samedi 8 juin 2013

Enchaînements


La fonction "aléa" d'iTunes me fait faire régulièrement des découvertes très intéressantes. Tout à l'heure, j'étais ravi d'écouter deux préludes (opus 103) de Fauré par Casadesus. Mais c'est surtout l'enchaînement proposé par iTunes qui m'a surpris et instruit à la fois. Une fois le deuxième prélude achevé, j'ai pu entendre la quatrième ballade de Chopin comme jamais je ne l'avais entendue. 

Premièrement, il ne me serait jamais venu à l'idée, je crois bien, de passer de ce Fauré-ci à ce Chopin-là. Contrairement à ce qui me paraissait aller de soi, la transition était merveilleusement "naturelle", et c'est précisément cette qualité qui m'a surpris. Chopin est pourtant fort éloigné de Fauré, ou plutôt Fauré de Chopin, mais je me reproche maintenant de n'avoir jamais réellement entendu en Fauré ce qu'il devait à Chopin. Cette quatrième ballade est celle que je préfère du recueil, et peut-être même de tout l'œuvre de Chopin, c'est pourquoi il importe tant de ne négliger aucune écoute singulière. Je l'ai tellement travaillée, jouée, écoutée, rêvée, même, pourrais-je dire, cette ballade, que j'ai toujours peur de m'en lasser un jour, ce qui évidemment n'est jamais arrivé. 

La deuxième chose qui m'a surpris est qu'elle était jouée par Cziffra, que je n'ai pas reconnu (en tout cas pas tout de suite, pas avant la coda), et que Cziffra m'est de ce fait apparu très différent de l'image mentale que j'ai de lui. D'un autre côté, cette impression confirme ce que je pense de ce pianiste tout à fait exceptionnel (dans tous les sens du terme) : il est insaisissable, protéiforme, imprévisible. Il est capable de donner dix versions de cette ballade, probablement, et dix versions toutes différentes, selon son humeur, selon l'heure, le piano, les amis qui l'entourent, et ce qu'il a bu. Tout le contraire donc de ces pianistes d'aujourd'hui qui ont un jeu calibré au millimètre, qu'ils peuvent reproduire à longueur de concerts, et avec lequel ils peuvent gagner des concours internationaux et le cœur des directeurs artistiques des maisons de disques.

M'étonne pas qu'il se prénomme Georges, celui-là !