mercredi 17 octobre 2018

T'es con (2)



Quelle plus éclatante illustration de la bêtise que le texte qui précède celui-ci ? L'ayant relu, mais un peu tard, comme d'habitude (tant que ce n'est pas "publié", on ne voit rien…), je m'aperçois, et à certains commentaires, que mon troisième paragraphe semble parler de la bêtise de celle dont il est question dans les deux premiers paragraphes du texte. Or il n'en est rien. J'avais d'ailleurs rédigé ce paragraphe en premier, et c'est lui qui m'a donné l'idée de ce texte. C'est bien de ma propre bêtise qu'il est question, ici. Est-ce que si j'avais placé ce paragraphe en tête, la suite aurait été plus claire ? Je ne le crois pas. Il est bien à sa place. Et pourtant, on ne me comprend pas. Faut-il m'en imputer la responsabilité ? Et faut-il absolument le regretter ? 

Je sais bien qu'il faut accepter un certain malentendu, que celui-ci est constitutif de toute lecture et peut-être de tout écrit, mais on n'est pas obligé non plus de le favoriser. Il y a loin, dans un texte à prétention littéraire, entre sa vérité intime, formelle, intrinsèque, et la vérité factuelle dont celui-ci semble procéder, et il n'est pas rare qu'on contrarie cette dernière pour parvenir à augmenter la première. Mais quoi qu'on écrive, on bafouille. Moi, en tout cas. On croit dire blanc et on dit noir, on croit raconter et on invente ; pire, on croit inventer et on raconte. Est-ce manque de talent, manque d'intelligence, manque de travail ? Sans doute, oui, dans une certaine mesure… mais dans une certaine mesure seulement. 

Les paragraphes sont faits aussi pour échapper à la malédiction du discours. Ils sont faits, aussi, pour passer d'une idée à une autre, sans nécessairement qu'elles se déduisent les unes des autres. Ils sont faits, parfois, et même souvent, pour se contredire, pour défaire ce qui vient d'être affirmé, et pour changer de point de vue et d'énonciation. Ce n'est pas une thèse que j'écris ici. C'est même tout le contraire d'une thèse ; ou alors c'est une thèse qui assiste, impuissante, à sa propre dénonciation, à son propre effondrement. Quand on cherche la vérité, on ne peut pas se satisfaire d'un point de vue, fût-il le plus assuré, le plus aigu et le plus lucide. 

Il est possible aussi que je commette une erreur en livrant ces textes au fil de leur écriture, sans souci (apparent) de cohérence et de lisibilité. C'est un pari, je le reconnais. Je fais le pari d'avoir des lecteurs intelligents, qui ont un peu de mémoire et de sens littéraire. C'est sans doute une erreur. Tant pis. Il faut laisser sa chance à celui qui ne devrait pas exister, à l'exception. L'inconfort certain qu'il y a à lire des textes qui n'ont pas de statut bien défini, ou dont le statut est un leurre, qui peuvent se mordre les uns les autres, s'annuler, ou s'abîmer, est me semble-t-il largement compensé par l'avantage qui consiste à grignoter petit à petit le réel dans son entier. 

J'ai souvent la sensation qu'on va venir m'arrêter, à sept heures du matin, à cause de l'incohérence de ce que j'écris. Une sorte de procès à la Kafka. Mais sans incohérence, comment parler ?