Il avait chassé les marchands du temple, mais Jésus ne connaissait pas Stéphane Bern.
La proposition de ce dernier est une nouvelle attaque contre l'Église catholique et une avancée décisive vers une France totalement déchristianisée, c'est-à-dire, pour parler clairement, une France qui ne serait plus la France. Les églises et les cathédrales ne sont pas des musées, et elles n'appartiennent pas au pouvoir républicain, qui est un pouvoir passager, comme tous les pouvoirs (je sais que les bâtiments appartiennent à l'État, inutile de me le faire remarquer ; je ne parle pas de la pierre, je parle de l'œuvre et de l'esprit) et même si elles se visitent, en raison de leur beauté, notamment, elles restent des lieux de culte avant d'être des "lieux de culture". Un des principes de la laïcité devrait être précisément de ne pas intervenir, à quelque titre que ce soit, dans l'enceinte d'un édifice cultuel (sauf bien entendu dans le cas où celui-ci sert de base arrière à des actions séditieuses et anti-nationales). Faire payer l'entrée dans une église ou une cathédrale est à l'évidence en contradiction avec leur raison d'être : on doit pouvoir entrer dans la plus belle des cathédrales même si l'on est pauvre comme Job, et on doit pouvoir le faire dix fois par jour si l'on en éprouve le besoin. Les maisons de Dieu ne sont déjà que trop offertes au tourisme putassier et au spectacle, aux bermudas, aux sandwichs et aux gueulards de toutes obédiences. Ramasser du pognon avec une cathédrale, pour l'État, est aussi infâme que louer son ventre, pour une femme.
Monnayer l'entrée dans une église ou une cathédrale, c'est projeter celle-là sur le Strip de Las Vegas, c'est remplacer Jésus-Christ par Denis Brogniart, la Mère de Dieu par une hôtesse de caisse et le Saint Esprit par La Voix de Secret Story, c'est ridiculiser la Présence réelle, c'est insulter les catholiques et c'est réduire deux mille ans d'histoire à un bilan comptable. Rentables ou pas, ces gros bâtiments vides, qu'on pourrait utilement transformer en salles de spectacle, en cinémas, en musées d'art contemporain, voire en restaurants branchés, et sous lesquels on pourrait installer des parkings et des centres commerciaux ? Et quand il aura été démontré qu'elles ne le sont pas, rentables, ce que j'espère bien, quelle sera la prochaine étape ?
La patrimonite aiguë qui sévit depuis quelques décennies dans notre pays n'est que le signe de la vie qui s'éloigne au fur et à mesure qu'on l'embaume, et quand celle-là se conjugue avec une lésine de thénardiers de banlieue, la comédie devient sordide. Si l'État en est à faire les poches des fidèles — en plus de les noyer de fait dans la foule des infidèles —, après avoir détroussé les contribuables du pays, autant dire tout de suite qu'on nous invite à aller voir ailleurs si les sangsues qui s'y trouvent sont moins voraces que les nôtres.
On a déjà la dingo alternative de l'Hôtel de ville qui fait mumuse avec sa tour Eiffel clignotante, c'est assez pour se croire chez les piqués du bocal. La bernification du réel, c'est la provocation de trop. Qu'on laisse ça aux affalés du petit écran et qu'on foute la paix à nos cathédrales !