lundi 22 septembre 2014

The Old Country


C'est à la sortie d'un virage, après Saint-Hippolyte-de-Caton qu'il a vu la silhouette en plein milieu de la route. Quand les phares l'ont éclairée, il s'est aperçu que ce qu'il avait pris pour un homme était un chien, un énorme chien blanc, qui marchait très lentement, en le regardant. Il a freiné, s'est presque arrêté, le gros chien blanc s'est écarté légèrement de la trajectoire de la voiture, il a pu le contourner et continuer sa route. Il a regardé dans le rétroviseur mais le chien semblait avoir disparu. Le chien  ressemblait à quelqu'un qui rentre chez lui et qui a encore une longue route à faire. Aurait-il dû s'arrêter ? Mais pour quoi faire ? 

Quelques kilomètres plus loin, sur la même petite route déserte, alors qu'il était encore en train de penser au chien, il a vu les sept chevaux blancs, sortis de nulle part. 

De toute manière, que pouvait-il faire avec le chien ? Lui demander où il allait, le faire monter dans la voiture, le garder ?

Les chevaux étaient immobiles et le regardaient. Il avait l'impression qu'ils l'attendaient. Ils n'étaient pas complètement figés, comme il l'avait cru d'abord ; deux d'entre eux marchaient lentement, mais ce léger déplacement dans le tableau ne changeait rien à l'impression d'immobilité qui se dégageait de l'ensemble. Ils étaient là pour lui, c'est du moins l'impression fugitive qu'il eut juste avant de les dépasser et de les perdre de vue. Il arrêta la musique et continua sa route. Il ralentit. 

Juste avant d'arriver à Saint-Etienne-de-l'Olm il dut s'arrêter. Une dizaine de vaches blanches étaient en plein milieu de la route, immobiles, et lui barraient le passage. Machinalement, il les compta. Il y en avait onze. Presque toutes regardaient la voiture. Elles ne semblaient ni surprises ni effrayées. Impossible de les contourner. Alors il avança lentement, pour qu'elles se poussent sur le bas-côté. Les vaches qui étaient devant, près de la voiture, s'écartant, il continua de rouler très lentement, mais très vite il s'aperçut qu'il ne pouvait plus avancer, que les vaches du fond ne bougeaient pas. Il regarda derrière lui et vit que celles qui s'étaient écartées pour le laisser passer s'étaient maintenant regroupées derrière la voiture, l'empêchant de reculer. 

Il arrêta le moteur de la voiture et baissa la vitre de la portière. Ce qu'il vit à cet instant, il ne le comprit pas. Dans une lumière d'aube sourde et ouatée, c'est toute son enfance, comme comprimée en un souffle rauque, qui lui arriva sans bruit en pleine face.