An 2000 : Un Nouveau Directeur pour la Musique à Gossanville !
Vagir à Gossanville : Quelle a été votre première impression quand vous êtes arrivé au conservatoire de Gossanville ?
Patrick Sébastien : La première chose qui m’a frappé, c’est la prof de chant. Elle est sympa c’est pas croyable. Bon, ok, c’est vrai que quand on lui fait la bise, on a l’impression d’avoir pris une douche [rires]. Non, mais, sérieux, elle est hyper comme nana. Elle est toujours partante pour aller chanter le « Pierrot lunaire » dans les cités hot, et après elle rentre complètement pétée, mais tout ça c’est vachement sympa, quoi ! Pi tu vois, c’qui m’plaît aussi c’est qu’un jour elle m’a dit comme ça, entre hommes : « Finalement j’aime pas trop le chant classique. » Moi : « Ah bon, ben pourquoi Nicole ? » « Ben parce que tu vois, j’trouve ça assez limité finalement ! » C’que ça montre, c’est qu’y a des profs qui s’posent des questions, tu vois, et ça c’est positif !
Moi c’que j’veux, enfin, c’que j’voudrais, c’est qu’les gosses y soient tous accueillis dans la boîte, tu vois. C’est hyper-important ça. D’ailleurs, faut r’connaître un truc qu’est bien : c’est pas cher pour qu’les gosses y soient inscrits au conservatoire, là j’m’incline, quoi. Respect ! D’ailleurs j’ai dit à mon boss qu’l’concert de Noël à 12 balles c’était trop hard et lui, bingo !, il a dit bon ben c’est gratuit alors ? Moi j’ai dit oui, tu vois, on s’comprend ici. (C’est ça qu’est bien…)
Ah oui pi y a un truc, alors là j’dis warnings ! question méthodologie tu vois, c’est le nom de la boîte ! Ben oui, y s’appelle « conservatoire » ! Tu vois le truc ? CONSERVatoire ? Non, tu vois pas ? Bon j’t’esplique : c’est un truc d’étymologie : dans conservatoire y a conserve ; conserver, quoi !
V A G : Conservateur ?!
P S : Voilà ! C’est ça… Alors là j’ai dit à mon boss : tu vois, si tu veux qu’les gus y s’pointent dans la baraque, c’est pas bon, le truc de conserver !
V A G : Et qu’est-ce qu’il a répondu le Maire ?
P S : Oh ben tu parles ! Il a pigé tout de suite tu vois, vu qu’ici c’est plutôt des mecs qui regardent devant, quoi ; genre faut qu’ça bouge urgent, des progressistes, quoi !
V A G : Oui, c’est des communistes ici…
P S : Voilà. Des mecs de gauche qu’assurent ! T’imagines : y a le « Point J », et nous on continuerait à s’appeler le conservatoire ?! Ouah la honte ! Mais bon il a pigé tu vois. Alors c’est là qu’j’ai lâché mon concept, la botte secrète, le talon d’Achille, la super-méthodologie de choc qui t’la coupe !
V A G : Ben, c’est quoi ?
P S : On appellerait ça « La Maison des Musiques »…
V A G : …
P S : Tu vois l’astuce ?
V A G : Ah ouais !
P S : Putain c’est bon ça non ?
D’abord : La Maison. (Tu notes les majuscules, hein ?) Alors la Maison, parce qu’une maison, tu vois, c’est un site qu’est accueillant, ça fait chaud au cœur, y a des synergies d’partout because on s’sert les coudes ; comme une famille QUOI ! (D’ailleurs j’en profite pour annoncer à tous qu’on va refaire la tapisserie, faut que ce soit comme la piaule à tes gosses, qu’ils puissent amener la photo d’leur chien, d’la mamie même si y veulent, enfin, tu vois, qu’y s’y sentent pas dépaysés…) Faut qu’tout ça soit convivial, quoi ! Non, la faisabilité d’la chose m’inquiète pas, pour répondre à une question que tu m’as pas posée.
Bon, j’en étais où ?
V A G : La Maison.
P S : Ah ouais… La Maison DES Musiques. Là, faut qu’tu notes le PLURIEL !
V A G : Comme la gauche, c’est ça ?
P S : Oh putain, j’y avais pas pensé… C’est encore plus dingue que j’croyais ! La gauche plurielle. Ouais t’as raison. Pfffui… Putain j’en transpire. Tu vois j’veux dire, quand on se met à réfléchir, hein, ça démarre pi après tu vois, c’est non stop, long long ago…
Donc, bon, ouais, le Pluriel avec un P majuscule et les Musiques avec un M et un S majuscules. Alors là, warnings ! Faut bien suivre, là, hein ! Faut savoir qu’à la base y a toujours eu DES MUSIQUES, tu vois, déjà le pluriel, hein ! Même sous Mozart, tu vois, on nous dit bon y a Amadeus, pi Haydn, pi Beethoven ! Taratata, mon œil ! Ça c’est de trucs de pouvoir, c’est déjà…
V A G : … de l’élitisme ?
P S : BINGO ! Pareil qu’aujourd’hui, y a rien de nouveau comme quoi… Ben tu vois avec les chercheurs, le CNRS, le CERN, Saclay, le Pentium III, enfin tout le truc quoi, on a retrouvé des enregistrements…
V A G : Ah bon ?!
P S : (…) Ouais, enfin, tout comme, y avait déjà d’la musique populaire hein, faut pas croire ! Des trucs de ouf, hein, hyper-savants en fait, tu vois Debussy (ça c’est un mec !) y disait en c’temps-là (…) qu’la musique indienne…
V A G : … balinaise ?…
P S : Ouais c’est pareil, et ben qu’la musique balinaise c’était plus costaud que Palestrina, tu vois le truc ?! Les mecs y z’avaient inventé des gammes que même Debussy, tout Debussy qu’il était, il les connaissait même pas dis-donc !
Enfin, pour revenir à ceux en perruques, là, ben y avait déjà du festif à c’t’époque, y f’saient la fête en tapant sur leurs bassines j’te dis pas, ça cartonnait déjà la polyrythmie du Bronx. Chaud ! Bon, bref, tout ça pour dire qui faut qu’tout le monde y puisse s’éclater, quoi, j’veux dire, on va pas leur prendre la tête avec des histoires de tonalités, d’enharmonies et tout le saint frusquin. Un peu de spontanéité, un peu de VIE. Moi je plaide pour la VIE. Je défends le vivant. Eh ! On est au XXIe siècle, non ? Je sais, je sais, j’entends déjà certains me dire : « Et l’exigence, et la qualité ? » (Et pourquoi pas la tradition, pendant qu’on y est !?)
V A G : Qui ?
P S : Oh, je ne nommerai personne. Y se reconnaîtront. Peu importe, faut pas polémiquer. Moi tu vois j’fais pas de philosophie, hein, j’vais droit au concret, au réel, à la vie, aux préoccupations des gens ! Et les gens c’qui veulent c’est pas des théories fumeuses et du Gesualdo de salon, hein, les gens y veulent pas des profs du XIXe, genre les spécialistes de la spécialité, psycho-rigides et agrippés à leurs petits privilèges, tu vois, y veulent des enseignants ouverts, sans préjugés, qui les écoutent (important ça, l’écoute !), qui savent dialoguer, et si le mec y prend son biniou pour initier un chorus, faut qu’le prof en face y soit capable de faire le bœuf en hypolydien californien, tu vois, c’est ça qui veulent les gosses, de l’interactif !
Déjà, faut être clair dans sa tête : est-ce qu’on se situe dans l’artistique ou dans le culturel ? Pour résumer, je dirai : interactivité + convivialité + ouverture, c’est ce qu’on devrait mettre à l’entrée d’la Maison ! Faut absolument qu’on puisse bosser au quotidien dans des structures qui fédèrent les énergies, ça c’est le but du jeu !
V A G : Patrick. Tu permets que je t’appelle Patrick, hein ? J’commence à me sentir hyper à l’aise…
P S : Vas-y mon gars, on est tous dans l’même bateau… Le servispublik !
V A G : Patrick, que penses-tu des hiérarchies musicales et artistiques ?
P S : Tu rigoles ou quoi ? Tu m’fais d’la peine avec ta question, là ! T’as pas encore compris qu’il existe qu’une seule sorte de musique ?
V A G : Ah ben… et le Pluriel alors ?
P S : Non mais attends, tu l’fais exprès ou quoi ? C’que j’veux dire, c’est qu’la bonne musique elle est UNE…
V A G : … et indivisible !
P S : Bon, ça va laisse tomber la philosophie, ok ? Quand je dis qu’elle est une, j’veux dire que toutes les musiques sont égales, quoi ! J’vois pas pourquoi j’irais, moi, le dirlo de La Maison Des Musiques, dire à un gosse du 162 que son groove à lui vaut pas la Grande Fugue ! Je vois pas du tout ce qui me justifierait dans cette démarche ! À la base y a 7 notes, enfin 12, et pi chacun les enfile comme y veut, hein, après ça, c’est un jugement culturel, c’est sûr ! Moi chuis pas curé, chuis musicos ! Y a pas d’absolu là-dedans, tu vois, tout est relatif, le DJ qui groove à mort ou les musicos indiens qui font des rythmes hyper-complexes ou un quatuor d’hélicoptères, pour moi c’est PAREIL que Don Giovanni ; y a pas d’raison ! J’peux en parler, j’ai tout fait !
V A G : Merci pour la transition ; parle-nous de ton parcours, Patrick.
P S : Bon là tu vois, chuis assez fier. Ouais, non, j’veux dire, c’est pas le parcours de tout le monde, quoi. J’vais le dire en 2 mots : j’me suis ouvert ! Finies les barrières, les frontières, vive la tolérance, l’éclectisme, le métissage, le mélange, l’hybride, l’impur, la démocratie, la Modernité, quoi ! J’ai commencé hypra-classique, et puis j’ai découvert le jazz (Larry Corée et Clapton Tea…), la musique baroque, et tout a suivi… Ah, on se prend à rêver que tout le monde fasse pareil, non ?
V A G : Une grande marche vers la liberté ?
P S : C’est tout à fait ça. [Pas de rires] Là j’me sens à l’aise, tu vois, bien dans ma peau, on va dire : si j’ai envie dans un récital de mixer Marin Marais et Claude François, et de le faire en duo avec un mec derrière son Mac, pourquoi pas ?
V A G : Pourquoi pas !
P S : Y a un truc que j’veux dire et qui me paraît important (surtout qu’avec l’équipe pédagogique du cons… d’la Maison Des Musiques, on va mettre en place une réflexion concrète sur comment, au jour d’aujourd’hui, bâtir un Projet actuel qui redéfinirait les rapports enfants/enseignants) c’est que moi en tout cas, j’me sens toujours un élève, tu vois ! J’veux dire qu’à la base j’ai pas la prétention du Savoir avec un grand s, si tu vois ce que je veux dire. Non. J’me mets en situation de donner, mais aussi de recevoir, et, en ce sens-là, automatiquement, j’me sens hyper-proche de quelqu’un comme Jean-Sébastien, ou même —pourquoi pas ?— de Cabrel. Les gosses, faut pas croire, y z’arrivent chez nous, y z’ont déjà un Projet musical, hein ! Y savent très bien ce qu’ils ont envie. Faut juste leur donner les outils, les moyens, le média, un lieu, après ça, y s’débrouillent, y z’inventent leur code, quoi ! Faut s’méfier des certitudes. C’est sûr que pour moi Chostakovitch c’est le top, mais si le gosse il arrive avec Merzak Batavia en background, y faut que j’laisse tomber mes préjugés et que j’m’y mette, quoi ! C’est tout. Et là, peut-être qu’après 4 mois de travail intensif sur Merzak Batavia, j’pourrai glisser au gosse : « Bon ; ok, c’est super, mais Chosta, tu connais ? » Y a des passerelles à créer, tu vois, dans tous les sens, c’est ça qu’est excitant, c’est un challenge. On est au début. Tout est à faire, à inventer ! Un exemple : la mise en résidence de groupes rock, ça c’est une idée que j’ai eue…
V A G : Une dernière question, Patrick Sébastien : on a pu lire ce graffiti sur les murs de l’ex-conservatoire : « Le son inconnu de sa jouissance. » Qu’est-ce que cela signifie ?
P S : Ah… Je sais pas. Je suis pas au courant.
V A G : Merci, Patrick ! Et bon vent à toi !
P S : Cool…
Patrick Sébastien : La première chose qui m’a frappé, c’est la prof de chant. Elle est sympa c’est pas croyable. Bon, ok, c’est vrai que quand on lui fait la bise, on a l’impression d’avoir pris une douche [rires]. Non, mais, sérieux, elle est hyper comme nana. Elle est toujours partante pour aller chanter le « Pierrot lunaire » dans les cités hot, et après elle rentre complètement pétée, mais tout ça c’est vachement sympa, quoi ! Pi tu vois, c’qui m’plaît aussi c’est qu’un jour elle m’a dit comme ça, entre hommes : « Finalement j’aime pas trop le chant classique. » Moi : « Ah bon, ben pourquoi Nicole ? » « Ben parce que tu vois, j’trouve ça assez limité finalement ! » C’que ça montre, c’est qu’y a des profs qui s’posent des questions, tu vois, et ça c’est positif !
Moi c’que j’veux, enfin, c’que j’voudrais, c’est qu’les gosses y soient tous accueillis dans la boîte, tu vois. C’est hyper-important ça. D’ailleurs, faut r’connaître un truc qu’est bien : c’est pas cher pour qu’les gosses y soient inscrits au conservatoire, là j’m’incline, quoi. Respect ! D’ailleurs j’ai dit à mon boss qu’l’concert de Noël à 12 balles c’était trop hard et lui, bingo !, il a dit bon ben c’est gratuit alors ? Moi j’ai dit oui, tu vois, on s’comprend ici. (C’est ça qu’est bien…)
Ah oui pi y a un truc, alors là j’dis warnings ! question méthodologie tu vois, c’est le nom de la boîte ! Ben oui, y s’appelle « conservatoire » ! Tu vois le truc ? CONSERVatoire ? Non, tu vois pas ? Bon j’t’esplique : c’est un truc d’étymologie : dans conservatoire y a conserve ; conserver, quoi !
V A G : Conservateur ?!
P S : Voilà ! C’est ça… Alors là j’ai dit à mon boss : tu vois, si tu veux qu’les gus y s’pointent dans la baraque, c’est pas bon, le truc de conserver !
V A G : Et qu’est-ce qu’il a répondu le Maire ?
P S : Oh ben tu parles ! Il a pigé tout de suite tu vois, vu qu’ici c’est plutôt des mecs qui regardent devant, quoi ; genre faut qu’ça bouge urgent, des progressistes, quoi !
V A G : Oui, c’est des communistes ici…
P S : Voilà. Des mecs de gauche qu’assurent ! T’imagines : y a le « Point J », et nous on continuerait à s’appeler le conservatoire ?! Ouah la honte ! Mais bon il a pigé tu vois. Alors c’est là qu’j’ai lâché mon concept, la botte secrète, le talon d’Achille, la super-méthodologie de choc qui t’la coupe !
V A G : Ben, c’est quoi ?
P S : On appellerait ça « La Maison des Musiques »…
V A G : …
P S : Tu vois l’astuce ?
V A G : Ah ouais !
P S : Putain c’est bon ça non ?
D’abord : La Maison. (Tu notes les majuscules, hein ?) Alors la Maison, parce qu’une maison, tu vois, c’est un site qu’est accueillant, ça fait chaud au cœur, y a des synergies d’partout because on s’sert les coudes ; comme une famille QUOI ! (D’ailleurs j’en profite pour annoncer à tous qu’on va refaire la tapisserie, faut que ce soit comme la piaule à tes gosses, qu’ils puissent amener la photo d’leur chien, d’la mamie même si y veulent, enfin, tu vois, qu’y s’y sentent pas dépaysés…) Faut qu’tout ça soit convivial, quoi ! Non, la faisabilité d’la chose m’inquiète pas, pour répondre à une question que tu m’as pas posée.
Bon, j’en étais où ?
V A G : La Maison.
P S : Ah ouais… La Maison DES Musiques. Là, faut qu’tu notes le PLURIEL !
V A G : Comme la gauche, c’est ça ?
P S : Oh putain, j’y avais pas pensé… C’est encore plus dingue que j’croyais ! La gauche plurielle. Ouais t’as raison. Pfffui… Putain j’en transpire. Tu vois j’veux dire, quand on se met à réfléchir, hein, ça démarre pi après tu vois, c’est non stop, long long ago…
Donc, bon, ouais, le Pluriel avec un P majuscule et les Musiques avec un M et un S majuscules. Alors là, warnings ! Faut bien suivre, là, hein ! Faut savoir qu’à la base y a toujours eu DES MUSIQUES, tu vois, déjà le pluriel, hein ! Même sous Mozart, tu vois, on nous dit bon y a Amadeus, pi Haydn, pi Beethoven ! Taratata, mon œil ! Ça c’est de trucs de pouvoir, c’est déjà…
V A G : … de l’élitisme ?
P S : BINGO ! Pareil qu’aujourd’hui, y a rien de nouveau comme quoi… Ben tu vois avec les chercheurs, le CNRS, le CERN, Saclay, le Pentium III, enfin tout le truc quoi, on a retrouvé des enregistrements…
V A G : Ah bon ?!
P S : (…) Ouais, enfin, tout comme, y avait déjà d’la musique populaire hein, faut pas croire ! Des trucs de ouf, hein, hyper-savants en fait, tu vois Debussy (ça c’est un mec !) y disait en c’temps-là (…) qu’la musique indienne…
V A G : … balinaise ?…
P S : Ouais c’est pareil, et ben qu’la musique balinaise c’était plus costaud que Palestrina, tu vois le truc ?! Les mecs y z’avaient inventé des gammes que même Debussy, tout Debussy qu’il était, il les connaissait même pas dis-donc !
Enfin, pour revenir à ceux en perruques, là, ben y avait déjà du festif à c’t’époque, y f’saient la fête en tapant sur leurs bassines j’te dis pas, ça cartonnait déjà la polyrythmie du Bronx. Chaud ! Bon, bref, tout ça pour dire qui faut qu’tout le monde y puisse s’éclater, quoi, j’veux dire, on va pas leur prendre la tête avec des histoires de tonalités, d’enharmonies et tout le saint frusquin. Un peu de spontanéité, un peu de VIE. Moi je plaide pour la VIE. Je défends le vivant. Eh ! On est au XXIe siècle, non ? Je sais, je sais, j’entends déjà certains me dire : « Et l’exigence, et la qualité ? » (Et pourquoi pas la tradition, pendant qu’on y est !?)
V A G : Qui ?
P S : Oh, je ne nommerai personne. Y se reconnaîtront. Peu importe, faut pas polémiquer. Moi tu vois j’fais pas de philosophie, hein, j’vais droit au concret, au réel, à la vie, aux préoccupations des gens ! Et les gens c’qui veulent c’est pas des théories fumeuses et du Gesualdo de salon, hein, les gens y veulent pas des profs du XIXe, genre les spécialistes de la spécialité, psycho-rigides et agrippés à leurs petits privilèges, tu vois, y veulent des enseignants ouverts, sans préjugés, qui les écoutent (important ça, l’écoute !), qui savent dialoguer, et si le mec y prend son biniou pour initier un chorus, faut qu’le prof en face y soit capable de faire le bœuf en hypolydien californien, tu vois, c’est ça qui veulent les gosses, de l’interactif !
Déjà, faut être clair dans sa tête : est-ce qu’on se situe dans l’artistique ou dans le culturel ? Pour résumer, je dirai : interactivité + convivialité + ouverture, c’est ce qu’on devrait mettre à l’entrée d’la Maison ! Faut absolument qu’on puisse bosser au quotidien dans des structures qui fédèrent les énergies, ça c’est le but du jeu !
V A G : Patrick. Tu permets que je t’appelle Patrick, hein ? J’commence à me sentir hyper à l’aise…
P S : Vas-y mon gars, on est tous dans l’même bateau… Le servispublik !
V A G : Patrick, que penses-tu des hiérarchies musicales et artistiques ?
P S : Tu rigoles ou quoi ? Tu m’fais d’la peine avec ta question, là ! T’as pas encore compris qu’il existe qu’une seule sorte de musique ?
V A G : Ah ben… et le Pluriel alors ?
P S : Non mais attends, tu l’fais exprès ou quoi ? C’que j’veux dire, c’est qu’la bonne musique elle est UNE…
V A G : … et indivisible !
P S : Bon, ça va laisse tomber la philosophie, ok ? Quand je dis qu’elle est une, j’veux dire que toutes les musiques sont égales, quoi ! J’vois pas pourquoi j’irais, moi, le dirlo de La Maison Des Musiques, dire à un gosse du 162 que son groove à lui vaut pas la Grande Fugue ! Je vois pas du tout ce qui me justifierait dans cette démarche ! À la base y a 7 notes, enfin 12, et pi chacun les enfile comme y veut, hein, après ça, c’est un jugement culturel, c’est sûr ! Moi chuis pas curé, chuis musicos ! Y a pas d’absolu là-dedans, tu vois, tout est relatif, le DJ qui groove à mort ou les musicos indiens qui font des rythmes hyper-complexes ou un quatuor d’hélicoptères, pour moi c’est PAREIL que Don Giovanni ; y a pas d’raison ! J’peux en parler, j’ai tout fait !
V A G : Merci pour la transition ; parle-nous de ton parcours, Patrick.
P S : Bon là tu vois, chuis assez fier. Ouais, non, j’veux dire, c’est pas le parcours de tout le monde, quoi. J’vais le dire en 2 mots : j’me suis ouvert ! Finies les barrières, les frontières, vive la tolérance, l’éclectisme, le métissage, le mélange, l’hybride, l’impur, la démocratie, la Modernité, quoi ! J’ai commencé hypra-classique, et puis j’ai découvert le jazz (Larry Corée et Clapton Tea…), la musique baroque, et tout a suivi… Ah, on se prend à rêver que tout le monde fasse pareil, non ?
V A G : Une grande marche vers la liberté ?
P S : C’est tout à fait ça. [Pas de rires] Là j’me sens à l’aise, tu vois, bien dans ma peau, on va dire : si j’ai envie dans un récital de mixer Marin Marais et Claude François, et de le faire en duo avec un mec derrière son Mac, pourquoi pas ?
V A G : Pourquoi pas !
P S : Y a un truc que j’veux dire et qui me paraît important (surtout qu’avec l’équipe pédagogique du cons… d’la Maison Des Musiques, on va mettre en place une réflexion concrète sur comment, au jour d’aujourd’hui, bâtir un Projet actuel qui redéfinirait les rapports enfants/enseignants) c’est que moi en tout cas, j’me sens toujours un élève, tu vois ! J’veux dire qu’à la base j’ai pas la prétention du Savoir avec un grand s, si tu vois ce que je veux dire. Non. J’me mets en situation de donner, mais aussi de recevoir, et, en ce sens-là, automatiquement, j’me sens hyper-proche de quelqu’un comme Jean-Sébastien, ou même —pourquoi pas ?— de Cabrel. Les gosses, faut pas croire, y z’arrivent chez nous, y z’ont déjà un Projet musical, hein ! Y savent très bien ce qu’ils ont envie. Faut juste leur donner les outils, les moyens, le média, un lieu, après ça, y s’débrouillent, y z’inventent leur code, quoi ! Faut s’méfier des certitudes. C’est sûr que pour moi Chostakovitch c’est le top, mais si le gosse il arrive avec Merzak Batavia en background, y faut que j’laisse tomber mes préjugés et que j’m’y mette, quoi ! C’est tout. Et là, peut-être qu’après 4 mois de travail intensif sur Merzak Batavia, j’pourrai glisser au gosse : « Bon ; ok, c’est super, mais Chosta, tu connais ? » Y a des passerelles à créer, tu vois, dans tous les sens, c’est ça qu’est excitant, c’est un challenge. On est au début. Tout est à faire, à inventer ! Un exemple : la mise en résidence de groupes rock, ça c’est une idée que j’ai eue…
V A G : Une dernière question, Patrick Sébastien : on a pu lire ce graffiti sur les murs de l’ex-conservatoire : « Le son inconnu de sa jouissance. » Qu’est-ce que cela signifie ?
P S : Ah… Je sais pas. Je suis pas au courant.
V A G : Merci, Patrick ! Et bon vent à toi !
P S : Cool…