lundi 2 septembre 2013

Petit portrait en prose (8)



Anne est un mystère. J'ai toujours eu envie d'elle. Même encore aujourd'hui, alors que je ne l'ai pas revue depuis dix ans, elle est la première héroïne de mes rêves érotiques, et de très loin. Et ces rêves érotiques sont toujours, toujours, toujours extrêmement réussis ; à la fois très sensuels, tendres, drôles, surprenants, d'une qualité inexplicable et mystérieuse. Pourtant je ne crois pas avoir été amoureux d'elle, non, en tout cas pas vraiment. Nous avons fait l'amour une seule nuit. 

Quand je l'ai connue, elle était encore une très jeune fille, qui passait devant chez moi pour aller chercher le lait, en couettes. Elle me faisait sentir que je n'avais aucune chance. Puis nous sommes devenus les meilleurs amis du monde. Je l'ai draguée de toutes les manières, comme peuvent le faire les amis, parfois, sans y croire vraiment… Quand elle a eu son premier fils, j'allais la voir lui donner le sein, et sa mère m'accueillait avec un petit sourire ironique qui signifiait qu'elle n'était pas dupe. Des seins somptueux, plantés un peu bas dans la poitrine… 

Elle habitait une maison au bout de la rue dans laquelle j'habitais, une impasse, je n'avais que cent mètres à faire pour aller la voir. Une nuit, je l'ai aperçue, nue, qui pissait, assise sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, dans la nuit chaude. Une de ces scènes qui vous marquent à jamais. Je n'en aurai jamais la confirmation, mais je me suis dit alors qu'elle l'avait fait pour moi. 

Ça fait trente-trois ans qu'on se connaît et je continue à rêver d'elle. De ces rêves merveilleux, je n'ai  jamais pensé à la remercier, mais je vais le faire tout de suite.