samedi 26 avril 2014

Mariage


Il était ébloui par cette seule idée : une femme voulait l'épouser. Il lui demanda de répéter, mais elle se défila. Il en fut encore plus troublé. Il présenta ses habituels arguments, d'un ton las. Il n'était pas un homme qu'on épouse, et d'ailleurs il était trop tard, et puis, aujourd'hui, le mariage n'était-il pas une institution plus grotesque que jamais ? Ils se retrouveraient peut-être à la mairie en même temps qu'un couple de lesbiennes enceintes avec leurs amis bruyants et crasseux… Il ne trouverait jamais un témoin. Etc. Mais tout de même, il aurait bien voulu qu'elle dise encore une fois qu'elle désirait l'épouser. Avait-elle dit cela par défi, bravade, provocation, pour se prouver quelque chose à elle-même ? Il la regardait avec acharnement, mais elle s'était déjà refermée, elle tremblait un peu. « J'ai froid », dit-elle sans le regarder. Il remonta le drap sur ses flancs et la vit qui se mettait à pleurer sans bruit. Il sentit son sexe durcir et éloigna son corps de celui de sa compagne. Avoir une érection près d'une femme en larmes le mettait mal à l'aise. Comme elle l'avait senti se reculer, ses larmes redoublèrent, devinrent des sanglots, elle se mit à renifler bruyamment, puis à tousser car elle avait avalé de travers. Pour couper court à ces pénibles effusions, il la pénétra brutalement par derrière. Mais il savait maintenant que jamais il ne l'épouserait, même et surtout si elle lui posait la question à nouveau. Étant blancs et catholiques tous les deux, hétérosexuels, et d'origine française, ils sentaient instinctivement que ce n'était pas une bonne chose de se faire inutilement remarquer : le mariage, dans leur cas, passerait sans doute pour une provocation, ou à tout le moins une revendication, une prise de position. On est très bien comme ça, pensa-t-il en donnant un dernier coup de rein.