lundi 28 juillet 2025

Pas de bidet

 


Je lui donne des billets mais il m'en réclame d'autres. Je fouille dans mes poches et je ne trouve que des mouchoirs en papier et un trousseau de clefs. Alors je lui crache au visage et m'enfuis en courant. Quand je m'arrête pour reprendre mon souffle, il a disparu. Je marche sur le boulevard de Clichy en direction de la place Blanche. J'ai la vessie pleine. Une fille me hèle. Pourquoi pas, je pourrai sans doute pisser, dans la chambre, même si c'est dans le bidet.

J'ai complètement oublié que j'ai donné tout mon argent à ce salopard et je n'y pense qu'au moment où elle me demande « son petit cadeau ». Alors je fonds en larmes. Du coin de l'œil, je vois qu'elle hésite sur la conduite à tenir, mais contre toute attente, elle me prend dans ses bras et me demande ce qui ne va pas. Son parfum est puissant, mais il ne réussit pas à masquer une vague odeur de pisse. La chambre est minable et le couvre-lit m'inquiète un peu. Je n'ai pas envie d'attraper des cochonneries. Je lui dis que j'ai une envie pressante et elle me montre le lavabo. J'ai un peu de mal à lâcher prise devant elle mais je réussis quand-même à me soulager. Tout en me rinçant la queue à l'eau froide, je lui avoue que je n'ai pas d'argent. Alors tu dégages, me dit-elle très calmement, sans colère. En montant les escaliers, on a croisé un type assez impressionnant qui était posté entre deux étages en train de fumer une cigarette. Je comprends pourquoi elle n'est pas inquiète. Il est là pour veiller à ce que tout se passe bien. Les filles se mettent à plusieurs et louent des types comme ça, qui savent se battre et qui aiment ça, et qui ont souvent un couteau en poche. Je n'insiste pas et je remballe la marchandise. Sur le pas de la porte, je lui demande son nom, sans me faire d'illusions, elle va sans doute me donner un prénom bidon. Franciane, me répond-elle. Je reviens vers elle et lui fais la bise. Elle me dit : attends, je redescends avec toi. Mais avant ça, elle aussi en profite pour pisser. 

Quand elle a fini, elle s'asseoit sur le lit, se déchausse et masse ses pieds en soufflant. Je m'approche d'elle et prends le relai. Elle se laisse faire. C'est bon, qu'elle me fait, tu masses bien. Oh putain, qu'elle lâche en se laissant tomber en arrière, continue, ça fait un bien fou. Tu t'appelles vraiment Franciane, je lui demande. Je te raconte pas de bobards, je m'en fiche, que tu connaisses mon prénom. Mais ici on m'appelle France. J'insiste sur le gros orteil. Elle miaule doucement. J'ai pas tout perdu, je me dis, en reluquant un peu ses seins qui ont l'air énormes. Comme elle a fermé les yeux, je peux faire le tour de la question et je passe au talon. Bon, faut y aller, qu'elle me dit en se redressant. Cette fois-ci, c'est elle qui dépose un baiser sur ma joue et me gratifie d'un sourire. Elle n'est pas moche, quand elle sourit. Pendant qu'elle se rechausse, je lui demande si elle sera encore là dans trois heures. Oui, je viens de commencer. Alors, je reviendrai, et cette fois j'aurai de l'argent. Comme tu veux, mon chou. Je bouge pas. Si tu me vois pas en bas, attends-moi dans l'entrée, ce sera pas trop long. Et toi, tu t'appelles comment ? Gérard. 


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