Une chose en entraîne une autre. C'est toujours comme ça que ça se passe pour moi. Elle m'a dit : « Je suis au bout du rouleau. Ça ne peut plus durer. » Mais enfin calme-toi, ce n'est pas si grave ! Elle ouvre des yeux si grands que je suis pris d'un fou rire nerveux. « C'est nerveux », que je dis, mais c'est trop tard, elle a attrapé la carabine et elle me tire dessus à bout portant dans la cuisse. Ça fait très mal. Je dois m'asseoir, sinon je vais tomber. Elle regarde ma cuisse, le sang qui coule, et je vois bien qu'elle se demande quoi faire. Elle ne sait pas : c'est la première fois qu'elle fait une chose pareille. Enfin, c'est ce que je pense. Après tout, je ne la connais que depuis dix ans. Elle est en culotte et soutien-gorge, toute frêle, et elle me dit : « Quelque chose s'est brisé en moi, tu sais. Un ressort s'est cassé. » En fait de ressort, j'aimerais bien qu'elle regarde un peu le mien, car il m'a l'air mal en point. Je dois être pâle, car elle pose la carabine et va chercher du coton et du désinfectant à la salle de bain. Ça me rassure un peu, mais j'ai tout de même très mal. « On ne devrait pas appeler le Samu ? » Elle hausse les épaules et déchire la jambe de mon pantalon, comme on voit dans les films. « C'est pas un gros calibre, et tu es solide, non ? » Je pense à mon copain Patrick Perrin, sur qui j'avais tiré, à onze ans, à une dizaine de mètres de distance seulement, avec l'arc que venait de m'acheter mon père, un arc vert en fibre de verre, avec des flèches munies d'embouts métalliques pointus. Après m'avoir aspergé de désinfectant et vaguement épongé avec le coton, ça fait un mal de chien, elle va me chercher un verre de whisky et me recommande de le boire cul sec. « T'aurais pu faire ça avant, Carole ! »
« Tu m'as poussée à bout ! Ç'aurait pu être pire, tu sais. » Comme je ne dis rien, elle attrape mon verre et va le remplir à nouveau. Elle est sexy, comme ça, elle a les joues rouges et le regard luisant. Malgré la douleur, je crois que j'ai un commencement d'érection, ce qui ne lui a pas échappé. J'avale la moitié du deuxième verre de whisky et je la regarde en me demandant comment je suis censé réagir. « Tu ne vas pas tourner de l'œil, au moins ? » Elle inspecte ma cuisse et pose sa main gauche sur mon sexe, comme si elle ne voulait pas voir ça. Je suis un peu dans le coaltar et je cherche à me rappeler comment tout cela a commencé. Ce n'est pas très clair. « Je suis au bout du rouleau, ça ne peut plus durer », la phrase de Carole me revient, mais je suis incapable de savoir ce qui a bien pu la mettre dans cet état. « Tout ça c'est de ta faute », qu'elle me fait en caressant un peu ma bite et en me prenant le verre des mains pour le porter à sa bouche.
C'est ma faute, d'accord, c'est ma faute, c'est le seul point indiscutable de l'incident, nous tombons d'accord là-dessus. Pour le reste, il nous paraît préférable de jeter un voile pudique sur nos désaccords et nous finissons au lit. Carole est déchaînée, je ne l'ai jamais vue aussi obscène, aussi impérieuse, et pour tout dire, aussi amoureuse. Quel dommage que l'artère fémorale ait été touchée et que je me sois vidé de mon sang en quelques minutes.