— Alors que faisiez-vous dans cette maison d'édition ?
— Pas grand-chose. J'apportais des papiers, je taillais des bouts de crayons. J'avais un titre de secrétaire mais ça ne servait absolument à rien.
— Alors vous avez écrit ce roman, et puis après, qu'est-ce que vous avez fait ?
— Je l'ai tapé à la machine, je l'ai mis dans des paquets, quatre paquets, j'ai mis des faux noms, et je l'ai envoyé à quatre éditeurs, et puis j'ai attendu les réponses. Le premier je l'avais signé Danièle Aaron, et puis Baron, Caron, Daron. Un des éditeurs l'a refusé. Un autre m'a convoqué. J'ai vu un sous-directeur littéraire qui m'a dit : "C'est trop bien écrit". On m'a dit : "Ce n'est pas assez maladroit ! Il faut être gauche. Ce n'est pas un cri du cœur. " Mais si, en quelque sorte, c'est bien un cri du cœur. "Non, un cri du cœur, ce n'est pas écrit comme ça".
— Mais vos personnages vont sur la côte d'Azur pour prendre des vacances. Pourquoi ?
— C'est bien, pour des personnages de roman, d'aller sur la côte d'Azur, vous ne trouvez pas ?
— Vous pensez que c'est nécessaire ?
— Non, pas vraiment. Mais ça leur fait plaisir, en tout cas, à ces personnages, moi je me mets à leur place.
— Vous ne connaissez pas Saint-Paul-de-Vence ?
— Non, pas du tout.
— Mais comment avez-vous fait pour parler des cafés de Saint-Paul ?
— Oh, j'ai pensé que tous les cafés du monde étaient pareils.
— Ce n'est pas vrai.
— …
— Il y a des voitures, aussi…
— Je ne sais pas conduire.
— C'est une voiture comme dans les livres de Françoise Sagan ?
— Je ne sais pas. Je ne l'ai pas vue. Je n'ai pas vu non plus les voitures des romans des Françoise Sagan. Elles doivent être plus belles !
— On boit beaucoup, dans ce livre, aussi.
— Ah oui, on boit. Ils boivent.
— Ça fait partie des choses que doivent faire les personnages de roman ?
— Non, mais les miens ils boivent tout le temps. Mais ils boivent bien !
— Ils boivent français, hein, ils ne boivent pas de whisky.
— Oui, et puis ils boivent avec élégance.
— Et le style ? Et le genre ? À quoi peut-on le comparer ?
— Je ne sais pas. À quoi vous le comparez ?
— Je ne sais pas… Il vous paraît absolument unique en son genre ?
— Oh non, non !
— Alors ?
— Eh bien, si l'on considère que c'est un roman, on peut le comparer à tous les autres romans qui existent, en tant que roman. Et puis après il y a des catégories…
— Oui… Et dans quelle catégorie le mettez-vous ?
— Eh bien ce n'est pas un roman historique. C'est une histoire d'amour.
— Hum.
— Ça c'est déjà un genre, d'être une histoire d'amour.
— Oui. Est-ce qu'on ne peut pas définir ce roman par la morale du couple qui en est le personnage principal ?
— Au sens courant du terme, ce serait plutôt des gens immoraux. Mais si l'on prend le mot "moral" en un sens plus détaché, comme la recherche d'une conduite, d'une certain manière acceptable de vivre, alors ce sont des gens qui sont à la recherche d'une nouvelle morale.