lundi 9 décembre 2019

Méthode


L'art, c'est très simple. Prenez un grand artiste et imitez-le. Votre maladresse à le copier produira forcément une œuvre originale. Moi, en tout cas, c'est comme ça que je procède. Et ce qu'il y a de bien, avec mon système, c'est que plus on est maladroit, plus on fait quelque chose d'original, puisque le résultat, la plupart du temps, est très éloigné de son modèle.

Ceux qui ne veulent pas copier sont souvent accusés de le faire, alors que ceux qui, comme moi, le veulent (mais n'y parviennent pas), sont tranquilles : on ne les accusera jamais de plagiat. Non, je vous assure, mon système n'a que des avantages. Et puis, il arrive qu'à force de copier quelqu'un, on finisse par le comprendre — et parfois mieux que lui-même. C'est en quelque sorte un bénéfice collatéral, mais qui n'est pas négligeable.

Une fois qu'on aura bien copié X, et que conséquemment on sera un peu las de s'acharner sur lui, on passera à Y, qui, à son corps défendant, récoltera un peu de la main acquise chez X. Ce n'en sera que plus intéressant, quant au résultat. Et l'on procèdera de la sorte, jusqu'à ce qu'on ait suffisamment dérivé, de modèle en modèle, pour en arriver, sans s'en rendre compte, à ne plus copier que l'artiste qui n'existe pas encore, ou qui n'existe plus que dans la mémoire d'un personnage de roman oublié de tous — roman qui pourra éventuellement avoir été copié d'un autre roman, imaginaire celui-là.

On le voit, les possibilités sont immenses. Parmi elles se trouve même celle d'acquérir un jour un vrai talent. Ce n'est pas forcément souhaitable, mais il faut pourtant envisager sereinement la chose, ne serait-ce que pour ne pas avoir l'air de découvrir la lune en cherchant la porte du jardin.