dimanche 4 août 2013

Présence



Après un mois de Boulevard Voltaire, je crois que je vais finir par être plus davoudien que Davoudi. Les commentaires qui se lisent sur ce site sont affreusement déprimants. La bêtise s'y étale avec tellement d'aplomb et de contentement qu'elle décourage toute velléité d'empathie (même modérée). Pour faire de la politique, il faut avant toute chose abdiquer une grande part de son intelligence, de sa sensibilité et même, chose peut-être plus surprenante, de sa morale. 

Au-dessus de ma tête, les cigales sont déchaînées. Jamais auparavant je n'avais entendu pareil concert. C'est comme si l'on avait un casque sur les oreilles, un casque dans lequel le cri du monde était enfermé, hérissé de mille pointes métalliques.

Vendredi dernier, à l'abbaye du Barroux, entré comme par effraction dans l'église. Des moines étaient là, en prière, et il était difficile de ne pas se sentir de trop, voyeur, intrus, parasite. Des années et des années que je n'avais ressenti pareil émerveillement devant la beauté presque irréelle de la prière catholique. Ils entraient, seuls ou par petits groupes, s'agenouillaient, pendant que d'autres se levaient et sortaient après une dernière génuflexion devant l'autel. Pas un bruit, presque pas un son. Les quelques personnes, toutes jeunes, étrangères à la communauté, qui se trouvaient là, en prière elles aussi, étaient plus silencieuses encore que les moines. Au fond de la chapelle un Christ vêtu, magnifique, coloré, étendait sur l'assemblée sa paix surhumaine. Très vite, j'ai cessé de me sentir spectateur adventice, et tout mon être a plongé, corps et âme, dans une béatitude active. Dans des moments comme ceux-là, on comprend que les moines sauvent le monde en s'en retirant, et qu'il n'existe sans doute pas d'autres moyens que l'absence et le silence pour nous faire aimer à nouveau — c'est-à-dire connaître — ce qui nous fut transmis par ceux qui nous précédés ici-bas. La présence réelle est une sous-catégorie de l'Absence, c'est ce que mon corps comprend (sait) de mieux en mieux. 

En Toi, par Toi, dans les siècles des siècles, je voudrais renaître et oublier celui que je fus et suis encore.