lundi 2 septembre 2013

Edith Éléonore Lapage



Je lui dis qu'elle a un beau cul mais ça ne lui plaît pas. T'as de beaux seins ! Non plus… De belles dents. Rien à foutre ! Ce qu'elle voudrait, c'est que je lui dise qu'elle écrit bien. C'est ça les femmes, aujourd'hui. Nous, les hommes, on continue d'en vouloir à leur cul, à leur ventre, à leurs cuisses, mais elles n'en ont plus rien à secouer de la marmaille et de la cuisine, de l'intérieur. L'Intérieur, de nos jours, c'est un ministère, point. Malentendu total. Qu'est-ce que j'en ai à faire qu'elle écrive bien ! De toute manière, quelqu'un qui me parle de "bien écrire", j'ai toujours envie de rire. Bien écrire ? Mais qu'est-ce que c'est que cette connerie ? Et ta sœur, elle écrit bien ? Et ton perroquet maltais, il écrit bien ? Non, vraiment, on est foutus. Comment voulez-vous qu'on perpétue l'espèce avec des femmes qui veulent qu'on leur dise qu'elles écrivent bien ? « T'écris vachement bien, Nicole ! C'est dingue, j'suis sur le cul. » Bon, OK, maintenant, quand est-ce qu'on baise ? Ça va devenir obscène, de faire l'amour, de fabriquer de l'humain ? C'est pas avec des Christine Angot qu'on va peupler la France ? Remarquez, vaut mieux. C'est avec ton Macbook Pro que tu vas fonder une famille, Nicole ? C'est avec ton iPhone que tu vas t'élargir les hanches ? C'est avec ton Mont Blanc que tu vas apprendre à ton fils à se torcher ?  Et quand tu auras enfin compris que ce que tu écris ne vaut pas un clou, parce que ça va prendre du temps, tu la regarderas comment, ta vie ? Tu vas finir ta vie sans avoir appris à faire une blanquette ? Comme une vieille peau trop bronzée fragile des os avec un gigolo qui la conduit dans sa Jaguar à des signatures en province ? Tu feras partie de jurys littéraires qui se réunissent à la Coupole ou aux Deux Magots, des jurys composés de vieilles peaux trop ridées et trop bronzées qui boivent trop de vin blanc ? Vous allez vous éclater, hein !

Je veux être éditée ! É-di-tée. J'écris avec mes tripes. C'est ça que j'ai en moi. Du ressenti brut, violent, en pleine crise, brûlant et hurlant, c'est ça, des tripes en ébullition, du boudin de neurones, c'est la guerre, là-dedans, c'est la guerre incivile et volcanique, je me lave avec la lave qui coule en moi, dans la veine de mon stylo en transe, dans les artères hypertendues de ma crypte baveuse et rougie de rage. Rien à foutre, des culs talqués, des couches merdeuses, du sein qui pisse le lait et des réunions de parents d'élèves. Mon père m'a violée, enfin, peut-être pas, mais c'est comme ça que je me vois, comme une fille violée par son père, haïe par sa mère, comme une femme incomprise de son mec, ce con macho et ringard qui ne pense qu'à tirer sa crampe alors que j'ai la crampe de l'écrivain. Mais j'ai une autre bite en main, une bite noire, qui pisse de l'encre, son foutre noir, et qui ne débande jamais. Toujours prête ma bite noire, toujours dans mon sac, toujours qui aime à se faire branler par mes petites mains nerveuses. C'est ça l'inspiration, c'est cette bite qui ne débande jamais. Je me suis fait tatouer un Mont Blanc sur la fesse gauche. Comme ça, chaque fois qu'il me baise, ce con, il ne peut pas ignorer à quoi je pense, même si je lui dis ce qu'il a envie d'entendre. Oui, je suis ta salope ! Oui, fais-moi un gosse ! ÉDITÉE, gros con. Et je ne m'appelle pas Nicole, mais Edith ! Edith Éléonore Page.