mardi 16 juillet 2013

Les Mains propres


Le vrai travail a été en effet dévalorisé en occident au profit du "créatif " en bureau, du publicitaire, du communiquant, de l'artiste sans métier et j'en passe (une pensée émue pour Orimont au passage). Même la recherche scientifique ne fait plus recette auprès des nouvelles générations, à l'exception de la sociologie, et pour cause ! Ne parlons pas du travail manuel, qu'il soit le fait d'artisans ou d'ouvriers en usine, apanage de la culture populaire, totalement méprisé depuis 68. D'ailleurs les ouvriers ne travaillent plus guère avec la direction ni le bureau d'études comme hier, ce qui favorisaient des rapports humains et souvent d'estime entre les uns et les autres. Mon cousin, aujourd'hui à la retraite, directeur général de Saint-Gobain, me racontait à quel point il admirait le savoir-faire de certains ouvriers et le plaisir qu'il avait à les regarder opérer et à les faire parler de leur travail. Aujourd'hui ils ne se voient plus, ne se connaissent plus, ne se parlent plus. Les travailleurs manuels, au sens large du terme, sont les soutiers de la société laquelle ne leur est plus reconnaissante de rien. Pas étonnant que cette société-là soit en phase avec l'islam lequel abhorre le travailleur manuel, le besogneux qui gagne son pain à la sueur de son front, sa sympathie n'allant qu'au marchand, au lettré (en religion), au poète de cour hier, voire à la rigueur au médecin, c'est-à-dire à ceux qui gagnant leur vie sans effort et sans se salir les mains et en imposent par leur belle apparence, à une exception notable près : le guerrier. Les uns ont pour eux leurs mains blanches, l'autre ses mains teinté du sang des mécréants mais aucun n'a les mains "sales".



Ah, les "créatifs", quelle sale race en effet ! Par effet de contraste, ils me rendent fier d'appartenir à celle des musiciens. Les créatifs croient créer, inventer, alors qu'un véritable artiste ne fait que révéler (dé—couvrir) ce qui le traverse à un moment donné, ce qui se montre, ce qui monte à travers lui. Il ne choisit pas. Dieu crée, les hommes ne font que trouver, retrouver, rappeler à eux les motifs que Dieu a laissé tomber de son génie, les ordonner, les débarrasser de la gangue opaque qui les entraîne vers la nuit des temps. Un musicien travaille de ses mains au moins autant que de son esprit. Il aime ses outils, ses instruments, les respecte, les entretient, les protège. Finalement, un compositeur a plus à voir avec un peintre qu'avec un écrivain, même s'il s'exprime avec des phrases. Un compositeur qui ne serait pas instrumentiste ? Ça doit exister, bien sûr, mais c'est très rare (sauf dans la "musique acousmatique", et ce n'est pas un hasard). Il y a de l'artisan chez le musicien, comme chez le peintre. "Faire sa technique trois heures par jour"… ! quel écrivain aurait l'idée saugrenue de "travailler", en ce sens-là ? J'aime que le mot "technique" veuille dire quelque chose pour un musicien, comme pour un peintre, comme pour un ébéniste ou un danseur. Qu'est-ce que la technique, si ce n'est la reprise inlassable du problème de l'art, de la manière dont il peut parfois se frayer un chemin jusqu'à nous, avançant entre les rocs coupants de la maladresse humaine ? 

Regarder un ouvrier travailler ? En effet, plus personne ne fait ça, sauf dans ces reconstitutions muséales qu'adorent les festifs dégénérés qui ont besoin qu'on leur explique que le lait sort du pis des vaches et qu'on peut faire de la musique avec autre chose que des ordinateurs et des platines. N'importe quoi, la plomberie, la menuiserie, la maçonnerie, la peinture, la danse, la percussion, peu importe. Regarder un ouvrier travailler, j'ai adoré le faire, quand j'étais enfant. Ça me donnait des frissons, je me sentais dans une espèce d'état second que j'ai longtemps associé au plaisir. Ce qui compte, c'est la qualité du geste, l'attention, l'efficacité sans l'effet, l'enchaînement des états du corps et de l'âme qui rendent possible un travail bien fait, la tension mentale et physique en vue d'une résultat tangible, palpable, vérifiable, et si possible beau. Mais le "vérifiable" est très important. Se demander si ça fonctionne ou pas, si c'est juste ou pas, si c'est réussi ou raté… Dans bien des occasions, dans la plupart des occasions, le juste coïncide avec le vrai, le réussi avec le beau, comme dans le cas, emblématique pour moi, de la course à pied.

La musique est faite d'une succession de tensions et de détentes. C'est en grande partie l'harmonie qui prend en charge cette manière de se mouvoir dans le temps, d'avancer le long de cet axe souple (un peu à la manière d'un reptile), bien plus que le rythme. C'est l'énergie crée par le passage de la tension à la détente, ou l'inverse, qui fait que la musique avance. Quand le mouvement harmonique est juste (c'est-à-dire nécessaire), les gestes semblent naturels, et la matière mélodique peut s'épancher comme elle l'entend elle-même, parce qu'elle respire à l'intérieur d'un pays qui est le sien. "Harmonie" est un mot sur lequel il faut se pencher très longuement. Ce n'est pas pour rien que des milliers de traités ont été écrits sur le sujet. Le "vrai travail" est harmonie, ou l'harmonie est un vrai travail. De Machaut à Bruckner, quel trajet fabuleux, quelle aventure philosophique et métaphysique ! Tous ces grands musiciens ont été des ouvriers, dans le plus beau sens de ce mot, tous se sont salis les mains, ont étudié les mille manières d'aller de la tonique à la tonique, et d'une tonique à l'autre. Et ce n'est pas Schoenberg qui me démentira, lui qui était le plus ouvrier des musiciens. 

lundi 15 juillet 2013

Not to eat ! (ou Débranche-toi Meydina)


Enfin un mort par iPhone. C'est pas trop tard ! L'hôtesse de l'air attrape son joujou qui est en charge et meurt électrocutée. Il devrait y en avoir des dizaines, des centaines, des milliers, de morts par iPhone. En réalité c'est bien le cas mais on ne le sait pas. Ils sont tous à demi-morts, ou aux trois-quarts, les iPhoneurs, mais leur sarcophage numérique se situant à des années-lumière de nous, on ne le vérifiera que dans quelques années. Ceux qui jadis se morfondaient aujourd'hui se moriphonent. Vous croyez regarder une video cochonne de votre petite amie en stage entreprise dans l'Aveyron ? Elle a explosé en vol entre la galaxie du cygne et le col de son utérus. 

« Où t'es, grosse pute ? » ainsi s'apostrophent les moriphoneurs. « Ben chuis là gros PD de ta mère la pute ! », qu'ils se répondent aimablement. Nous avons followé Meydina Touite, une étoile montante de l'ifonosphère. On peut estimer à sa carte des watts qu'elle est morte depuis six mois à peu près, bien qu'elle l'ignore encore. C'est toujours après le décès que le touiteur atteint son apogée, aussi est-elle près de son acmé juvénile, notre charmante Meydina. 

Ulysse serait-il rentré à Ithaque, s'il avait été en possession d'un iPhone 5s ? Tu penses bien que non ! Il aurait envoyé des vidéos à Pénélope, vidéos préalablement retouchées avec Photoshop pour faire disparaître Calypso et toutes les autres grâce au filtre magique de la version 6. Elle le voit en plein colloque sur le genre, sur l'écologie maritime, sur les derniers cyclopes, sur la science des rêves, elle trouve qu'elle un mari vraiment cool et elle se remet à son tricot pendant que Sapho la filme en train de faire le grand écart devant sa baie vitrée. « Mon Ulysse, prends ton temps, ici tout va bien, le chien a eu la diarrhée mais sinon c'est OK. Éclate-toi ! C'est pas tous les jours qu'on peut se payer un voyage comme ça ! Moi je me suis remis au Latin, tu sais que je crains l'Alzheimer ! » (Pénélope n'aime pas les Web-cams.)


dimanche 14 juillet 2013

Bleu, blanc et rouge


Donc, si l'on comprend bien, dans la France de 2013, la France de Hollande, on se fait contrôler par la police si l'on est porteur d'un… drapeau français

Je crois, je suis même sûr, que ce petit détail amusant fera beaucoup parler de lui dans les mois et les années à venir, et qu'il contribuera plus que bien des discours, des images, et des idées, à expliquer ce qu'est devenu ce pays et ce qui arrive à une vieille nation qui fut naguère la nôtre.


Jacques le musicien


« Qu'est-ce qui t'arrive, t'es aveugle ? »

Il s'adresse à un professeur qui arrive au conservatoire avec des lunettes de soleil. Je l'ai aimé pour ça, pour ce genre de remarques. Pas seulement. Après une carrière internationale de flûtiste, il avait ce tout petit bureau, si modeste. Une simple planche posée sur des tréteaux. On était toujours dans la pénombre, dans son bureau. Quelques livres sur les étagères, ses boîtes de flûtes, ses pipes, quelques reproductions de peinture soigneusement choisies. Un directeur comme ça, c'est extrêmement rare. 

Je n'ai jamais supporté les gens qui se font prendre en photo avec des lunettes de soleil. C'est à peu près du même ordre que quelqu'un qui vous parle en mâchant du chewing-gum, la bouche entr'ouverte. 

Le matin, il faisait ses deux heures de grec et de latin, quoi qu'il arrive. 

J'aimais beaucoup qu'il me raconte la vie à Cuba. Les maisons des stars de cinéma, abandonnées précipitamment. Il avait été logé dans celle de Kim Novak, je crois, à moins que ce ne soit celle de Joan Fontaine, il y avait encore les draps de l'actrice dans sa chambre à coucher. L'orchestre national sans piano. Il avait fallu aller en chercher un dans une de ces somptueuses villas du bord de mer. Les instruments manquants ou presque inutilisables tellement ils étaient abîmés. Le matériel d'orchestre aussi manquait souvent.

Je l'ai aimé parce qu'il m'a appris à écrire. Chaque fois que je devais écrire quelque chose, même un texte insignifiant, pour un programme de concert ou quelque chose de cet ordre, j'avais droit à des engueulades mémorables. « Tu ne sais pas écrire français ! » « Ça ne veut rien dire. » Il avait raison, bien sûr. Il avait toujours raison, même quand il m'agaçait prodigieusement, surtout quand il m'agaçait prodigieusement. Il m'installait chez lui, et j'avais une copie à rendre une heure plus tard… Je l'ai aimé parce qu'il m'a écouté jouer, vraiment écouté. Il n'était pas obligé. Je l'ai aimé parce qu'il m'a fait confiance, et surtout parce que sans lui je n'aurais pas lu, ou si peu. Il me faisait honte. Tu n'as pas lu ça ? Ça non plus ? Mais comment est-ce possible ? C'était le genre à intégrales, lui. Quand il commençait à lire un auteur, il lisait tout, du début à la fin. Et puis il recommençait. 

Il écrivait, aussi. Très bien. J'ai rarement lu une aussi belle langue. Ni classique ni moderne. Complètement hors l'époque. Aucun maniérisme, aucune pose, tellement au-dessus de tout ce qui se fait actuellement.  Il n'avait jamais envoyé quoi que ce soit à un quelconque éditeur, il le faisait pour sa femme, mais j'ai eu la grande chance de lire un peu de ses manuscrits magnifiques. Il racontait, avec une précision splendide, son enfance pauvre en Bretagne, la guerre, les bombardements, la venue à Paris, à pied, pour entrer au conservatoire. « Tout est vrai. » C'était très important pour lui : ne rien ajouter, ne rien enjoliver, ne pas mentir. Une mémoire prodigieuse, qu'il cultivait, patiemment. Mallarmé, Debussy, une certaine forme de génie très français, et une intransigeance de paysan. Une culture historique impressionnante, l'amour de la philosophie, qu'il avait étudiée seul, en autodidacte. Il écrivait de la poésie, un peu trop mallarméenne à mon goût, mais pleine d'éclats merveilleux. Il avait été beau comme un dieu, extrêmement séduisant, ma mère était sous le charme. 

Quand Richter est venu en France pour la première fois, c'est lui qu'on avait désigné pour repérer les fautes du Maître, pendant le récital. Il était en coulisse, avec la partition, et il était chargé de faire des croix là où Richter accrochait, afin qu'on puisse éventuellement corriger quand on en ferait un disque, le concert étant enregistré. Je n'aurais pas aimé être à sa place. J'ai joué avec lui, quelques rares fois, et j'ai même écrit de la musique sur un de ses textes. Mais je me rappellerai surtout les très nombreuses soirées où il m'invitait chez lui, et où j'étais toujours reçu comme un roi, après quoi je rentrais chez moi tant bien que mal, tellement nous avions bu.

Ne pas mentir. Affronter l'adversité. Ne jamais avoir peur. Bien longtemps qu'il avait rendu sa carte du Parti communiste. Il avait dû se battre contre eux, par la suite. Il les avait fait plier, à plusieurs reprises. Ils en avaient peur. Le laissaient tranquille pour cette raison. Il ne craignait pas de passer pour ce qu'il n'était pas, il en rajoutait même un peu. Tant pis pour les cons. Il avait souvent dû se battre, alors il croyait qu'il fallait continuer comme ça, jusqu'à la mort. Souvent, on arrivait au conservatoire avec la peur au ventre. Ouverte, la porte de son bureau, ou fermée ? C'était un roi, souvent de mauvaise humeur, presque toujours. Je me rappelle une soirée chez moi que nous avions passée, presque entièrement, à  nous engueuler. Il ne s'avouait jamais vaincu. Même s'il avait tort.

Je crois que ce qui nous a réunis est vraiment ce qu'on a le droit d'appeler l'amour de la musique, un amour bestial, un amour d'animal blessé qui ne peut s'empêcher de revenir et revenir encore à la douleur aiguë qu'il a éprouvé au commencement. Je réalise aujourd'hui que les quelques uns qui ont été des pères pour moi avaient tous en commun cette sensibilité hors du commun, presque maladive.

Nous avions des goûts très opposés, sauf pour les grands chefs-d'œuvre. Le 21e de Mozart, le Pâtre sur le rocher de Schubert, les quintettes de Mozart, la 9e par Furtwängler, la 6e partita par Gould, et puis Schumann, évidemment, qu'il avait étudié au conservatoire avec Marcel Beaufils. Je n'ai jamais osé parler de Pelléas avec lui. J'aurais eu l'impression d'entrer par effraction dans son intimité. Il jouait Syrinx comme personne.


samedi 13 juillet 2013

Sirop d'orgeat



Dire qu'aujourd'hui je pourrais peindre avec du sirop d'orgeat qu'on n'en vanterait pas moins le brillant de ma peinture ; mais il fallait voir la sale couleur que j'avais sur ma palette, à l'époque où déjà les gens me traitaient de révolutionnaire ! Je puis dire, du moins, que c'était sans enthousiasme que je nageais dans le bitume ; j'étais maintenu dans cette voix par un marchand de tableaux, le premier qui m'ait donné des commandes. Bien plus tard, je devais avoir l'explication d'une telle passion pour la peinture noire. Au cours d'un voyage en Angleterre, j'avais fait la connaissance d'un amateur qui disait avoir un Rousseau… M'ayant emmené chez lui, il me fit entrer dans une pièce en marchant sur la pointe des pieds, par respect pour l'œuvre du maître, et, ayant soulevé un voile qui cachait un grand cadre, il me dit en baissant la voix : « Regardez !… »
 « — N'est-ce pas un peu noir ? » risqu'ai-je, en reconnaissant un de mes anciens produits. Mon hôte, réprimant un sourire devant mon manque de goût, se lança dans un tel éloge de sa toile que je ne pus m'empêcher de lui dire que j'en étais l'auteur. Ce qui suivit me vexa un peu. Le brave Anglais changea subitement d'avis sur la beauté de son acquisition. Il ne se gêna pas pour accabler, devant moi, de malédictions, l'effronté voleur qui, en guise d'un Rousseau, lui avait collé un Renoir… 
(Ambroise Vollard, En écoutant Cézanne, Degas, Renoir)

Le Choix


Il s'agit d'un commentaire posté sur un blog, d'un commentaire que je trouve particulièrement brillant, par sa concision et sa capacité à éclairer d'une lumière crue ce qui se passe dans le pays dans lequel je suis né.

Robert Marchenoir13 juillet 2013 13:41
La presse :

Nathalie Michel, du syndicat de police Alliance, raconte la scène : "A 17 heures 30, alors que nos collègues interviennent, ils voient un groupe de jeunes qui approchent et qui semblent porter secours aux victimes. Très rapidement, ils se rendent compte que ces individus sont présents pour dépouiller les victimes et notamment les premiers cadavres".

Le ministre des Transports :

Le ministre a fait état d'"actes isolés", d'"une personne interpellée", d'"une tentative de vol de portable" au préjudice d'un secouriste, de "pompiers qui, par petits groupes, ont été accueillis de façon un peu rude". Mais de "véritables actes commis en bande, non", a dit le ministre qui a ajouté qu'"à (sa) connaissance", il n'y avait pas eu "de victimes dépouillées".

Wikipédia :

Le jeudi 1er septembre 2005 au soir, des unités de la Garde nationale de l'US Army arrivent sur les lieux [des inondations de la Nouvelle-Orléans] pour empêcher les pillages, qui se sont généralisés, avec ordre de tirer pour tuer.

Alors ? Qu'est-ce que vous préférez ? Les valeurs de la République ? Ou la loi de la jungle de l'ultralibéralisme anglo-saxon ?

jeudi 11 juillet 2013

Jessica et la neutralité axiologique


« Merci, je partage. » LOL

« Je suis en train de faire caca. » PTDR

« Je vends mes culottes, portées. » :-)

« putain, fait chaud ! » :-(

« jessica, j'te kiffe, g le poireau dur com la tour FL !!! » :-/

« Merci, je partage. » LOL

« les feujs i son pa cools » :-¿

« Merci, je partage. » LOL

« mè c ki 7 meuf, j vè lui araché lé zieux, gros put ! » :((((

« Merci, je partage. » LOL

« L'exigence de neutralité culturelle c'est renoncer à toute culture et nier la supériorité de l'une sur l'autre. Comme l'agnostique qui, ne sachant si Dieu existe ou non, s'impose un scepticisme ontologique, faisant l'impasse sur la preuve de la non-preuve de son existence. L’aboutissement de sa philosophie est le nihilisme tout comme l'aboutissement de la logique de la wertfreit (neutralité axiologique) culturelle est la négation de la culturelle elle-même. »

« jessica, T la ? » ^^

mercredi 10 juillet 2013

La deuxième vie du Communisme



Passionnant document qui m'a fait comprendre une chose essentielle : que le principal travail de l'idéologie communiste (et son point fort) a été plus dirigé vers l'extérieur que vers l'intérieur. Je crois que nous sommes en train d'en mesurer les effets dévastateurs, avec un effet retard qui est terrifiant car le processus à l'œuvre échappe désormais même à ceux qui en ont conçu la mécanique. 

mardi 9 juillet 2013

Quelle connerie la guerre !


France-Cuculture ne se repose jamais sur ses lauriers ! Tout juste avait-elle terminé de nous pomper l'air avec Moustaki qu'elle s'attaque à Barbara, qui, dans l'ordre du mauvais goût, surclasse le Grec avec une grandiose tranquillité. Barbara et sa modulation à la seconde mineure, ou majeure, cette atroce manie qui la signale à des kilomètres. Dès que j'entends ce type de modulation, c'est plus fort que moi, je cours me laver les dents. C'est comme un tic de mauvais écrivain qui croit par là avoir du style. Il y a des tics qu'on se voit faire, et ce sont les pires, mais qu'on ne peut s'empêcher de faire. (Quand je suis en voiture, après quelques kilomètres, je vérifie que le frein à main n'est pas mis, alors que je sais parfaitement qu'il ne l'est pas, et, ce faisant, je revois mon frère aîné en train d'exécuter ces mêmes gestes, et nous de nous moquer de lui…) Mais tout, chez Barbara, est de mauvais goût. Sa voix, son timbre et sa technique, ses paroles, ses musiques, ses mélodies ampoulées et faussement ingénues, sa manière d'entrer en scène, son maquillage, sa "poétique", et ses spectateurs énamourés et séniles. À tout prendre, je préfère, et de loin, le public de Claude François. Le Grec, je crois, ne se prend pas vraiment pour un poète, alors que "la femme en noir"… Brassens était sympathique, Brel aussi, Ferré était intéressant, quant à Trenet, on a déjà eu l'occasion de dire que c'est un génie de la chanson comme il y en a un ou deux par siècle. Mais cette espèce de sirop pour la toux pour mèmères asthmatiques et pâmées et leurs fils traînent-la-patte, alors ça c'est le bouquet. M'étonne pas que Mitterrand l'ait adorée, ce navet spongieux trempé dans une décoction de rimes riches. M'étonne pas que Prévert ait écrit un poème qui porte son nom, qu'on avait étudié en quatrième au lycée et qui nous servait surtout à draguer les filles sans faire le moindre effort d'imagination. 

Barbara, avec sa gueule de mes tics, est pour moi ce qui se fait de pire dans le domaine inépuisable du toc français pompier et m'as-tu-vu, et je crois bien qu'elle approche de très près les quatre garçons dans le vent, sans toutefois parvenir à les détrôner de leur inaltérable piédestal de pompeux pseudo-en-croûte.  Heureusement que nous ne sommes pas anglais !

Wikipedia est intraitable, quand il s'agit de savoir en une phrase tout ce qu'il y a à comprendre d'un "artiste" : « Sa poésie engagée, la beauté mélodique de ses compositions et la profondeur de l’émotion que dégageait sa voix lui assurèrent un public qui la suivit pendant quarante ans. » J'crois qu'c'est clair ! comme dirait l'autre…

1/4 (rap)


Seulement ? C'est atrocement atroce ! C'est une honte ! Nous sommes montrés du doigt par l'Internationale Communautaire. Nous allons être mis au banc public des rations. La France, pire que l'Afrique du Sud, pire que la Suisse ! Heureusement, les François sont là, qui disent la messe et communient, au nord et au sud, à l'est et à l'ouest, les François ont compris, les François veulent PLUS, et ENCORE, ils disent : Nous avons mangé notre pain blanc, repentons-nous, mangeons du noir, du gris, du jaune, du rouge, la couleur nous sauvera, vive Mandela, Paëlla, Harissa, Fatima, plus et encore, encore et plus, vite et plus vite, ouvrons nos bras, nos bras arrachés, coupons les bébés en deux, partageons, likons, échangeons, nageons, plongeons, rapons, c'est la Grande Fête à ballons, à fond, donnons nos filles, plus et encore, respect mon Frère, je t'ouvre mes bras arrachés, et les cuisses de ma fille, enfantons, pillons, on va partager la poubelle, à fond si t'as pas dîné on va vomir, dans le même lit nous inventons la vie en quatre-quart pourtousse mais oui la vie on rit !

Ah ah ah !

samedi 6 juillet 2013

Cortège


La chose s'est abattue sur moi sans crier gare, rien ne me préparait à cette émotion suffocante. C'est Robert Redeker qui a déposé sur sa page Facebook un lien conduisant à un reportage sur Marie Noël. J'ai regardé ces quelques images, datant de 1959, sans prêter attention au fait qu'elles allaient se terminer par une récitation, celle d'Office pour l'enfant mort, par Madeleine Robinson.

« Elle est le seul poète à m'avoir bouleversé depuis une vingtaine d'années. » disait Montherlant de Marie Noël. En entendant ce poème merveilleux (au sens ancien de merveilleux : terrible, terrifiant) et si doux, d'une douceur formidable, j'ai été saisi par je ne sais quel fer brûlant qui m'a transpercé l'âme et la chair. Le seul poète à m'avoir bouleversé depuis vingt ans ? Sans doute pas, mais il me faut bien admettre que cette puissance, cette force, ce déchirement, j'ai du mal ce soir à en trouver un équivalent dans les poésies que je lis et que j'aime d'ordinaire. La beauté inouïe de cette poésie tient à ce que rien dans ses mots, dans ses phrases, dans sa forme, et même dans l'idée qui en sous-tend le propos, absolument rien ne prépare à la violence avec laquelle elle va nous atteindre, nous atteindre sans aucun détour, avec la simplicité presque brutale de l'innocence. C'est une beauté incompréhensible, sans fard, sans séduction et sans calcul, une beauté qui doit tout à la vérité et rien à l'artifice.

Je me demande maintenant si, lisant ce même poème au lieu de l'écouter, j'aurais ressenti la même émotion. Il y a une forme de poésie sur laquelle nos yeux désormais glissent, discréditée par tant et tant de poètes qui nous ont éblouis, par une forme de virtuosité dont la séduction toujours renouvelée a occupé une grande partie du siècle dernier. Il est tout de même très étonnant, pour quelqu'un qui comme moi vénère Mallarmé, par exemple, de se faire soudainement la réflexion qu'on donnerait volontiers la moitié de tout ce qu'il a écrit pour cette unique poésie de Marie Noël. Par quoi nous empoigne-t-elle avec cette autorité irrécusable ? Ou devrais-je dire plutôt m'empoigne-t-elle, car je sens bien qu'elle me parle directement, avec une voix que je connais, que je reconnais, et c'est cette voix singulière qui me bouleverse au plus profond. Marie Noël ne cherche pas à emprunter la voix des mères, de La Mère, elle trouve, sans chercher dirait-on, la voix de ma mère, et c'est cela le miracle.

Ce que j'entends, c'est un hurlement doux, la chair qui se déchire par amour. Si je n'avais pas peur du blasphème, je parlerais de Paul Desmond, et de sa douceur insupportable, mais c'est encore trop peu dire. Ce n'est pas son fils, qu'a perdu Marie Rouget, c'est son frère, le jour de Noël, et pourtant, ce qu'on entend dans ce poème c'est le hurlement d'une mère à qui on arrache son enfant. Les cercueils de quatre-vingt centimètres de long sont trop légers, je le sais. Ils ne s'enfoncent pas dans la terre, ils restent en travers des gorges, des ventres, comme des navires en perdition qui continuent à envoyer leurs signaux de détresse pour l'éternité. Le temps s'arrête alors, l'aiguille de l'horloge reste plantée là, comme une lame rougie et butée qui chaque jour fait son office atroce, sans lassitude et sans même de méchanceté, et c'est encore pire.

« Rentrez chez vous et grand merci !… » mais la mère reste là, jusqu'à sa propre mort debout, car elle a d'autres enfants qui lui réclament tout, et elle le leur doit, même en cet instant qui va durer toujours. « La sombre heure arrive à présent », qui va recouvrir toutes les autres d'un voile affreux, sans qu'elle puisse même se plaindre, s'arrêter et se couvrir de terre elle aussi. « Mais en vain le long du chemin Ont sonné les cloches, en vain » quand la mère suppliait, un jour sans médecins, pour avoir un peu de pénicilline, et puis même, cela ne l'aurait pas sauvé, cela n'aurait pas suffi… Et si Dieu non plus ne l'a pas voulu… que reste-t-il ?

jeudi 4 juillet 2013

La courgette et le danseur


« Le célèbre danseur Rudolf Noureev », pouvait-on lire en "commentaire" sous la photographie de celui-ci, quelque part sur Facebook. Oui, le célèbre danseur Rudolf Noureev, en effet. Mais c'est bien le commentaire qui paraît "surréaliste"… Et dans ce commentaire, l'adjectif "célèbre" paraît le comble du comble du bizarre. En sommes-nous vraiment là ? Si Noureev est "célèbre", ce qui me semble bien être le cas, est-il besoin de commenter en le nommant, alors même que son nom apparaît de toute façon au-dessus de la photographie ? Si Noureev est "célèbre", est-il besoin de commenter en précisant qu'il est danseur ? Si Noureev est célèbre en tant que danseur, est-il besoin de commenter en parlant d'un certain "célèbre danseur Rudolf Noureev" ? Bref, on a beau retourner les choses dans tous les sens, on ne comprend pas. Sur Facebook, et ailleurs, bien sûr, on se trouve soudain dans la situation d'un sauvage qui arrive à Paris et à qui l'on présente la "fameuse Tour Effeil de Paris", ou bien le "célèbre Arc de Triomphe" de la "plus célèbre avenue du monde". 

 On peut rire de la chose comme de l'une des centaines d'anecdotes amusantes auxquelles nous sommes confrontés chaque jour sur le web, mais il arrive aussi, à la caisse d'un supermarché, que la caissière vous demande de quoi il s'agit, lorsqu'elle doit peser une courgette ou une aubergine avant de vous la facturer. La première fois que cela m'est arrivé, j'ai cru à une plaisanterie, et j'ai répondu par une blague qui n'a pas fait rire du tout l'hôtesse de caisse en question (les sex-toys, elle connaissait, ça ne ressemble pas du tout à ça !). Elle n'avait jamais vu de sa vie des courgettes — ou alors sans y faire attention. Comprenant la chose, j'ai eu envie de lui parler des vaches, pour voir si elle savait d'où provenait la viande qu'elle voyait passer sous ses yeux chaque jour, mais quelque chose m'a heureusement retenu… Il est fascinant d'être mis face à face avec un adulte, blanc, français, titulaire d'un emploi (donc censément suffisamment instruit pour occuper ce poste), s'exprimant avec autre chose que des onomatopées, et ignorant le nom et l'aspect d'un des légumes les plus courants qui existe dans notre pays. Avide de sensations fortes, j'aurais pu entamer avec cette jeune femme une conversation sur le célèbre poète et romancier Victor Hugo, ou encore sur le célèbre compositeur allemand Ludwig van Beethoven, mais là encore quelque chose m'avertit mystérieusement de ne pas m'appesantir sur une question bien plus brûlante qu'elle n'y paraissait. Je lui demandai donc si par hasard elle n'avait pas un sac en plastique à m'offrir, ce qu'elle fit bien volontiers, sans doute pour me remercier de lui avoir appris le nom et l'utilité de la courgette.

Les sauvages n'existent plus (je parle des sauvages de musée, les sauvages d'avant Tristes Tropiques, indemnes de la civilisation occidentale, les sauvages sans portable, sans Internet, sans télévision), mais ils ont été remplacés par une autre sorte de sauvages, tout à fait modernes, branchés, hyper-connectés, touittant et tchattant, voyageant, votant, bloguant, mais vivant dans un monde totalement hors-sol, déconnecté de la réalité la plus concrète, de cette réalité complètement ringarde dans laquelle les légumes sortent de la terre et le lait du pis des vaches. Il faut bien admettre que la sauvagerie n'a plus rien à voir avec le progrès ou l'absence de progrès, la technique ou l'absence de technique, si ce fut jamais le cas, et même qu'elle a réussi à s'adapter parfaitement à la modernité la plus moderne. Il n'y a donc rigoureusement rien d'étonnant à ce que ces nouveaux sauvages soient des adeptes enthousiastes et intolérants de la pourtousserie universelle en passe d'être imposée sur la planète entière par des sauvages sortant de Sciences-Po.

vendredi 28 juin 2013

Chamboultou, même


On connaît l'œuvre de Marcel Duchamp intitulée le Grand Verre, dont le titre original est La Mariée mise à nue par ses célibataires, même. On sait peut-être moins que cette œuvre a été inspirée à Duchamp par une attraction de fête foraine, appelée "jeu du chamboultou", dans lequel on lançait des projectiles sur la représentation d'une mariée, dans le but de faire tomber un à un ses vêtements. 

Que l'avenir est lent à venir, trouvent les progressistes de tous bords, que le futur se fait attendre ! Ce sont les enfants qui sont toujours pressés d'être à demain, d'être adultes, d'être plus vieux, d'être plus loin, ce sont les enfants qui sans cesse veulent accélérer le temps, ou le raccourcir, pour vivre — enfin ! — dans ce temps merveilleux où ils ne seront plus (croient-ils) ce qu'ils sont. Les adultes, au contraire, souhaitent dans leur très grande majorité reculer l'échéance, ralentir le déroulement des opérations, repousser l'inéluctable (dont ils ont conscience, eux), prendre leur temps, remettre à plus tard, différer. L'enfant est un in-différent, il ne fait pas de différence entre son être et le temps, il habite un monde à une dimension qui ne lui permet pas encore d'éprouver la moindre distance d'avec lui-même, à la différence de l'adulte qui a mis entre soi et soi une fine et insondable épaisseur de temps, qui habite ce pli singulier qui lui permet de se voir agir et penser, qui lui permet de distinguer, c'est-à-dire d'introduire un dénivelé entre être et temps. 

Les progressistes sont des enfants. Ils veulent sans cesse et au plus vite faire tomber la robe de la mariée, voir ce qui se cache au-dessous, ils veulent y être avant l'heure, à toute heure. Chamboulons tout, vite, encore et toujours, pour voir ce qui adviendra, qui sera forcément mieux que ce qui est, que ce qui nous échoit, que ce qui nous est destiné. Et après le chamboulement ? Recommençons, forcément ! Oui, mais si la mariée est déjà nue ? On lui arrachera les yeux, les bras, les jambes, on en reconstruira une autre, de zéro, nous avons les plans, nous avons les ordinateurs, tout est prêt pour les travaux perpétuels. Le progressisme, c'est la Cité en travaux perpétuels, les trottoirs défoncés et les marteaux-piqueurs hurlants comme utopie in progress. Pourquoi cassez-vous sans cesse ? Mais pour réparer, enfin ! Cassage et réparage sont dans un bateau, et personne ne monte à bord. Ça s'ra bien mieux, vous verrez ! Oui, mais lendemain est toujours lendemain… Quelques passants, lassés, désabusés, fatigués, ennuyés, exaspérés : « C'était mieux avant… » QUOI ?! Chiens de contre-révolutionnaires, vous ne méritez pas d'être là demain. Ça tombe bien, nous avions prévu autre chose. Vous ne méritez pas de vivre (sic) ! Mais nous ne vivons pas, nous ne vivons plus, sous votre gouvernement, nous attendons demain pour vivre. Vous n'avez pas la foi ! Non. Vous êtes vieux ! Oui. Et vos enfants, alors ? Mais ce sont vous, nos enfants, sales gosses bruyants et qui ne voient pas ce qui est, tellement occupés à voir ce qui pourrait être. Vous êtes tristes ! Vous nous attristez, c'est vrai, car le monde appelle à l'aide et vous êtes sourds à ses plaintes. Des plaintes, des plaintes, alors que nous sommes occupés à faire la fête ! Vos fêtes sont notre enfer, votre progrès est notre épouvante. 

On voit que le dialogue n'est plus possible, entre les entrepreneurs sociaux et les conservateurs historiques, entre les toujours plus et les ça va bien comme ça, entre Chamboultou et Es ist genug, entre les mariées topless et les fiancés en carrosses, entre les femen et les homen. Accepter la donne, acquiescer au donné, remercier pour ce qui est, hériter, mais vous n'y pensez pas ! La Nature ? Fasciste ! La langue ? Fasciste ! La sexualité ? Fasciste ! La suite des nombres — car 2 vient après 1 ? Fasciste ! La Dualité ? Fasciste ! Les lois de la physique, de la chimie, de la biologie ? Fascistes, puisque ce sont des lois ! Quand donc va-t-on abolir le dimanche, au fait ? Et ne parlons même pas de l'utérus dans le corps des femmes ! De la semaine de sept jours (pourquoi sept, et pas huit, ou vingt ?) ! Du sel dans l'océan ! Des oiseaux qui volent et des poissons qui nagent (et pourquoi pas l'inverse ?) ! Le "c'est comme ça", la tradition, la décence ordinaire sont à peu près l'équivalent de "Arbeit macht frei", ou de "Deutschland über alles" chanté dans un avion de la El-Al survolant la Pologne. Et je n'ose même pas parler de l'identité… Les traditions sont toujours merveilleuses quand elles s'appliquent aux contrées lointaines traversées par les touristes, mais toujours effroyables quand ce sont les nôtres. L'identité des Tibétains est admirable et la nôtre détestable. La décence est vraiment la moindre des choses lorsque ces sympathiques touristes visitent un pays islamique mais elle est ignoble quand on prétend l'exiger chez nous. Les bobos singent du mieux qu'ils peuvent la vêture et les coutumes locales quand ils sont à l'étranger mais trouvent scandaleux qu'on ose demander aux étrangers de se comporter ici comme nous le faisons. Ils s'étouffent d'indignation si quelqu'un se permet de manquer de respect à quelque liturgie bouddhiste mais trouvent parfaitement normal qu'on entre dans une cathédrale dans la tenue avec laquelle on se rend à la plage. Ils mettent un point d'honneur à prononcer les noms des capitales étrangères comme les autochtones les prononcent, mais ils trouvent détestable qu'on reprenne ceux qui parlent mal le français. On pourrait continuer longtemps… sans aucun espoir d'ouvrir les yeux de ces aveugles par volonté. La réciprocité est un concept qui ne parvient pas à leur cerveau, ou, plus exactement, qui arrive bien à leur cerveau, mais à un cerveau amputé d'une moitié, celle qui précisément permet à un être humain de juger de la réalité avec une certaine équité, dans un certain équilibre, avec une certaine justesse, sinon justice. 

Il est assez amusant de voir la France tout récemment mise en accusation par l'Europe progressiste pour la manière dont elle traite ses opposants à la modernité, cette même Europe vide de sens et profondément défaitiste qu'elle a infligée sournoisement à son peuple. C'est Moderne contre Moderne, c'est la mariée mise à nue par ses célibataires, même. Tout ce que les progressistes ont mis des décennies à imposer à des esprits assoupis et culpabilisés se retournerait donc in fine contre eux ? S'ils avaient pu penser qu'un jour leurs propres armes seraient utilisées contre eux, désormais nus comme les vermisseaux qu'ils sont, et que cette nudité, qu'ils avaient réussi à cacher si longtemps, commence à se voir, et même à crever quelques yeux… Les démocraties européennes se sont patiemment dépouillées de leurs derniers atours, ont abandonné leurs dernières protections, avec une louche mauvaise conscience, et maintenant qu'un pauvre chiffon blanc cache tant bien que mal un sexe rabougri et honteux, l'Organe hors-sol, le Machin délocalisé à Bruxelles viendrait par-dessus le marché fesser leurs croupes déprimées ? C'est trop injuste ! Pour un peu, on en pleurerait, si notre Grand Chamboultou 1er n'était si retors et malfaisant, par delà son maquillage dégoulinant de bisous.

Le Grand Verre brisé a été rafistolé tant bien que mal, et c'est à Philadelphie qu'il faut se rendre si l'on veut le voir. L'Europe brisée ne sera sans doute bientôt plus visible que dans les livres d'histoire que personne ne lit plus.

(à Michel Gandilhon)

jeudi 27 juin 2013

Pourtoussisme


Demain, l'art sera libre et généreux ! C'est France-Cul qui le dit. Jusqu'à présent, bien sûr, l'art était prisonnier et radin, replié sur son petit derrière sale et étriqué d'art conservateur, peureux, compassé, frileux, agressif comme un vieux chien malade, et puant son hétéromanie ringarde. Auparavant, l'art était colonial, collabo, consanguin, égoïste et aristo, et bien sûr, honte sur lui, élitiste ! Autrefois, l'art était fasciste, nazi, enfin, quoi, merde, de droite

Heureusement, ces temps-là sont révolus. Depuis un certain Lang, Jack Lang, depuis un certain Mao, qui allait leur salir un peu les mains, à ces artistes qui ne savaient même pas faucher ni faire pousser du riz, sont venus tous ceux qui ont voulu faire prendre l'air à ces momies prétentieuses et coupées-des-vrais-gens, les sortir de leurs tours d'ivoire, les confronter aux réalités réelles du social, du terrain, des valeurs et de la rébellion programmée, en un mot en faire des citoyens responsables, solidaires et durables payant leurs impôts avec la gratitude émue de qui sait ce qu'il doit à son État et à sa RIVP*. Des routes, des hôpitaux et des œuvres citoyennes à chaque rond-point, voilà la feuille de route punaisée en lieu et place des pin-up impérialistes blondes aux gros nichons qui trottaient dans les vieux cerveaux malades des artistes de jadis. 

L'art, c'est comme le mariage, c'est comme le savoir, c'est comme la beauté, c'est pour tous ou pour personne ! Les Nouveaux Artistes ont parfaitement assimilé la leçon, on les voit tous les jours la réciter en y mettant le ton, et si certains persistent à ne pas vouloir comprendre, des tuteurs citoyens et responsables se chargeront de leur faire un peu de pédagogie appliquée en leur coupant les vivres, en photoshopant toutes les photos où ils apparaissaient et en les dénonçant aux comités des bonnes valeurs associées, subventionnées par l'État, qui fleurissent un peu partout : les Assoces.  

Il est très divertissant d'entendre les Nouveaux Artistes railler par exemple le Réalisme Socialiste ou l'art pompier d'antan, alors que leurs réalisations dépassent de très loin tout ce qui a pu se faire dans ce domaine. Mais on ne mord pas la main qui vous nourrit, surtout quand cette main est libre et généreuse.

(*) Régie Immobilière de la Ville de Paris

mardi 25 juin 2013

Désir d'enfant…

Madame, Monsieur,

vous avez toujours voulu avoir un enfant, votre plus grande tristesse est de ne pouvoir procréer, mais vous ne voulez ni adopter un gentil petit Noir qui mourait de faim ni avoir recours à la GPA. Rassurez-vous, si nous n'avons pas les moyens de vous procurer le petit être que vous désirez plus que tout, nous avons en revanche la possibilité de vous consoler de son absence. Nous ne parlons pas de cet enfant idéalisé, de ce merveilleux bébé aux boucles blondes et aux petites mains potelées dont la photographie trône sur la commode de la chambre jusqu'à la triste vieillesse de ses parents, abandonnés par lui dans un institut spécialisé, nous parlons de l'enfant réel, celui dont vous devrez vous occuper chaque jour que Dieu fait dans l'espoir de vous pousser au suicide, cet être infâme, idiot, méchant, irresponsable, égoïste au dernier degré, désinvolte, grossier, brutal, bruyant, vulgaire et consternant de conformisme, qui semble n'exister que pour vous taper et exiger toujours plus de vous, alors que vous lui donnez déjà tout. Il est laid, il est sale, il est analphabète, maladroit, il s'habille comme un clodo, il fume au lit, il ne nettoie jamais les toilettes, il est rivé du matin au soir à son portable, il boit du Coca à table, il rote devant vous sans même mettre sa main devant sa bouche, vous ne savez jamais s'il va rentrer ou non, ni à quelle heure, il vous impose ses copines, encore plus vulgaires que lui si c'est possible, qui ne vous disent même pas bonjour lorsqu'elles s'invitent à dormir dans la chambre dont vous ne possédez pas la clef et dont, évidemment, l'entrée vous est strictement interdite, il vous ment (très mal) sans aucune vergogne, il vole sans se gêner, et il se permet de vous faire la morale sur tous les sujets, des plus futiles aux plus graves, avec la morgue imbécile de celui qui ne connaît rien à rien et qui n'a jamais eu à se battre pour exister, à qui l'on offre tout avant même qu'il ne le demande, sans bien sûr qu'il pense à remercier tant cela lui semble dû. 

Vous étiez prêts à lui pardonner tout cela, dans votre grande bonté, ce dont nous ne saurions vous blâmer. Mais voici que votre Cher Petit s'est découvert une passion (il était temps !), et qu'il s'est mis en tête qu'il était "un artiste" ! Nous sommes certains que lorsque vous aurez entendu ce que cela donne, vous serez enfin prêts à comprendre à quel grand malheur vous avez échappé. Aucun père, aucune mère, ne veut en arriver à tuer son propre enfant, et c'est pourtant ce que vous auriez fait, tout naturellement, si vous aviez dû supporter ce qui suit :




Ne nous remerciez pas, c'est notre métier.

Sons et brioches…


Charles Lamoureux (1881-1899)
Camille Chevillard (1897-1923)
Paul Paray (1923-1928)
Albert Wolff (1928-1934)
Eugène Bigot (1935-1950)
Jean Martinon (1951-1957)
Igor Markevitch (1957-1961)
Jean-Baptiste Mari (1961-1979)
Jean-Claude Bernède (1979–1991)
Valentin Kojin (1991–1993)
Yutaka Sado (1993–2011)
Fayçal Karoui (2011-...)


« Fayçal Karoui obtient un premier prix de piano au conservatoire à rayonnement régional de Saint-Maur-des-Fossés dans la classe de Catherine Collard et un premier prix de direction d'orchestre au conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Il est lauréat du Concours international de jeunes chefs d'orchestre de Besançon et a été l’assistant de Michel Plasson à l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Depuis 2001, il dirige l'orchestre de Pau Pays de Béarn. Il s’efforce de populariser la musique classique au-delà de son auditoire traditionnel : concerts « sons et brioches » pour les enfants, concerts à l’université, en prison, à la foire-exposition, soutenus par la municipalité via une politique tarifaire attractive. L'orchestre de Pau Pays de Béarn compte, pour la saison 2008-2009, 1400 abonnés. L'orchestre propose également une saison de musique de chambre. Il a enregistré en 2004 une version « dépoussiérée » de Pierre et le loup de Serge Prokofiev, avec Smaïn en récitant. En 2006 et 2007, il est directeur musical de l'opérette Le Chanteur de Mexico de Francis Lopez, montée au théâtre du Châtelet à Paris, où il dirige l'Orchestre national de France puis l'Orchestre national d'Île-de-France. En juillet 2006, Fayçal Karoui a été choisi pour devenir le cinquième directeur musical du New York City Ballet. Il y a commencé son mandat le 1er décembre 2006. Une annonce de février 2012 indique que son contrat prendra fin en juin 2012. En janvier 2011, il est nommé directeur musical de l'Orchestre Lamoureux. En juin 2011, il a créé avec Thierry Malandain, l'Orchestre de Pau Pays de Béarn et le Malandain Ballet Biarritz, le ballet Lucifer de Guillaume Connesson, dont il est dédicataire. En janvier 2013, il est fait Chevalier des Arts et Lettres par Aurélie Filippetti, Ministre de la Culture et de la Communication. »

(…)

samedi 22 juin 2013

En France


Argenteuil, en France. Saint-Denis, en France. Nîmes, en France. Marseille, en France. Roubaix, en France. Avignon, en France. Agen, en France

En France

Il faut préciser

C'est comme pour le camembert. Il y a le camembert de Normandie, et le camembert (fabtiqué) en Normandie. Bien lire l'étiquette !

Il faut essayer de distinguer les choses…


« Il y a la mère, enfin la gestatrice, donc, celle qui reçoit les gamètes, il y a, quand la femme elle-même ne peut pas donner ses propres ovocytes c'est une autre femme que la mère gestatrice qui donne ses ovocytes de façon que précisément il n'y ait pas un lien trop fort entre l'enfant et elle. »

« Tiens, ce samedi Georges a épousé André. T'étais au courant, toi ? Ils auraient pu m'inviter ! »

« Enfin bon, tu vois, moi je le sentais qu'ses ovocytes y valaient rien. j'ai envie d'dire que ça se voyait à l'œil nu ! »

« J'ai toujours dit qu'y avait pas de rapport, tu vois. Les gamètes c'est les gamètes, c'est pas comme si… Non, mais t'es monstrueux, arrête avec tes comparaisons moisies ! Tu me fais honte, quoi ! »

« C'est vrai que quand t'es mère porteuse, t'as juste une responsabilité, c'est assez énorme. C'est bien normal d'être rémunéré, à mon humble avis. Faut être logique ! »

« De toutes les manières, c'est pas parce que t'es mère que t'as pas droit de l'ouvrir. Non, je parle de la bouche ! »

« J'ai une relation hyper forte avec le foetus. Mais bon, je sais faire la part des choses. »

« Il est complètement homophobe, me dis pas que tu l'avais pas compris ! Faire une fixette sur une histoire de nom, c'est juste complètement dingue. »

« C'qui compte, c'est avant tout le bonheur de l'enfant. »

(…)

vendredi 21 juin 2013

21 juin, le jour le plus con


Fermez vos gueules !

Hollandie, le pays qui ressemble à une république…


Comme c'est drôle ! On nous joue la comédie du fascisme à guichets fermés depuis cinquante ans, mais lorsqu'un gouvernement socialiste, français, et moderne jusqu'au fondement, en emprunte sans vergogne certains des attributs les plus détestables, les mêmes qui étaient enclins à voir la bête immonde à chaque coin de rue ne voient rien, n'entendent rien, ne remarquent rien. Ils sont occupés ailleurs, les résistants de naissance, on ne les a pas sonnés, les événements ne sont pas dûment répertoriés dans leur précis citoyen, dans leur manuel de mutins de panurge diplômés. Le mode d'emploi-catéchisme qu'ils ont reçus à leur baptême socialo-festif a été expurgé de la période contemporaine, et surtout du chapitre dit des "yeux-en-face-des-trous".

Il faudra trouver un nom pour ce type de gouvernements. On ne va pas se donner le ridicule de l'appeler fasciste, bien que ce serait sans doute moins bête qu'on pourrait le croire à première vue, si l'on prend la peine de réviser un peu son histoire. Mais il ne faut pas s'y tromper : le grotesque n'a jamais empêché la brutalité ni l'infamie, bien au contraire. 

jeudi 20 juin 2013

C'est sur quel site ?


Devant moi, dans un magasin de fournitures pour peintres, trois dames d'"un certain âge"* font la queue afin de payer leurs achats. « Il m'appelle "mon amour", ça me gonfle ! » Les autres : « C'est sur quel site ? » Et la première de répondre à ses amies : « C'est sur Meetic. »

(*) Le "certain âge" étant tout de même entre cinquante et soixante ans…

mardi 18 juin 2013

Mille ans !


Tout le monde se demandait ce que pouvait bien être le changement et la normalité que Caramel Hollande nous promettait. C'est enfin clair. Sept cents policiers et gendarmes mobilisés pour le président à la télé. C'était dimanche soir dernier. 700… La prochaine fois qu'il sortira de l'Élysée, il faudra l'armée et les chars pour l'accompagner acheter sa baguette de pain et son paquets de clopes. C'est normal. C'est comme moi quand je vais acheter des tubes de peinture, je me fais accompagner par ma chienne, dont j'ai préalablement limé les crocs, et je préviens le RAID (ils sont discrets, je ne les ai jamais vus). Je porte constamment, même pour dormir, une ceinture d'explosifs directement reliée à un dispositif de mise à feu situé dans une dent de sagesse creuse (la dernière). Faut c'qui faut quand on vit dans un monde normal. 

Je ne sais pas si vous réalisez la chance que vous avez. Caramel Hollande, le Reich de mille ans ! On va le cloner, il ne mourra jamais. On ne sera plus là depuis longtemps, ni Poutine, ni Obama, que Caramel Hollande bougera la tête de droite à gauche et sourira à Debouzze ou à ses descendants. Le christianisme aura duré deux mille ans, c'est pas mal. Le règne de Caramel Hollande sera presque aussi long. La France aura disparu depuis longtemps mais lui sera toujours là. Ah, mes aïeux, vous avez vraiment raté quelque chose !

Planay


Pas peu fier d'avoir habité un village dont la population est sans doute la plus stable de France. 74 personne en 1962, 81 personnes en 2009 ! 


lundi 17 juin 2013

Entre les lignes


Mon rêve est de faire construire une demeure selon mes désirs. Ce sera un blockhaus. Imprenable, avec des murs très épais de cinq mètres de haut. Elle sera construite sur une hauteur, entourée de cinq cercles concentriques, distants chacun de cent-onze mètres. À chaque cercle, fortifié, deux portes, l'une au sud l'autre au nord, sauf pour le premier cercle, le plus éloigné de la maison, qui n'en comportera qu'une seule, à l'est. Cela fait plus de cinquante fois que j'en refais les plans. 

Ingeborg termine sa lettre par ces mots : « (…) entre les lignes. » C'est malin ! Depuis des semaines, je trace des lignes rouges, à la plume, sur du papier blanc, Arches, de 640 grammes. 

Croit-on que les poèmes sont de l'indicible dont le principe est atténué par un désir de mort ? Doit-on empêcher son chien d'aboyer ? Peut-on superposer le présent au présent sans disparaître ? 

J'ai rencontré un homme étrange. Il porte un appareil photo à hauteur de son sexe et prend tous ses clichés depuis ce point de vue particulier.

(…)

dimanche 16 juin 2013

Blanchiment




Plutôt qu'un long discours…

samedi 15 juin 2013

2511 après J.-C.


— À gauche, c'était le président de la France.

— Tu te fous de moi !

— Pas du tout. Il se nommait François Hollande, c'était un socialiste.

— Incroyable ! On a eu une chance inouïe, tout de même !

— Ça on peut le dire… Normalement, tout était perdu.

— Et à droite, là, qui est-ce ?

— Aucune idée.

(À Afchine Davoudi)

vendredi 14 juin 2013

Joe Dassin à Bali


On pourrait éventuellement se plaindre d'entendre du Moustaki à longueur de journée, on pourrait avoir quelques regrets d'une France française, on pourrait éprouver quelque nostalgie d'un monde plus aimable, on pourrait se lamenter, trouver le temps sinistre et les ministres bien laids. Mais la vie est ainsi faite qu'une nouvelle bientôt vous console d'habiter l'enfer. Imaginez qu'hier-soir j'apprenais qu'à Bali certains s'étaient mis en tête de faire chanter du… Joe Dassin aux enfants de ce peuple là ! Joe Dassin… Ce n'est pas une blague. Un trou du cul (je ne vois pas comment le nommer autrement) de Français s'est mis en tête d'aller apprendre la musique (sic) aux enfants de Bali, et il a choisi Joe Dassin comme ambassadeur de la musique occidentale ! JE N'INVENTE RIEN. Ah le beau couillon ! Ah la belle enflure ! Ah l'admirable salopard ! Comme le diraient un jeune ami à moi et mon grand-père Eugène : Douze balles dans la peau ! 

Debussy admirait le gamelan balinais, Debussy… et un évangéliste de la Laideur (car elle a ses curés, ses armées, ses ministres, ses martyrs, et ses diplomates) apporte à l'un des peuples les plus musiciens de la Terre ce que nous avons produit de plus bas, de plus ridiculement insignifiant, de plus misérable ! Et d'insondables imbéciles trouvent ça sympa. C'est un peu l'œcuménisme à la crapule, le vomi servi en assiette dorée, le nazisme en chambre des évadés de Sainte-Anne. Mais c'est SYMPA !

Ça me rappelle un peu le passage de Taslima Nasreen chez Ardisson, et l'ignominie qui s'était donnée à voir alors, sur ce plateau où était réunie la racaille la plus fashion : outre l'Homme en noir à la voix de Stentor, on pouvait y croiser Ruquier et sa tête de fouine, Alonso et sa tête de cheval, Dombasle et sa paradisiaque bétise. Je préfère ne pas mentionner le rappeur à peu près aussi intelligent qu'un navet mal cuit qui donnait des leçons d'islam à Taslima Nasreen. Pauvre femme, pauvre et admirable femme tombée dans cette bouche d'égoût, dans laquelle ces cloportes variqueux ajoutaient la honte à l'ignoble ! 

Il y a des jours où il est dur d'être un homme.

jeudi 13 juin 2013

La Brosse à ongles


La brosse à ongles se fait rare. On peut même dire qu'elle a complètement disparu. Il n'est pas besoin d'aller le vérifier dans les salles de bains, ça se voit à l'œil nu, sur Internet et dans la rue. En 1968, on disait "Sous les pavés, la plage". En 2013, la plage est sur les pavés (grâce au marchand de sable Delanoë), et la crasse sous les ongles. Un des premiers gestes qu'on nous enseignait jadis, dans l'enfance, était celui qui consiste à se laver les mains. Je revois Geo, un ami de mon père, plombier-zingueur et aviateur que j'admirais beaucoup, et que j'allais regarder travailler dans son atelier, un lieu que j'aimais énormément. Il avait, Geo, une manière de se laver les mains qui m'impressionnait, et qu'il m'avait enseignée, à ma demande. Ce n'est pas seulement le bout des mains qu'il lavait (il remontait très haut sur les poignets et même une partie des avant-bras), mais c'était surtout le soin avec laquelle cette tâche était réalisée qui a marqué le jeune esprit que j'étais alors. L'opération durait suffisamment pour devenir une technique, un art, une morale en acte.

Une morale, oui. Hier encore, je devais expliquer à un élève de piano qu'on ne soigne pas seulement ce qui se voit (ce qui s'entend), mais aussi, et peut-être surtout, ce qui ne se voit pas. Il me regardait avec étonnement : "Mais à quoi ça sert, si personne ne l'entend ?" Alors, exaspéré, je lui ai parlé de ces jeunes femmes fardées, parfumées, vêtues avec soin, mais dont l'hygiène est douteuse. L'hygiène, ce qui ne se voit pas, ce qui est au-dessous, mais qu'on doit pourtant aux autres autant qu'à soi-même. Les ongles… On en revient toujours là. Les ongles : le moyen le plus simple et le plus rapide pour voir si quelqu'un a de l'hygiène (et donc de la morale). Une amie me parlait il y a peu d'un gynécologue qui fumait dans son cabinet. Pourquoi fumait-il ? À cause de l'odeur… Eh oui, à cause de l'odeur de la crasse, parce que, désormais, une femme n'hésite plus à aller chez son gynécologue avec un sexe sale. Maquillée (à outrance), parfumée (à outrance), mais sale… Et on s'étonne des infections nosocomiales ! « Je viens comme je suis. » En effet. Sales en bas, sales en haut, mais avec le dernier piercing à la mode, avec le dernier tatouage à la mode, et avec cette foutue épilation intégrale. Rien ne sera épargné aux gynécologues, qui ont pris la place des confesseurs d'antan. Ceux-là avaient les oreilles offusquées, eux ce sont les yeux et le nez.

Mais tous, nous sommes les témoins ébahis de cette nouvelle crasse, physique, mentale, et morale ! On crache par terre, des femmes (à Paris !) défèquent sur les trottoirs, et les élèves de piano pensent qu'on ne doit soigner que "ce qui s'entend"…

Aujourd'hui, seuls les chirurgiens, les fous et les assassins se lavent les mains. 

lundi 10 juin 2013

Force et attrapes


La banalisation…euh… des mots… euh… de la haine… euh… favorise, nous le savons… dans le débat public… ou sur… euh… internet… euh… le passage… euh… à l'acte… et nous devons… euh…  tout faire… pour… euh… éradiquer… euh… ces messages… euh… de haine…

Ainsi s'exprime Manu le Valseur, sur le ton grave des HLPSDNH. Derrière lui, dans la rue où lui sont tendus micros et caméras, on aperçoit heureusement des visages graves, empreints gravement d'une émotion grave et républicaine. Jusqu'aux rides sur le front des visages graves, qui sont graves et républicaines, profondes et graves. Ils froncent le front de la Fronce gravement, les républicains graves qui accompagnent Manu le Valseur dans son numéro de gravité grave. C'est beau comme de l'antique, et, en un sens, c'en est, de l'antique, car ce que Manu le Valseur et son beau modèle, François le Dernier, imitent, sans y parvenir le moins du monde, et c'est bien cela qui fait farce, est François le Premier et sa cour, qui les ont précédés de quelques décennies en les murs de la République. François le Premier avait inventé le Front National et-sa-nébuleuse, et ses lointains ayant-droits en récoltent aujourd'hui encore les dividendes, gravement préoccupés de ne pas dilapider le précieux héritage. Il y a bien eu Jospin pour révéler l'origine et la nature du pactole, mais on l'a rangé dans son île, d'où il n'est pas prêt de sortir, sauf quand ce sera son tour de proposer son corps glorieux au mijotage théologal. Que l'extrait du petit discours faussement improvisé de Manu le Valseur reproduit scrupuleusement plus haut ne veuille strictement rien dire n'a pas la moindre importance, ou plutôt, est essentiel, car le message se situe à l'évidence ailleurs que dans l'in-sens de l'in-énoncé. Sauf pour un mot : "éradiquer". Les autres vocables sont là comme marqueurs, ils ont les visages familiers des légumes ordinaires qui composent la soupe églogale de la Gauche (et quand je parle de la Gauche, je parle bien entendu de la vraie Gauche, et pas seulement de celle qui porte ce nom aujourd'hui). L'unique molécule agissante est l'éradication, une potion que la Gauche manie depuis toujours avec le sens inné de la médecine radicale qui la caractérise. Ce que la farce dit parfaitement, en l'occurrence, c'est : « Fini de rire. Il n'existe pas d'Ailleurs, il n'existe pas d'Autre. Et si jamais il en existe encore quelques traces, ici ou là, nous les éradiquerons sans états d'âme. Nous sommes à la fois le Peuple, le Légitime, la Force, la Raison, la Manière, la Cause. Nous sommes le Bien sans Reste, et nous entendons le rester. » 

Je ne sais pas si tout le monde connaît le sens du mot "éradication", en français, mais il vaut la peine d'être rappelé : « Élimination complète d'une espèce animale nuisible » ou encore : « Suppression complète d'un organe, d'une tumeur, d'une lésion ». La "tumeur", aujourd'hui, c'est tout simplement ce qu'il faut bien appeler par son nom : la dissidence. Quant à "l'espèce animale nuisible", elle est clairement constituée de tous ces Français qui persistent à ne pas vouloir être remplaçables, ni remplacés. Ça fait (encore) un peu de monde, mais ce n'est pas ce qui effraie les totalitaires qui sont en passe de réussir là où des Staline et des Lénine avaient encore l'excuse des débutants. 

dimanche 9 juin 2013

Agustin Anievas


J'aime de plus en plus Agustin Anievas. Écoutant la quatrième ballade de Chopin par Horowitz, Perlemuter, Arthur Rubinstein, Pollini, Zimerman, Cziffra, Anderszewski, Ashkenazy, et lui, Anievas, je suis frappé à nouveau par son élégance, sa simplicité, sa droiture, et sa technique sans faille mais sans ostentation. Le plus opposé à toutes ces qualités est sans doute Horowitz, sans parler d'Anderszewski, insupportable de maniérisme et de sophistication bête.

C'est très curieux, comme avec certains immenses pianistes, je pense ici en particulier à Horowitz et à Richter, on est, la plupart du temps, extrêmement déçu par la réalité de leur jeu, et souvent même exaspéré. Comment, Horowitz, le plus grand pianiste du monde, c'est ça ? Cette désinvolture, ce côté relâché, imprécis, sale, épais, brutal, et techniquement approximatif, c'est Horowitz, le pianiste par excellence, le Liszt du XXe siècle ? Je me rappelle une sonate de Liszt (il l'a enregistrée plusieurs fois) que j'avais apportée à mon maître, et qui, l'ayant écoutée, avait seulement lâché : « Ça ne vaut pas un clou. » Il faut bien se l'avouer, malgré ce que cela nous en coûte : la réalité ne correspond pas toujours à l'image que nous avons de ces très grands artistes. Combien de fois Richter m'a semblé exaspérant, et pire, décevant ! Et pourtant je n'oublierai jamais la seule fois que je l'ai vu jouer en concert, il y a bien longtemps, à Saint-Denis. Il y avait joué entre autre les novelettes de Schumann, et je crois bien que plus jamais je n'entendrai pareille merveille. Rubinstein, aveugle, était dans la salle, et toute l'assistance avait été bouleversée parce ce qu'elle avait entendu ce soir-là.

Chopin est un compositeur très difficile à interpréter. Qui est-il, comment jouait-il, quelle sonorité avait-il, que cherchait-il ? On croit savoir, il n'est pas si loin de nous, et pourtant, plus le temps passe plus il semble mystérieux et inatteignable. Quand on voit jouer ceux qui l'ont entendu (je pense en l'occurrence à Francis Planté), on se dit que ce n'est pas possible, que ce ne peut pas être ça, Chopin ! Et puis il y a les innombrables témoignages écrits, racontés, transmis, et puis les écoles, et puis les traditions, et puis les disques… Il me semble que Chopin est paradoxalement le compositeur le plus mal connu au début du XXIe siècle.

Anievas va droit au but, sans chercher, avec une honnêteté sonore rarissime. Il est facile de dire que la poésie de Chopin ne doit pas être sollicitée, qu'elle doit venir naturellement du texte, mais il est extrêmement difficile de jouer ainsi sans être platement "objectif". Mais le plus étrange est encore que lorsqu'on veut trouver une interprétation qui soit proche de celle-ci, on est obligé de se tourner vers quelque chose de très différent, comme celle de Rubinstein par exemple. Quelle est donc la vérité de Chopin, pour se trouver ainsi dans des exécutions qui sont parfois à l'opposé les unes des autres ? Que la musique est donc compliquée !

samedi 8 juin 2013

Enchaînements


La fonction "aléa" d'iTunes me fait faire régulièrement des découvertes très intéressantes. Tout à l'heure, j'étais ravi d'écouter deux préludes (opus 103) de Fauré par Casadesus. Mais c'est surtout l'enchaînement proposé par iTunes qui m'a surpris et instruit à la fois. Une fois le deuxième prélude achevé, j'ai pu entendre la quatrième ballade de Chopin comme jamais je ne l'avais entendue. 

Premièrement, il ne me serait jamais venu à l'idée, je crois bien, de passer de ce Fauré-ci à ce Chopin-là. Contrairement à ce qui me paraissait aller de soi, la transition était merveilleusement "naturelle", et c'est précisément cette qualité qui m'a surpris. Chopin est pourtant fort éloigné de Fauré, ou plutôt Fauré de Chopin, mais je me reproche maintenant de n'avoir jamais réellement entendu en Fauré ce qu'il devait à Chopin. Cette quatrième ballade est celle que je préfère du recueil, et peut-être même de tout l'œuvre de Chopin, c'est pourquoi il importe tant de ne négliger aucune écoute singulière. Je l'ai tellement travaillée, jouée, écoutée, rêvée, même, pourrais-je dire, cette ballade, que j'ai toujours peur de m'en lasser un jour, ce qui évidemment n'est jamais arrivé. 

La deuxième chose qui m'a surpris est qu'elle était jouée par Cziffra, que je n'ai pas reconnu (en tout cas pas tout de suite, pas avant la coda), et que Cziffra m'est de ce fait apparu très différent de l'image mentale que j'ai de lui. D'un autre côté, cette impression confirme ce que je pense de ce pianiste tout à fait exceptionnel (dans tous les sens du terme) : il est insaisissable, protéiforme, imprévisible. Il est capable de donner dix versions de cette ballade, probablement, et dix versions toutes différentes, selon son humeur, selon l'heure, le piano, les amis qui l'entourent, et ce qu'il a bu. Tout le contraire donc de ces pianistes d'aujourd'hui qui ont un jeu calibré au millimètre, qu'ils peuvent reproduire à longueur de concerts, et avec lequel ils peuvent gagner des concours internationaux et le cœur des directeurs artistiques des maisons de disques.

M'étonne pas qu'il se prénomme Georges, celui-là !

vendredi 7 juin 2013

Sur sa droite


André Messager écrit à Saint-Saëns pour lui expliquer pourquoi il a dû renoncer à ses fonctions de critique musical dans une revue qui voulait élargir ses audiences, manifestement (c'est moi qui souligne) :

« Je ne voulais rendre compte que de la musique, opéra, musique de chambre, musique symphonique — mais M. Canivet voulait que je parle aussi d'opéras-comiques, opérettes… »

Me voici dépassé sur ma droite, et avec un siècle d'avance, en plus — il me semble que nombre d'opéras-comiques sont bel et bien de la musique, même au sens étroit que Messager et moi nous obstinons à donner ou garder à ce mot.
(Renaud Camus, in Vue d'œil, Journal 2012)

Je pense à mon père qui avait menacé de mettre ma mère à la porte de la maison, pour la seule raison qu'elle désirait une guitare. Une guitare ? Un instrument qui ne fait même pas partie de l'Orchestre ? Et puis quoi encore ! Pourquoi ne pas écouter du Moustaki au petit déjeuner, pendant qu'on y est !

mercredi 5 juin 2013

Grâce à Bach


On apprend beaucoup en fréquentant les Facebookiens ! Tout à l'heure, encore, j'ai appris que j'étais un compositeur "très très doué", mais que, malheureusement, je faisais "de la peinture analogique"… On voit où je suis tombé ! On apprend aussi, sur Facebook, que Bach "annonçait l'avenir", ce qui d'ailleurs aurait été sa principale qualité. Il aurait permis l'invention du jazz, les Beatles auraient pu exister (quelle chance !), enfin toute la divine modernité aurait été prévue, programmée, imaginée, fécondée par le vieux à perruque. On a du bol, quand-même, que Bach ait bien voulu exister, et par là nous permettre d'entendre enfin une musique digne de nous ! 

Il y a tout de même une chose que je me demande : est-ce que c'est aussi grâce à Bach que Moustaki a pu composer ses inoubliables chansons ? 

Pleine


Je soufflais sur la sanguine quand j'ai compris. Anne-Sophie Mutter était en train de jouer l'adagio du concerto en mi de Bach. J'aime ces violonistes, tout le contraire des baroqueux, qui poussent l'archet jusqu'à faire venir le timbre à son maximum, qui poussent les harmoniques jusqu'à ce qu'elles envahissent la note, comme une coulée d'encre épaisse, charnue, pleine. On voit, on entend ces harmoniques, comme on voit les pigments, un à un, qui se dirigent vers le but qu'on leur impose doucement, s'empâtent, font vibrer la matière et font apparaître une couleur

J'aime ces femmes-là. Leurs cuisses.