lundi 3 septembre 2012

Orchestre

Des amis me demandent souvent pour quelle raison les instruments ne sont pas toujours disposés de la même manière dans un orchestre symphonique. 

Voici les principales dispositions habituelles :

disposition "européenne" 
 disposition américaine
 disposition allemande
disposition viennoise

Au XIXe siècle, la disposition européenne était la norme, elle le restera jusque dans les années 1920. Elle repose sur le principe "antiphonique", séparant premiers et seconds violons, qui se font face de part et d'autre du chef, les premiers à gauche, les seconds à droite. Elle permet donc de mieux percevoir les deux parties de violon et leurs jeux de réponses et d'échos. En 1920, le Britannique Leopold Stokowski invente à Philadelphie ce qui deviendra la disposition "américaine" : il réunit premiers et seconds violons en un groupe compact à sa gauche, les violoncelles prenant la place des seconds violons à la droite du chef. Serge Koussevitsky l'adoptera à Boston en 1925. Cette modification est essentiellement due à l'essor du disque. Les techniques d'enregistrement naissantes, avant la stéréo et les pistes multiples, s'accommodaient mieux d'une nette séparation des registres : les violons d'un côté, les violoncelles de l'autre, étaient plus faciles à capter par les micros. Cette disposition s'imposa bientôt : les photographies de la fondation de l'Orchestre national attestent encore la disposition européenne avec Ingelbrecht en 1934, mais celles de la première tournée aux États-Unis avec Charles Munch, en 1948, montrent les violoncelles à droite. Munch ne fut pas le seul à importer cette disposition américaine en Europe : Mengelberg l'imposa au Concertgebouw d'Amsterdam où elle est encore pratiquée, tout comme Sir Thomas Beecham au London Philharmonic, suivi par la plupart des formations londoniennes. Bernstein et Celibidache font partie des chefs qui préféraient avoir les violoncelles à leur droite. Aux États-Unis, Toscanini resta quant à lui fidèle à la disposition européenne, avec premiers et seconds violons de part et d'autre du chef et contrebasses à gauche.
Au même moment, une autre variante s'imposait dans plusieurs orchestres allemands : premiers et seconds violons y sont groupés à gauche comme dans la disposition américaine, mais ce sont les altos qui prennent place à droite et non les violoncelles. C'est la disposition du Philharmonique de Berlin depuis Furtwängler, Karajan y resta fidèle toute sa vie, l'imposant aussi à l'Orchestre de Paris où elle est toujours de mise. C'était la disposition favorite de Carlo Maria Giulini. Et lorsque Kurt Masur prit la direction de l'Orchestre national de France en 2002, il demanda à son tour aux altos et violoncelles de permuter pour voir les altos à sa droite, comme il y était habitué au Gewandhaus de Leipzig. Avantage de cette disposition : faisant face aux chefs, les violoncelles projettent le son directement vers la salle et sont donc plus audibles. Inconvénient pour eux : coincés entre les seconds violons et les altos, ils disposent de moins d'espace pour déplacer leur archet.

(…)
(extrait de Au cœur de l'orchestre, de Christian Merlin, aux éditions Fayard)