samedi 24 février 2018

JH, après JC



Johnny Hallyday, c'est le miroir camelotique et tape-à-l'œil dans lequel se regardent les Français hébétés et déculturés, privés de leur pays, épatés d'encore pouvoir un peu se réchauffer en chœur face à une pauvre attraction de foire, alors que dehors il fait moins vingt et qu'il est minuit moins cinq.

Balzac avait prédit Johnny, dans les Illusions perdues, il en avait démonté par avance le dérisoire mécanisme : 

« Là s'est établi pour la première fois un homme qui a gagné sept ou huit cent mille francs à parcourir les foires. Il avait pour enseigne un soleil tournant dans un cadre noir, autour duquel éclataient ces mots écrits en rouge : Ici l'homme voit ce que Dieu ne saurait voir. Prix : deux sous. L'aboyeur ne vous admettait jamais seul, ni jamais plus de deux. Une fois entré, vous vous trouviez nez à nez avec une grande glace. Tout à coup une voix, qui eût épouvanté Hoffmann le Berlinois, partait comme une mécanique dont le ressort est poussé. "Vous voyez là, messieurs, ce que dans toute l'éternité Dieu ne saurait voir, c'est-à-dire votre semblable. Dieu n'a pas son semblable !" Vous vous en alliez honteux sans oser avouer votre stupidité. » 


Mais le mieux est encore de laisser parler Trystan Dee, qui dit les choses très simplement :

Cette après-midi était massée en l'église de la Madeleine à Paris toute la saloperie politico-médiatique habituelle : chanteurs, politiciens, présentateurs télévisés, acteurs-engagés-contre-le-FN, etc. Dehors, comme des gueux dans le froid, tout un peuple surgi des provinces, parfois en Harley-Davidson, écoutait sagement les discours et les chansonnettes.
Les premiers sacrifient les seconds, qui cependant continuent de les admirer, en bons petits esclaves de la Société du Spectacle qu'ils sont. Ainsi va la France. Peuple de gens trompés depuis des décennies, michel-druckérisés à mort, et qui en redemandent encore et toujours. Ils croient que la Caste a leurs intérêts à cœur ; ils suivent encore ses mots d'ordre ; ils croient que Johnny Hallyday c'est de la musique authentique.

Une voix, qui eût épouvanté Hoffmann le Berlinois, partait comme une mécanique dont le ressort est poussé… Comment ne pas reconnaître l'organe de l'idole des jeunes vieux, ou des vieux jeunes ?

Si les gens savaient ce que signifie populaire, ils seraient scandalisés. Johnny, c'est autant (de la culture) populaire que les quartiers populaires le sont, populaires… C'est précisément lui (lui et ses semblables, bien sûr) qui a détruit la culture populaire française, qui l'a transformée en une bouillie internationale abjecte. Il est tout de même un peu fort de café qu'on nous le présente comme le dernier des Mohicans quand c'est au contraire le premier de tous ceux qui sont venus hurler contre la bourgeoisie, c'est à dire contre la culture, sans laquelle il ne peut exister de culture-populaire.

***

Pascal Louvrier (biographe officiel de Johnny) : « 5 juillet 2017. Dernière fois que le Taulier monte sur scène. Il envoie tout ce qu'il peut, presque inhumain dans sa souffrance, pour nous. Il sort épuisé, à bout de souffle, et tombe dans les bras de Laetitia. » "Biographe officiel" de Johnny, déjà, ça pose un peu le bonhomme, qui, au passage, a écrit aussi les biographies de Paul Morand, Philippe Sollers, Michel Delpech, Georges Bataille, Fanny Ardant, Alain Juppé, Françoise Sagan et Béatrice Dalle. Voici comment, sur son site, il s'exprime : « Il vit à Paris, il a longtemps exercé le métier de ghostwriter pour de nombreuses personnalités. Aujourd'hui il est directeur littéraire aux Editions TohuBohu et s'occupe en particulier de développer le département biographie. Il sort la première biographie de Michel Delpech, son ami, préfacée par Michel Drucker, intitulée "Michel Delpech, c'était chouette". (L'Archipel, Mars 2016). » Le biographe officiel ami des stars et directeur littéraire qui n'est pas un nègre sort des livres comme on sort son fox terrier, et nous décrit un Johnny qui tombe dans les bras de Lætitia, après avoir tout envoyé, pour nous. Sur le même site, ce commentaire d'une lectrice, qui dit tout de notre écrivain qui n'est pas nègre : « Très agréablement surprise par le livre de P.Louvrier. Même sans connaitre Alain, on fini par découvrir Juppé (ou le contraire...) On y découvre un parcours d'homme d'état incroyable, et un homme avant tout. Juppé 2012 avec ses ambitions peut-être de refaire le monde, c'est intéressant. J'ai apprécié le style d'écriture, ludique et bien pensé. » Un style d'écriture ludique et bien pensé. On est tout proche de Pierre Nichon, et de ses vices majuscules…

Je ne sais pas vous, mais l"intérêt pour Juppé, me rappelle quelqu'un, vous ne voyez pas ? Mais si, bien sûr, La Merveilleuse ! À eux deux, ils pourraient nous sortir un bon bouquin sur Amélie Nothomb, ou Christine Angot, et y travailler à une table du Flore, Jasmine Catou sur les genoux. Qui sait, notre biographe officiel aime peut-être les gallinacés, les peluches et le champagne, lui aussi ? Ils pourraient nous raconter par exemple comment Christine Angot envoie tout ce qu'elle peut, presque inhumaine dans la souffrance qu'elle nous offre, et comment elle tombe, épuisée, à bout de souffle, dans les bras de Doc Gynéco – bouquin qui, bien entendu, serait suivi du film, réalisé par Beigbeder, et interprété par Béatrice Dalle. Alain Juppé pourrait avoir un petit rôle, et Michel Drucker tenir le sien, ce serait hyper-sympa.