lundi 23 décembre 2019

Partition


Nous placions les femmes au plus haut. La partie la plus exaltante de notre vie n'était qu'un long détour pour tenter de les rejoindre dans le continent mystérieux qu'elles habitaient. Depuis que leur principale raison d'être est de singer l'homme, elles ont perdu tout intérêt et tout attrait. Imiter l'homme les a considérablement appauvries, quand ça ne les a pas anéanties. Croyant acquérir des pouvoirs supplémentaires, c'est le contraire qui s'est produit : elles se sont dessaisies de leurs sortilèges. Plus complexes que les hommes, plus élaborées, plus nuancées, plus chatoyantes, elles sont désormais tristement incarnées, schématisées grossièrement à l'aide d'un vocabulaire qui leur convient autant qu'un parapluie à une grenouille. 

Le génie de la Création est d'avoir fait des êtres complémentaires, différents, souvent antagoniques. Dieu n'est pas maladroit à ce point : s'il avait voulu qu'hommes et femmes soient pareils, il se serait contenté d'un seul sexe. La différence sexuelle est la partition première, elle est la mère de toutes les oppositions — il s'agit bien d'une opposition, non d'une apposition. Vouloir abolir cette différence-là, c'est bafouer le principe même de l'humanité, c'est stériliser le germe de toute vie et de toute création, qu'elles soient organiques ou spirituelles. 

Les femmes d'aujourd'hui sont comparables à des compositeurs qui, ressentiment, bêtise ou conformisme social, n'utiliseraient que le mode majeur, croyant qu'il n'est qu'une version améliorée du mode mineur. Pour mesurer l'appauvrissement qu'elles ont fait subir à Éros et à Philia, il suffit d'imaginer cinq siècles de musique amputée du mode mineur (disant cela, je minimise gravement le dommage subi : en effet, supprimant un des deux modes d'expression musicaux, c'est bien plus que la moitié de son potentiel qui tombe, car un mode ne parvient à sa pleine efficacité qu'en s'appuyant sur son contraire — même s'il est en lui-même riche de grandes qualités). C'est un peu comme si, lisant la Bible, nous nous contentions du Nouveau Testament.