Venir jour après jour sur Facebook m'est de plus en plus pénible. Le ronron… Je lis toujours les mêmes choses. C'est comme un bruit de fond qui ne varie jamais. Les femmes se montrent, ou montrent leurs enfants. Les plaintes et les colères politiques s'ajoutent les unes aux autres jusqu'à former une pâte molle et ronde qui tourne sur elle-même. Les blagues s'enchaînent aux blagues. Bonjour bonsoir. Plateaux de phrases sans nerfs. Colis d'images sans profondeur. On est perfusé à la bouillie, raboté à la faute de français. Désespoir atone. Langue chargée. Foie fatigué. Quelle chiasse ! Et ces petits cœurs par millions, qui forment une théorie de c'est-mon-choix sucrée aux additifs alimentaires… Ça fume, ça barbote, ça mijote doucement. Quel dieu fatigué a imaginé pareille horreur ? L'enfer est là, on est dedans, on y participe gentiment, la main sur l'estomac. On peut entrer mais il n'y a pas de sortie.
Jadis, j'avais un phallus.
On leur a raconté que là ils pourraient s'exprimer, vendre leur camelote, parler au monde entier, vitupérer utile — et ils l'ont cru. Ils ne voient pas que cette chambre d'enregistrement est une chambre sourde qui avale leurs plaintes, leurs cris, leurs larmes, leurs sentiments et leurs pensées. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout reste à l'intérieur. C'est un monde clos. Une oreille extérieure n'entend rigoureusement rien. C'est le Logos renversé, annulé. C'est une invention géniale.
Jadis, j'avais une vie.