jeudi 7 août 2014

Le Maître et la Sonate (7)


Dans son livre intitulé Formes sonates, Charles Rosen parle ainsi de la forme sonate premier mouvement

« Il s'agit probablement de la série de formes la plus complexe et la plus solidement organisée à cause de la tendance en vigueur à la fin du XVIIIe siècle, qui consistait à concentrer l'essentiel du discours musical dans le mouvement initial ; ce mouvement avait donc besoin de la structure la plus élaborée et la plus dramatique. C'est son schéma qui magnifie, plus que tout autre, la polarisation de l'harmonie, du matériel thématique et de la texture. 

La forme premier mouvement comporte deux sections. L'une ou l'autre peut faire l'objet d'une reprise, mais la seconde est rarement reprise lorsque la première ne l'est pas. Les premières mesures définissent comme cadre de référence un tempo précis, une tonique, un matériel thématique caractéristique et une texture. La polarisation sur la tonique et sur la dominante apparaît au sein de ces références : elle est renforcée par la discontinuité de la texture (position des cadences, changement de rythmes, nuances), puis prolongée, et enfin résolue.

Pour comprendre la structure de chaque mouvement pris individuellement, il faut chercher où se produisent les ruptures dans la texture et comment elles se rattachement à la forme harmonique globale et à l'ordre thématique. Telle est, approximativement, la position du théoricien du XVIIIe siècle : il recherchait essentiellement où et comment se plaçaient les cadences. Dans la sonate, les cadences sont renforcées par une courte pause, par des changements subits du rythme harmonique ou par l'apparition d'un nouveau thème. L'ordre thématique est essentiellement un aspect qui relève de la texture : l'apparition d'un nouveau thème — ou la réapparition d'un thème ancien — marque une nette cassure dans la texture lorsque ce thème possède un contour mémorisable, clairement défini ; l'arrivée d'un thème renforce un point structurel, produit un événement, un moment d'articulation. La coordination de l'harmonie, de la texture et du schéma thématique définit chaque point structurel sur le plan dramatique comme une interruption du flux superficiel de la musique. Lorsque ces éléments sont déphasés les uns par rapport aux autres, ce qui est souvent le cas sous la plume d'un compositeur à l'écriture élaborée, le style sonate accentue généralement ce phénomène de façon que l'absence apparente de coordination constitue en elle-même un effet dramatique — comme lorsque Haydn fait entrer furtivement une réexposition au milieu d'une phrase ou lorsque Beethoven commence la réexposition de l'opus 111 avant la résolution sur le premier degré. »


« La première répétition de la symphonie fut terrible, mais le corniste entra pile au moment prévu. Je me tenais à côté de Beethoven et, croyant que le musicien avait fait une entrée hâtive, je dis : "Ce maudit corniste ! Ne sait-il pas compter ? Cela sonne affreusement faux !" Je crois que j'ai été à deux doigts de me faire chauffer les oreilles. Il a fallu un long moment avant que Beethoven ne me pardonne. » (Ferdinand Ries)