dimanche 27 juillet 2014

vivre SA vie


Il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même. Nana veut abandonner Paul. Ce type il t'intéresse vraiment ? Tu sais, je ne sais pas. Je me demande à quoi je pense. Il a plus d'argent que moi. Qu'est-ce que ça peut te faire ? (Ter) Qu'est-ce que ça peut te faire ? Ça ne va pas, non ? Non, rien. Je voulais dire cette phrase avec une idée précise. Je ne savais pas qu'elle était la meilleure façon d'exprimer cette idée. Ou plutôt je le savais. Mais maintenant je ne sais plus. Alors que justement je devrais le savoir. Ça ne t'arrive jamais ? Tu ne parles que de toi. Tu ne peux pas parler d'autre chose ? Ce que tu es méchant. Je ne suis pas méchant, moi, Nana, je suis triste. Je ne suis pas triste, moi, Paul, je suis méchante. Ne dis pas n'importe quoi. On n'est pas au théâtre. Il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même. D'ailleurs j'en ai marre. Je vais mourir.

Oui, j'ai fait exprès. On voit la fille de dos, qui se réflète dans le miroir du bar. On voit la machine à café. On entend les consommateurs dans le bar. En tout cas, si je réussis à faire du théâtre, ce ne sera pas grâce à toi. Il n'y a pas que le théâtre, dans la vie. Il y a aussi la vie, dans le théâtre. Qu'est-ce que ça peut faire ? On voit le barman, il a l'air de ne pas comprendre ce qui se passe. Oui, il ne faut pas abandonner. Moi je n'abandonne pas la musique. C'est comme avec les leçons d'anglais, ça ne t'intéressait pas vraiment. Justement, ce type veut faire des photos de moi. Peut-être que je vais faire du cinéma. Je voudrais voir ça… Ce que tu es méchant. Ce que tu es méchant, Paul. Non, sans blague, c'est toujours comme ça. Tu dis que tu m'aimes… Tout le monde est pareil. Finalement, tu me quittes parce que je n'ai pas d'argent. Il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même. 

Qu'est-ce que c'est ce regard ? Peut-être que je vais faire du cinéma. Se donner à soi-même ? Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Nous sommes venus te préparer à la mort. Est-ce maintenant déjà ? Quelle mort ? Sur le bûcher. Dis-moi comment tu peux toujours croire que tu es envoyée par Dieu ? Dieu sait où il nous mène, nous ne comprenons la route qu'au terme de notre chemin ! Oui, je suis son enfant. Et ta grande victoire ? Ce sera mon martyre. Et ta délivrance ? La mort. Il y a aussi la vie, dans le théâtre. Se donner à soi-même, qu'est-ce que ça veut dire ? On n'avait pas rendez-vous ? Un autre bar, ou le même, le soir, à onze heures. Vous avez des croissants encore ? C'était votre ami, le garçon, dehors ? Pas du tout, c'est mon frère. Ça vous étonne ? C'est comme ça. Elle est à vous, la voiture rouge, devant ? C'est quoi comme marque, une Jaguar ? Non, une Alfa-Roméo. Ça vous intéresse les voitures ? Oh non, moi j'y connais que couic ! Et ces photos, vous voulez qu'on les fasse quand ? Il faut se prêter aux autres. C'est vous qui décidez. Maintenant… Franchement, vous croyez que je peux faire du cinéma ? Ça m'ennuie un peu de me déshabiller. Un tout petit peu, vous savez, qu'est-ce que ça peut faire ? Ça vous ennuie de me prêter deux mille francs ? Non mais je ne les ai pas. 

Police. Interrogatoire de Nana. Elle est revenue vers moi et elle m'a regardée longtemps dans les yeux. Alors moi je lui ai rendu l'argent. Pourquoi est-ce qu'elle a porté plainte alors ? Je ne sais pas, je trouve ça lamentable de sa part. À Paris, vous n'avez personne chez qui aller ? Quelquefois des amis. Des garçons ? Quelquefois. Pourquoi vous ne demandez pas une avance là où vous travaillez ? Je l'ai déjà fait très souvent… Qu'est-ce que vous allez faire alors ? Je ne sais pas. Je veux… être une autre. Il faut se prêter aux autres et se donner à soi-même. 

Il allume une cigarette, il ouvre le tiroir de la table de nuit. Il y a du savon et une serviette sur la commode. Elle tire les rideaux. Il lui demande si elle fume. Elle enlève son manteau et s'asseoit sur le lit. Combien vous voulez ? Je ne sais pas, c'est à vous à décider. Non, moi je ne sais pas. Quatre mille francs ? Vous me devez mille francs. Je n'ai pas de monnaie. Gardez-les, ça ne fait rien. C'est vrai, ce n'était pas pour avoir plus. Vous vous mettez toute nue alors. Oui. Pourquoi pas sur la bouche ? Il faut se donner à soi-même.

Après nous sommes allés écouter Joan Baez. (…)