucoup plus de bruit, évidement, et ça effraie, car le mouvement une fois mis en branle, il semble difficile à arrêter. Pour ma part, je m'en réjouis. C'est – enfin – le retour à un ordre des choses normal, en démocratie. La majorité veut se faire entendre comme ce qu'elle est, la majorité – pour combien de temps, ça c'est une autre question… 

La transcendance et les bonnes manières sont remises à une date ultérieure, car la vie est courte. Les Gilets jaunes, c'est ça qu'ils voient : leur vie est courte, et elle n'a pas encore commencé. Ils s'impatientent, et je comprends cette impatience. Et puis, merde, ils sont détestés de BHL et de Kassovitz, et ça, ça compte double.