Certains, s'étonnant de ne plus faire partie du cercle des "amis Facebook" d'Untel, en veulent à celui qui s'est séparés d'eux. Mais pourquoi devrait-on se sentir lié par une "amitié" qui ne nous dit rien, qui ne nous apporte rien, ou qu'on juge néfaste ? Je ne vois pas la raison qui devrait nous pousser à nous justifier de l'antipathie éprouvée pour tel ou telle, et moins encore ce qui l'interdirait. Dans la vie de tous les jours, nous ne nous obligeons pas à fréquenter qui nous déplaît, sauf obligations professionnelles ou familiales (et encore), et il en va de même en un réseau social comme Facebook. À moins que le nombre d'"amis" soit un critère de richesse sociale – ou morale. Heureusement, cela n'a jamais été pour moi.
Si la sympathie qu'on peut éprouver ici a quelque réalité, il faut admettre que l'antipathie existe au moins autant, qu'elle est sa contrepartie nécessaire. Il n'y a pas d'attachement véritable sans cela. Rien que de très normal, d'autant qu'un mode de connaissance qui privilégie l'écrit implique malheureusement (ou heureusement) de voir très rapidement à qui l'on a affaire, au-delà du personnage corporel et social. Les phrases déshabillent mieux que les mains – ou habillent (on ne désire pas les voir nus, ces correspondants numériques, au contraire, c'est précisément la manière dont ils se vêtent, grâce au langage, qui nous intéresse). D'ailleurs, je remarque que la nudité corporelle ressemble énormément à la vêture langagière. Les phrases sont la peau dont il est impossible de se passer si l'on veut se frotter aux autres – cette peau qui à la fois nous protège et nous met en contact. L'antipathie est le versant psychologique (et sans doute plus) de notre système immunitaire : elle nous prévient et nous protège des rencontres périlleuses.