vendredi 26 septembre 2008

Le Réel et son double (2)

« L'homme numérique moderne est finalement l'être le plus créatif dans toute l'histoire de l'humanité. »

Voilà ce que ces crétins numériques croient pouvoir affirmer sans un clignement de paupière, sans s'étrangler de rire, sous l'œil attendri d'Isabelle Giordano, sur ARTE. Le pauvre type qui récite son catéchisme est Gerfried Stocker, le directeur artistique d'Ars Electronica, "un musée, un laboratoire expérimental, et un festival annuel dédié aux arts numériques". Ces gens, qui n'ont bien entendu jamais été des artistes, ne sont plus des humains. Je ne sais pas pourquoi on a cru bon de les laisser sortir de leur asile.

ARTE, ou la grande tartufferie de la Kulture.

Je veux m'adresser aux maquilleuses du plateau : Mesdames, qu'est-ce que cela fait de maquiller ces créatures ? Avez-vous eu peur ? Avez-vous droit à une prime spéciale pour approcher ces "créateurs de contenu" ? « Créateur de contenu », « producteur de contenu », il faut entendre toute la beauté de l'expression, toute la poésie de la chose… L'Homme, jadis, était lui aussi un "producteur de contenu". Vous savez, la chose dont il allait se débarrasser chaque matin, dans un lieu clos, dans ce lieu où même les rois vont à pied. L'Homme, jadis, n'était pas fier de produire ce contenu, et il estimait de son devoir élémentaire d'Homme d'aller vite s'en débarrasser, unplugged, sans en faire un plat. La logique de l'homme numérique, toute différente, il faut la chercher aux chiottes, ou dans les jardins du château de Versailles, ou chez Sotheby's, en ce moment. Mais je vous préviens : la merde, aujourd'hui, ça vaut de l'or.

Producteurs de contenu, ne tirez plus la chasse !

mercredi 24 septembre 2008

L'enfance de Georges (1)


Georges n'a pas toujours été vieux. Il fallait le voir traverser la campagne sur sa Chopine, les cheveux au vent, rasé de près, l'œil pétillant et le dos droit. Quand il arrivait sur la place du village, toutes les filles, toutes les filles étaient là, bruyantes, parfumées, rouges de plaisir, effrayées à l'idée qu'il descende de cheval. En ce temps-là, Georges ne s'appelait pas Georges. On l'appelait René.

Et pourquoi donc appelait-on Georges René ? Parce que pour naître il a dû s'y reprendre à deux fois. Ayant fait une première tentative en 1944, il n'avait pas réussi à dépasser les deux premières années d'une vie qu'il avait partagé avec Emmanuel, jusqu'à ce que la bonne le mette bêtement dans son lit de tuberculeuse.

mardi 23 septembre 2008

Torpedo afternoon

Chérie, n'en veux pas à Georges. Non, n'en veux pas à Georges d'avoir mis ta photographie sur son blog. Ce n'est pas la peine de lui en vouloir, Chérie ! Je t'assure, ça n'en vaut pas la peine. On appelle ça de l'illustration, tu vois. Souviens-toi, Chérie, quand nous étions enfants, il y a bien longtemps, on nous disait : "Un croquis vaut mille mots." Je sais bien que tu es pudique, je sais bien que tes seins, tu ne les montres qu'à Georges, mais, Chérie, mets-toi dans la peau du blogueur qui a une information à transmettre, une information de la plus haute importance. Tu me connais, Chérie, si ce n'était que moi, j'aurais expliqué, j'aurais pris le temps d'expliquer, avec des mots, avec des phrases, de quoi je voulais parler. Mais tu connais les blogueurs, toujours pressés, toujours zappant du clic, sur leurs planches à revêtement Téfal, ils n'ont pas le temps, les pauvrets, de comprendre, alors Georges, toujours serviable, pour ne pas les retarder dans leur course, Georges leur "fait un croquis". On appelle ça "illustrer son propos". Tu comprends, comme ça on gagne du temps. "Torpedoes", avoue que c'est joli, et que cette photographie illustre à merveille le propos de Georges ! Allez, Chérie, souris-moi, je te jouerai Dedicatoria, de Granados, si tu me pardonnes.



Et nous ferons comme hier comme toujours, nous jouerons à ne pas nous connaître, à ne jamais nous être rencontrés, et je te dirai, dans la rue du Pont sans besoin, devant la fontaine, vers la fin du jour, Oh, Mademoiselle, que vous avez de jolis seins, et toi, comme cent fois, tu me répondras, Monsieur, c'est vrai, Monsieur, mais si je vous les montre, c'est parce que l'eau sous les ponts a coulé depuis que nous ne nous connaissons pas, c'est ainsi et pas autrement, pierre qui roule n'amasse pas mousse, et moi, soulevant mon chapeau, je répondrai À la bonne heure, et ravi d'avoir pu vous rencontrer, Mademoiselle.

dimanche 7 septembre 2008

Dernière minute : La Culture vient d'être assassinée !


(Quelle bonne nouvelle !)


On vient d'apprendre, de source sûre, que La Culture a été victime d'un fou furieux, qui a vidé son blog sur elle, à cinq heures, au moment où elle sortait prendre le thé, en compagnie de MM. Lang, Joey Starr et Jean Voguet. Transportée d'urgence au Val de Grâce, elle n'aurait pas survécu à ses nombreuses plaies, dont l'une sans doute fut fatale, la plaie des blog.

Immédiatement, une cellule de crise a été mise sur trois pieds, cellule à laquelle participent bien névidemment les grands tracteurs du CimerMonde, on aura reconnu Carole Bouclée, Emmanuelle Bélard, Albert Jajart, Guy Dedos, Charles Sterling, Ariane Touchkine, Juliette Bidoche, Vanessa Parasol, Yannick Nokia, Muriel Bourin, Josiane Bamako, Richard Burninger, Jane Bikini. Ces grosses pointures de la morale ont voulu donner leurs organes, et même leur avis, et l'on a assisté à une surenchère de générosités à faire pâlir l'Abbé Fier : c'était à qui donnerait ses globules rouges, ses plaquettes de frein, son sérum La Ruche Posay, son haleine Chammel, sa transpiration inodore, sa diction, une rate impeccable, sa collection complète de Virginie Despentes, un foie normand encore en état bien qu'un peu éméché, un regard éperdu, une dizaine de dents tout juste implantées, une réplique de Cédric Klapisch, un iPod garni, deux poches de silicones garanties à vie, des cheveux en veux-tu en voilà, des tags encore frais, des anneaux clitoridiens à peine portés, et même une paire de Lobb neuves. Malheureusement, les médecins étaient formels, ce n'est pas avec ça qu'on pourrait la tirer d'affaire ! Celui qui a déjà reçu des éclats de blog en pleine face nous comprendra. D'autant qu'il ne s'agissait pas de n'importe quel blog, mais du blog… de Georges de La Fuly !

On avait fini par ne plus le craindre, on avait fini par penser que ses rodomontades et ses éternels grognements de 11h11 ne faisaient peur qu'à lui-même, que ses diatribes enflammées se s'adressaient qu'à un cercle très fermé qui n'entourait que lui… Mais Georges a tenu parole ! Que ne l'a-t-on écouté, lui qui avait toujours proclamé haut et fort qu'il allait en finir avec La Culture ! Depuis la grotte percée d'où il émettait ses utwas, il avait depuis longtemps pris La Culture pour cible. Mais celle-ci, persuadée de son immortalité axiomatique, n'avait jamais daigné accepter les gardes du mort que le CimerMonde lui avait pourtant instamment recommandés. UnaTomber n'a de cesse de ressusciter, et, à chaque fois qu'un obus tombe dans le carré des pseulos, comme il appelle drôlement son QG souterrain, on le voit sauter en l'air… de joie ! Georges est comme Vlado Poutin, il fait ce qu'il dit, mais il ne dit pas toujours ce qu'il fait.

À l'heure où je vous parle, en direct de la chapelle ardente qui a été dressée en catastrophe dans les jardins de l'hôtel particulier de La Culture, "L'Afriche", dans le onzième arrondissement de Paris, on peut voir une foule déjà dense se presser, malgré le froid et la pluie. La Tristesse est là, mais elle s'est fait accompagner de l'Espoir et de l'Utopie, et le trio, habillé par Karl McQueen, a grande allure, en un ensemble de sacs de jute incrustés de baies de coriandres fourrées d'un zest de prophylaxie citoyenne. Mais j'aperçois une grande dame, Madame Solidarité active, au bras de George Cloné, suivie de près par la Sirupeuse, dont on connaît les toiles révolutionnaires, brunes et blondes mousses de houblon dont la matière et l'imaginaire sont sans égales dans la production contemporaine. Klaus Sanpapier, toujours élégant, en shorts de soie sauvage et bottines rouges, trottine à ses côtés. Mais quelle est cette musique grandiose qui s'élève à présent, solennelle et subtile, aérienne et durable ? Jean-Michel Amphore, naturellement ! C'est lui, lunettes noires et figure attristée, aux commandes de ses machines multicolores et polyphoniques, qui délivre un grand message de paix, d'amour et d'espoir, accompagné de ses huit mille choristes de toutes les nationalités, qui s'avance, sur un char gigantesque décoré de symboles orientaux et berbères. Assis à côté de lui, le grand Zinedane Bisous, le regard noir, le cheveu rare. Je ne peux plus suivre, il en vient de partout, on me dit au casque que Sœur Sourire ne devrait plus tarder, et que Monseigneur Fayot est en route, sur son vélib. Quel festif, quel émotif, quel démocravie aux accents tousensemble on va dire !!! Quel granmoment, quel lien lié de liant, quel étonnant étonnement dépassant les clivages, fédérant les énergies, rassemblant les ressemblants de mémoire !!!

Pendant ce temps, d'importantes forces de police encerclent le Carré des Pseulos, la GUIGNE, le RAIDI, la Garde Culturelle, les Bobos Éclectiques, sont en état d'alerte maximale et prêts à se sacrifier, peut-être même à être blessés dans le feu du combat, et l'on voit de simples citoyens s'armer de boules de Noël…

… mais je dois rendre l'antienne, pour la plub. À pusse !

(Pour Madame Fanny Seguin)

lundi 1 septembre 2008

Le Cercle


Fondamental : La vie est entourée d'un cercle au-delà duquel l'homme ne peut aller, et qui le protège de la nuit et du vide. Sur cette image, il est encore là…