dimanche 7 octobre 2018

Donc on vous écoute attentivement



Boualem Sansal parle du Bataclan, du massacre, du nouveau monde qui s'ouvre très visiblement devant nous.

Christine Angot, le sourcil haut, tendu, anguleux, la bouche prise de crampes intestinales difficilement maitrisées, l'apostrophe : « Vous parlez de "l'An I" ! » 

Vous parlez de l'An I ! Boualem Sansal a parlé de l'An I !!! Elle a entendu ça, Christine Angot, son tympan a vibré, les trois osselets aussi, les vibrations sont immédiatement véhiculées par le fluide situé dans la cavité de l’oreille interne en forme de spirale – la cochlée – et font ainsi bouger les minuscules cellules ciliées qui se trouvent dans la cochlée aussi appelée limaçon. Les cellules ciliées détectent le mouvement et le transforment en messages nerveux transmis au nerf auditif. Le nerf auditif envoie ensuite les informations au cerveau sous forme d’impulsions électriques, qui sont interprétées en tant que sons. Ensuite, une autre partie du cerveau traite l'information : « An I », le met en relation avec les souvenirs de Christine Angot, les cours d'histoire, l'inceste, les humiliations subies, les lectures, Philippe Sollers, l'état de son compte en banque et celui de ses intestins. La guerre, déjà ? Le DJ had an I, ça lui parle, à Christine. Elle a la feuille et la carte, et quand elle écarte ses petites feuilles, c'est pas pour siroter du loukoum. 

Mais si au moins ça s'arrêtait là… Mais non, le salaud a parlé aussi d'un « maquis impénétrable ». Un maquis !!! Là encore, les deux syllabes se précipitent contre le tympan de Christine Angot et font sonner à la volée les trois osselets : MA-QUIS | MA-QUIS | MA-QUIS… Le limaçon angotien bruisse de ces deux syllabes à forte teneur en connotation historico-morale, le tsunami sensoriel est en train de se lever, balayant les pauvres cellules ciliées comme un blé couché par l'ouragan. 

En face de Christine Angot, l'écrivain ouvre de grands yeux un peu tristes. Il ne sait pas du tout ce qu'il doit comprendre, il peine encore à comprendre qu'il n'y a rien à comprendre, et qu'il va falloir se démerder avec ça. La seule chose qu'il comprend, c'est qu'il y est, il est là, à la télé. Quelle est la question ?

Ya pas de question, mon pote. C'est ça, la télé à la française. On te balance une folle dans les gencives et tu te démerdes. C'est un jeu. T'es écrivain ? Et alors ! Qu'est-ce que tu veux que ça nous foute ? T'as voulu venir. Eh ben démerde-toi, à présent. Ce que tu nous racontes sur la Seine Saint-Denis, tu penses bien qu'on s'en branle un max, on a une salle à remplir, on a une responsabilité immense, nous, on a les Français à rendre cons. Bon, OK, ils le sont déjà, mais, crois-moi, on peut toujours faire mieux. Tu as écrit ton bouquin, là, très bien, c'est ton job, mais nous, le nôtre, c'est de faire en sorte que personne ne le lise, ou que si on le lit quand-même, on n'y comprenne rien. Chacun son métier. Allez, sans rancune, hein. À la prochaine.