Il y a ce moment étrange où l'amour qu'on porte à une femme noircit, où le sentiment vient appuyer sur une partie inconnue de lui-même. Ce n'est pas qu'il se nie, ce n'est pas qu'il se renverse, non, ce serait trop simple, et ce serait un soulagement, c'est qu'il vient buter contre l'évidence, cet or changé en plomb. Il s'agit d'une réaction, d'une réaction chimique brutale, immédiate — immédiate au sens propre, en ce qu'elle n'offre aucune possibilité de médiation : elle parle une langue singulière, inconnue et intraduisible qui la rend impropre à la consommation, sans bénéfice d'aucune sorte.
L'affreux vide qu'on trouve au fond de l'amour se tient là, comme une statue terrible et immobile, qui appuie en la signalant sur une région inconnue de nous, et cette place glacée en nous nous terrifie. Elle apparaît au plus profond de ce qui nous lie à celle qu'on aime mais son message est à tout jamais silencieux. On ignorait cette plaie béante que l'amour révèle.
Cette opacité insondable provient je crois de la beauté — d'une forme particulière de beauté, d'une beauté arrêtée dans sa course. Le genre de femmes qui possèdent cette beauté ne la transmettent pas à leurs filles. Non seulement elles ne la transmettent pas, mais elles empêchent absolument qu'elle leur survive.