mercredi 16 mai 2018

Limites



Il y a des limites au-delà desquelles on ne saurait aller, car on sent qu'en les transgressant on se méprise soi-même.

J'aurais beaucoup de mal à sympathiser, par exemple, avec quelqu'un qui n'entend pas le caractère ignoble de l'expression "être un légume", quand elle s'applique à un être souffrant, paralysé, diminué.

On m'oppose que l'expression correspond à la réalité, qu'elle dit bien ce qu'elle veut dire, en quelque sorte. Et, certes, je ne le nie pas. Je ne suis pas choqué par la violence de la "description", je suis heurté par la laideur de l'expression. Il y a aujourd'hui une multitude d'expressions euphémisantes qui pourtant nous font rougir quand par mégarde nous les employons. 

Quand on décrit la réalité, on ne le fait pas de manière neutre et indifférente. Les mots et les phrases qu'on utilise disent beaucoup de nous-mêmes. 

La langue est le lieu des limites ; elle est cette réalité, ou cette force qui, impitoyablement, érige des frontières entre les êtres, les sépare, autant, sinon plus, qu'elle leur permet de se comprendre. La compréhension n'est pas l'inverse de la querelle. Pour n'être pas d'accord avec autrui, il faut commencer par l'entendre.