samedi 17 août 2013

Petit portrait en prose (4)



Elle traverse la vie les yeux grand fermés. Plus elle cherche moins elle trouve, évidemment. Elle était belle, très belle, mais la nuit est en train de se refermer sur elle, de ternir sa peau, de déposer une fine couche de poussière sur sa bouche. Son silence était lumineux, vibrant, doré, musical ; il n'est plus qu'absence de parole. À force de ne pas se servir de ses yeux, ceux-ci ne voient plus, à force de laisser son intelligence dans un demi-sommeil, celle-là s'est tout à fait endormie. De l'attente qu'elle avait creusée en elle n'est rien venu que l'attente creuse, durcie et douloureuse.

On voit immédiatement que l'Attention est le mal de certaines femmes, c'est-à-dire le manque d'Attention. Elles ne comprennent pas comment fonctionne leur vie car elles ne savent pas prêter attention, faire attention, porter attention, focaliser cette attention sur ce qui les maintient en vie, c'est-à-dire les interstices entre les choses et les êtres, les espaces par où l'absence de l'un est porté à la connaissance de l'autre. Ces femmes-là ont un corps souvent admirable, mais elles ne l'habitent pas, elles ne savent pas s'en servir, ni le servir. Le Temps est pour elles un grand mystère, qui finit par les broyer au lieu de les magnifier.