samedi 25 octobre 2014

Braise et farde


Une femme peut tout, fait tout impunément, Lorsque d’un précieux et rare diamant, Son collier à nos yeux étale les merveilles, Ou que de lourds pendants allongent ses oreilles. Qu’une épouse opulente est un pesant fardeau! Du soin d’entretenir la fraîcheur de sa peau, Chez elle à tout moment on la trouve occupée; Son visage est enduit des pâtes de Poppée: Elle en est rebutante, et l’époux caressant, A la glu, sur sa bouche, est pris en l’embrassant Elle se nettoiera, si son amant l’appelle. Qu’importe à la maison qu’on soit plus ou moins belle? Ce n’est que pour l’amant qu’on soigne ses attraits, Que des parfums de l’Inde on s’inonde à grands frais Alors le masque tombe, on lève les compresses; Elle entre dans un bain fourni par des ânesses Dont, fût-elle exilée aux plus rudes climats, Elle ferait traîner un troupeau sur ses pas. D’emplâtres, de parfums dégoûtant assemblage, Que dire? est-ce un ulcère? ou bien est-ce un visage Mais depuis le matin suivons-la jusqu’au soir. L’époux a-t-il, la nuit, trompé son tendre espoir? Gare aux femmes d’atour! intendante, coiffeuse, Toutes vont lui payer cette injure odieuse. Le Liburne est venu trop tard: malheur à lui ! Il sera châtié pour le sommeil d’autrui. L’un rougit de son sang les verges ; L’autre, tunique bas, reçoit les étrivières; Celui-là du bâton se sent meurtrir le dos. On en voit, à l’année, employer des bourreaux. On frappe! elle relève un journal de dépense, On fait à son amie admirer l’opulence D’un tissu rehaussé de larges franges d’or. On frappe. Elle se farde. On frapperait encor; Mais les bourreaux sont las. Allons, c’est fait, dit-elle, Sortez. De Phalaris la cour fut moins cruelle. Veut-elle, en nos jardins, au milieu des Laïs, Ou devant les autels de la commode Isis, Se montrer plus parée encor qu’à l’ordinaire? Une Psécas tremblante, empressée à lui plaire, La sein nu, les cheveux assemblés au hasard, Accourt pour lui prêter le secours de son art. Misérable! pourquoi cette mèche trop haute? Soudain le nerf de bœuf a puni cette faute. Ce crime qui jamais ne peut être expié, Cet horrible forfait d’un cheveu mal plié! Cette pauvre Psécas ! quel excès d’injustice ! Si ton nez te déplaît, faut-il qu’elle en pâtisse? Le côté gauche enfin, sous des doigts plus savants, Se démêle, se roule en longs anneaux mouvants, Là se trouve et préside une vieille édentée, De l’aiguille aux fuseaux avec l’âge montée. Elle opine d’abord, et les jeunes après, Comme lorsqu’il s’agit, en un grave procès, De sauver d’un client ou l’honneur ou la vie! Tant elle a de briller une indomptable envie! Au port de cette femme, à ses cheveux bouclés, En étages nombreux sur son front assemblés, En face vous diriez d’Hector la veuve altière; Mais quelle différence à la voir par derrière! Je le crois aisément, puisque, sans brodequin, Ce n’est plus qu’un pygmée, un ridicule nain, Et que, pour embrasser l’objet de sa tendresse, Sur la pointe des pieds il faut qu’elle se dresse! Cependant elle court au lieu du rendez-vous, Néglige sa maison, laisse là son époux. Avec lui désormais elle vit en voisine; La seule affinité, c’est qu’elle le ruine, Et que, pour l’affliger, se croyant tout permis, Elle bat ses valets et chasse ses amis.