Je soufflais sur la sanguine quand j'ai compris. Anne-Sophie Mutter était en train de jouer l'adagio du concerto en mi de Bach. J'aime ces violonistes, tout le contraire des baroqueux, qui poussent l'archet jusqu'à faire venir le timbre à son maximum, qui poussent les harmoniques jusqu'à ce qu'elles envahissent la note, comme une coulée d'encre épaisse, charnue, pleine. On voit, on entend ces harmoniques, comme on voit les pigments, un à un, qui se dirigent vers le but qu'on leur impose doucement, s'empâtent, font vibrer la matière et font apparaître une couleur.
J'aime ces femmes-là. Leurs cuisses.