jeudi 15 août 2013

Petit portrait en prose (3)



« J'ai bien compris ! » est l'une de ses phrases favorites. Elle n'intervient que dans un but, un seul : montrer combien elle est intelligente, fine, pleine d'esprit, mordante quand il le faut, sensible quand il le faut, c'est-à-dire très rarement. Le moindre de ses sourires est fendu d'une rangée de dents gâtées. Elle est d'une rare malhonnêteté intellectuelle, et c'est sans doute le seul trait de son caractère qui pourrait la rendre sympathique, car cette impossibilité chronique à assumer ce qu'elle est et ce qu'elle dit trahit à l'évidence une extrême faiblesse ontologique, un désarroi profond, dont on sent bien qu'ils requièrent d'elle une tension permanente et épuisante à ne pas se montrer.

L'Internet a peut-être rendu possible cette nouvelle race de femmes qui, ne pouvant briller par la courbe de leurs hanches, le potelé de leurs bras, l'assurance de leurs cuisses ou la beauté de leur visage, ont trouvé dans les réseaux sociaux un miroir actif dont les reflets indulgents et insensibles aux années et à la pesanteur leurs donnent un semblant de seconde vie qui les vengerait, croient-elles, de la première, c'est-à-dire celle qu'elles n'ont pas vécue. On les aimerait volontiers si elles avaient la noble simplicité de ne pas nous prendre pour des aveugles qui confondent la fiente et l'esprit qui vole. Quand on va répétant "j'ai bien compris", alors qu'à l'évidence on ne comprend rien à rien, arrive un moment où le miroir reprend ses droits et ses devoirs, et rend l'écran inopérant à cacher l'évidence.