samedi 27 septembre 2014

Prophylaxie


La vie c'est quand-même bath. Si si, je trouve ça vachement bath. Par exemple, sur Facebook, je me suis trouvé une nana, mais alors je te dis pas… Je l'appellerai Mylène pour pas tout révéler d'un coup. Mylène elle est pas croyable. C'est une guerrière, la Mylène, une combattante de choc, genre les SAS, tu vois. Tellement bête que c'en est un chef-d'œuvre, une sorte de Chapelle Sixtine de la bêtise. Mais elle ne se contente pas d'être très bête, car ce serait assez banal, évidemment. Non, Mylène elle veut du grandiose, et elle y atteint, d'une certaine manière bien à elle. Presque à chaque phrase prononcée par la vestale on est estomaqué, cloué au sol, ou propulsé dans le cosmos, et souvent tout ça à la fois. Elle les débite au kilomètre, c'est pas imaginable. Une vraie machine-outil à connerie, genre l'excavatrice qui perce sous la Manche, tu vois, mais à l'envers : elle, Mylène, elle t'envoie dix tonnes de bêtise à la minute dans les mirettes, comme ça, sans même y faire attention. Une fille très généreuse. Chaque matin, évidemment, je vérifie qu'elle est bien là. J'ai bien conscience de la chance qui est la mienne. Je ne suis pas un ingrat. Je remercie le Ciel. Qu'il fasse beau ou dégueulasse, moi j'ai ma Mylène de Facebook, pour me remonter le moral et évacuer le mauvais cholestérol. Ma Mylène c'est mon médicament. Vous voudriez des exemples, hein ? Vous voudriez que j'apporte des preuves de ce que je dis là, que je vous les mette sous le nez, comme du crottin encore chaud ? Comptez pas sur moi. Chacun sa Mylène, moi c'est ce que je dis toujours. J'en ai une, je ne la partage pas. Je vous connais, vous seriez bien foutus de me la piquer. Vous avez qu'à vous en trouver une. D'accord, pour dénicher un oiseau de ce calibre, à mon avis, vous pouvez toujours vous brosser, mais c'est chacun sa merde, hein ! Je suis pas communiste, moi. Je n'ai plus assez d'argent pour m'acheter des remèdes à la pharmacie, alors je les trouve sur Facebook. Faut se bouger le cul, mon pote, si tu veux pas crever la gueule ouverte. Tu veux avoir le cancer ? Pas moi. Trouve-toi ta Mylène, mon gros, c'est un conseil d'ami. Prophylaxe au max, c'est tout ce que je peux te dire ! Le vélo d'appartement c'est bien mais Mylène c'est mieux. Moi je bois deux litres d'eau, je mange mes trois fruits et légumes, j'ai arrêté la clope, je mâche lentement, et dix fois par jour je m'enfile du Mylène par les mirettes. Bon, parfois un petit Lexo aussi, je dis pas, mais beaucoup moins qu'avant ! J'ai même arrêté la sophro et le Taï-Chi, t'as qu'à voir ! Du coup, j'ai plus de temps pour lire Mylène, et la boucle est bouclée, si tu vois ce que je veux dire, ça fait boule de neige et tout le bénèf est pour mésigue. Ajusté au poil, que je suis, depuis ma découverte. Alors ben du coup la Mylène je la bichonne, forcément. Je lui mets des likes à tour de bras, une douzaine au moins par jour. J'ai calculé que c'est le nombre idéal. Trop c'est louche, et pas assez c'est pas assez. On est devenus super potos facebook, évidemment. Elle a bien vu que je la soignais. Bon, j'en rajoute pas, non plus, faut savoir rester discret et tout, mais elle sait qu'elle peut compter sur moi, c'est ça qui compte, au final. Je dirais que c'est de l'entraide écolo. Et puis nous au moins on réchauffe pas la planète, j'ai envie de dire. 

Je crois que son secret, à condition qu'il y en ait un, c'est l'absence totale de surmoi. Le clapet anti-refoulant, on lui a pas mis, à la naissance. Du coup ça sort comme d'un tuyau d'arrosage, en mode full open, avec les morceaux et toute la purée. T'en attrapes des bouts ou pas, c'est ton problème, mais Mylène elle dégorge à fond, sans réticence. Tu vois Jeff Koons ? Ça ressemble un peu à ça, mais avec plus de force. Elle veut laisser des traces, c'est sûr. En un sens, elle en laissera, ça j'en mets ma main au feu. Un peu comme les traces de pneus, sur l'autoroute, tu vois… Tu roules à cent-quarante et puis dans un virage tu vois les traces de freinage et les débris de pneus… Ça te fait tout drôle. Tu te dis, sans trop t'arrêter sur l'idée : j'aurais pu, moi aussi, foncer dans le décor… Et tu te sens tout chose, et tu frissonnes un petit coup. Mais tu remets la musique à fond, et t'accèlères pendant que Nicole elle ronfle, les pieds sur la boîte-à-gants. Et tu te sens vivant. Et tu bandes un peu, comme ça, l'air de rien dans ton futal Hugo Boss. Mais juste après tu penses aux radars et tu te sens encore plus vivant… Mylène, c'est encore mieux, et ça ne coûte pas de points sur le permis.