dimanche 15 janvier 2012

Fégor, la pluie d'or


Ma belle Fégor, celle que les voiles immenses de ma défaite ont recouverte tant et si bien que je ne me souviens plus de son corps admirable.

Du temps que j'étais sâr, et ces temps étaient sûrs, je me pliais à ses débordements aussi sûrement que le gras au maigre, et rien, dans l'assiette, ne me faisait plus penser à la mort qu'une escadrille de petits pois rassemblés comme pour la prière du soir quand le vent souffle à travers le saule, le si triste saule, et solitaire, du jardin. Elle pouvait bien m'inonder que cela ne pouvait qu'augmenter encore ma soif, et le désir n'avait pas plus de fin que le temps lui-même quand il cesse de se laisser entendre. Son masque, ce masque qui la rendait plus belle encore que la beauté d'une fleur qui est sur le point d'éclore, ce masque ne masquait que ce qu'il ne faut jamais voir, que ce qui brûle le regard et noie les yeux, ce qui aurait pu être mais que la main adroite d'un dieu de miséricorde a effacé du projet même qu'il concevait peut-être avant de s'éveiller tout à fait d'un rêve négligeable et non abouti.

Que de ruines nocturnes en rythme impair, par ce doigt qui essuie la lame, dans l'œil du poète à terre, sous sa belle ! Tout le sens insonore et fulgurant de l'abstrait coule comme une larme éteinte, baiser de feu froid de la bagatelle tue.

Silhouette de mercure légère et filante, dans la grâce de cette nuit sans lune, je t'observe de loin, effrayé et content, écrasé entre deux bémols symétriques, quand ton corps perce le temps de sa furtive présence. Je voudrais te toucher, mais je suis trop loin, trop lent, trop là.