lundi 24 août 2009

Fermez les yeux !


« La plupart des solistes qui se produisaient au Birdland devaient attendre la sortie d'un nouveau disque de Parker pour savoir ce qu'ils devaient jouer. Que vont-ils faire à présent ? »

(Charles Mingus)


« Charlie Parker est arrivé. Puis Mingus qui a accordé sa basse. Et Bud Powell qui semblait totalement absent. Il était devant son piano, mais ne le touchait pas. Tout cela se passait dans l'indifférence générale… Il y avait beaucoup de monde du fait que c'était un samedi. Mais personne ne s'intéressait à ce qui se passait sur scène. Parker lança un titre à Bud Powell. Ce dernier joue l'introduction de "Little Willie Leaps", puis s'arrête de jouer. Mingus pose sa basse par terre. Parker le voit partir, et tout en jouant d'une seule main le rattrape et lui fait signe de continuer à jouer. Finalement, Bud Powell se retourne vers le public, tournant le dos au piano, les coudes sur le clavier, le regard "out of this world". Il se passait un drame ; le public était toujours indifférent. Parker, Mingus et Blakey ont joué seuls. Ils ont joué le blues. Avec un volume… comme des dingues. Moi je prenais des photos… Trois jours après, mon copain arrive et me dit : Charlie Parker est mort ! »

(Marcel Zanini)

« Mesdames et Messieurs, je vous prie de ne pas m'associer à tout cela. Ce n'est pas du jazz. Ce sont des malades. »

(Charles Mingus)


Le médecin revient chaque jour et pose à Bird quelques questions de routine et notamment s'il boit de l'alcool. Celui-ci répond, ironique : « Juste un verre de sherry, parfois, avant le dîner. » Au bout de trois jours, son état semble s'améliorer et on l'autorise à regarder Tommy Dorsey à la télévision. « Nous l'avons calé dans une chaise longue, avec des oreillers et des couvertures. L'émission lui plaisait. Bird était un fan de Dorsey. "C'est un merveilleux tromboniste", disait-il. Puis est venu le moment où les jongleurs faisaient voltiger des briques qui restaient collées ensemble. Ma fille demandait comment ils faisaient, Bird et moi prenions des airs très mystérieux. Soudain, ils ont laissé tomber les briques, nous avons tous éclaté de rire. Bird a ri bruyamment puis a commencé à s'étouffer. Il s'est redressé, a hoqueté deux fois, et il est retombé dans sa chaise. J'ai sauté sur le téléphone pour appeler le médecin."Ne t'inquiète pas, Maman, m'a dit ma fille, il va bien maintenant." Je suis allée prendre son pouls. Il avait la tête penchée en avant. Il était inconscient. Je sentais toujours son pouls. Puis il s'est arrêté. Je ne pouvais pas le croire. Je sentais mon propre pouls. J'essayais de croire que mon pouls était le sien. Mais je savais vraiment que Bird était mort. Au moment où il s'en alla, il y eut un énorme coup de tonnerre. »

(Baronne Pannonica de Kœnigswarter, in Charlie Parker, de Hugues Le Tanneur)