jeudi 12 janvier 2012

Lipatti



Un ami m'envoie à l'instant d'Allemagne ce prodigieux document. Cette valse de Chopin, très chère à mon cœur, puisque c'est la première pièce de piano que j'aie jouée en public, encore enfant, était tellement accordée à mon âme de jeune garçon, que l'écouter aujourd'hui, dans cette interprétation-ci, est une expérience de l'ordre de la renaissance, un peu comme si les deux extrémités d'une vie pouvaient se réaligner, s'ajuster ainsi que peuvent le faire des pièces métalliques usinées avec une précision absolue. Lipatti, Haskil, Enesco, plus tard Lupu, qu'avaient donc de si particulier ces Roumains pour entrer en contact avec une certaine France de cette manière si évidente, si naturelle ? Le Bach de Lipatti, son Mozart, et ses Chopin, et les impromptus de Schubert, on a cru très longtemps qu'ils étaient la source, l'origine, et, plus que l'étalon, la seule façon de faire de la musique. Pour Bach, après Fischer est venu le séisme Gould, le détour par le clavecin, quelques impasses vite abandonnées… Il est sans doute temps aujourd'hui de repasser par l'enfance (écoutez la voix de Lipatti !), de se repasser le ruban fragile, en en déchiffrant les vieux caractères à moitié effacés, pourtant si éloquents.

Il se croyait guéri. Mais guéri de quoi ? On ne guérit pas de la musique.