samedi 29 décembre 2018

Du tac au tac



« Tu m'excites quand tu fais des rimes. »

Elle m'a sorti ça comme ça, sans crier gare. C'était une rime en are, d'ailleurs. Une histoire de placard ou de lard, je sais plus. Je tapine dans le vide, elle me tape sur le bide. On parle très vite, à la vitesse de la lumière, via Messenger, ça sort comme d'un tuyau d'arrosage. C'est de l'éjaculation verbale en dialogue. En continu et en joie, ça décharge à tout va, deux cents mots à la minute. Elle tape aussi vite que moi, il n'y a aucun temps mort, haute voltige sexuelle, d'une virulence au chalumeau. Elle me lance ses phrases brûlantes et vives, brisées, coupantes, et je les rattrape comme je peux, à deux doigts, par les bords, les mots ont à peine le temps de se fixer sur l'écran qu'on est déjà plus loin, toujours en avance sur notre désir, ça crépite comme un briquet d'orgasme ininterrompu. Elle est stupéfiante, impatiente, grésillante, pétillante, larmoyante, piaillante, mouillante, vivifiante, confiante et parfois suppliante. Ce sont les cieux qui se dandinent, quand on joue notre sonatine. Ça claque comme des claques sur ses fesses, ça glisse comme on tombe dans une crevasse en haute montagne, on est constamment au bord de l'épuisement, du non-sens, du dérapage, du lapsus, du contresens, du viol verbal, de l'accident, c'est une course de haies entre les chicanes du plaisir, c'est de l'escrime, c'est du tennis, c'est un jeu entre la mort et la joie, on fait claquer des draps de lettres comme on se pince les fesses. Elle est branchée sur ma turbine, la petite fée clandestine. On a les muqueuses à vif, en permanence, les nerfs givrés, le cul moite et la gorge sèche, on ouvre et on referme du même mouvement des blessures qui sont comme les bouches hilares et pleines de dents acérées qu'on a déposées au vestiaire avant le combat, la piste est glissante, c'est un miroir sans tain et sans main courante, il n'y a rien pour se rattraper, on rêve plus qu'on parle, on chante plus qu'on dialogue, c'est un bicinium suspendu au-dessus du vide de la terreur sociale. Elle prend ses vitamines et se lèche les babines. La piqure, vous la voulez dans les fesses, ou dans l'œil ?