Je connais quelqu'un qui va répétant comme un dindon à qui on a coupé la tête : « Mentir peu mais mentir bien ». Évidemment, il ment beaucoup, et mal. En réalité, il ne sait plus différencier le mensonge de la vérité. C'est un peu ce qui nous arrive.
Ils n'ont pas aimé leur mère et se croient obligés, des années après sa mort, de lui inventer des qualités imaginaires. Leur inventer des qualités n'est pas un service à rendre à ceux qu'on aime — ou à ceux qu'on n'a pas su aimer. C'est les dévaloriser, que se croire obligé d'ajouter des qualités imaginaires à leurs qualités réelles. Attribuer à tort des qualités à un mort revient à se dénigrer soi-même, car nous ne le faisons que pour nous.
Pourquoi faut-il que tout le monde ricane, lorsque je dis le plus sincèrement du monde que je manque cruellement de talent, comme si je ne disais cela que pour déclencher la réponse automatique qui me démentira ? Est-ce que tout ceux qui réagissent ainsi pensent réellement que le talent est une chose si banale que la plupart en sont dotés, eux les premiers ? Je suis toujours extrêmement étonné de cette réaction. Pour moi, cela ne va pas de soi. Avoir du talent est l'exception qui confirme la règle. Toi, tu peux me comprendre. Nous n'appartenons pas à la race de ceux qui imaginent en être dotés naturellement. (Je me rappelle avec joie ta réponse à une question que je te posais sur la danse (« non, je ne danse pas, je ne m'aime pas assez pour ça ») J'ai toujours trouvé grotesques les danseurs, ceux qui aiment se montrer dansant. Quelle insupportable pornographie !). C'est une des choses qui me séparent de certains de mes amis. Mon sentiment est que si les gens réagissent ainsi, c'est parce qu'ils craignent d'en être privés.
Il ne faudrait faire de compliments que lorsque cela s'impose, ce qui est rare. Plus on en fait, moins nos compliments ont de valeur, mais à se restreindre trop on finit par juger que personne ne les mérite, comme nous ne les méritons que rarement. Alors, par un mouvement de balancier impossible à réfréner, nous nous grisons facilement de cette fausse générosité, de cette sympathique et dispendieuse bienveillance qui, pensons-nous, sera éternellement payée de retour. Or le retour en question est un acide puissant qui nous entraîne dans une spirale d'imposture difficilement résistible.
La danse est un stigmate d'une radicale efficacité signalétique. Comme la piscine bleue près d'une belle maison ancienne, elle suffit à décrédibiliser, à abîmer durablement la beauté d'un être. On l'aura compris, je ne parle pas là de ces danses classiques et codifiées qui portent en elles une culture et une tradition, et qui ont des liens avec les arts, je parle des trémoussements inarticulés qui contrepointent si bien l'hébétude grégaire. Il en est de la danse, en nos sociétés post-littéraires et post-historiques, comme il en va de la musique ou de la culture : le nom ancien recouvre (mal) la saleté présente — le faux ridiculise la mémoire du vocable, comme une plaie purulente dont le maladroit s'enorgueillirait. "Tu bouges donc je bouge", "pas plus que moi tu ne bougeras", semblent dire ces corps dont la seule morale est de se conformer servilement au mouvement épileptique du troupeau. Étonnez-vous, après ça, de la covidose qui a sévi depuis plus de deux ans ! Il n'y a pas de vaccin, contre le grégarisme halluciné qui met la foule en transe. Les dictatures n'ont pas besoin de dictateurs pour persécuter les individus ; il suffit de la masse massifiée ou globalisée, dont toute forme s'est absentée. Ou plutôt, ce ne sont pas les dictateurs qui font la dictature, mais le groupe qui implore le maître et la férule. Jadis, la transe était thérapeutique, elle était conduite par les magiciens et les sorciers ; aujourd'hui elle a pris le corps social tout entier, un corps sans tête, et ce n'est pas beau à voir. Les dindons se trémoussent jusqu'au délire, mais comme chacun se reconnaît dans l'autre, personne ne distingue l'éperdue dindonnerie. Celui qui ne reconnaît pas la figure du tortionnaire est un tortionnaire en puissance… Ce sont des aveugles qui imitent d'autres aveugles, ce sont des menteurs qui mentent en chœur, ce sont des corps dont les gigotements multipliés en échos brouillent la vue et l'ouïe et le sens. Vous les voyez, avec leur filtres à café sur le nez, robots stupéfiés qui errent parmi les décombres d'un monde désarticulé ? Où sont les masques, demandent-ils, tous alignés derrière leurs pseudos ! Leur chapeau mou est si gros qu'ils ont du mal à le manger. Quelle cruelle pantomime ! Quelle atroce machination ! On a le sentiment que même la guerre ne parviendrait pas à leur redonner un semblant de vérité et de dignité. Si le mensonge était un art et une exception, j'applaudirais au mensonge, mais comment se réjouir de cette imposture généralisée ? Plus on les gave de mensonges plus ils avalent comme des porcs, sans mâcher, comme si leur vie en dépendait, comme s'ils n'avaient plus que quelques instants à vivre. Le pli est pris parce que le pli était espéré. Depuis toujours, ils espéraient cette divine sanction : qu'on les débarrasse enfin du petit bout de liberté qui leur restait encore, et qui les empêchait de dormir. Ils veulent disparaitre dans la foule consentante et gentiment fascistoïde qui a pris corps depuis deux ans, ils veulent en être, ils veulent être sur la photo de classe, et au premier rang, encore. On les torture, ils applaudissent. On les humilie, la reconnaissance perle en bave à la commissure de leurs lèvres. Ils s'endorment au son des berceuses officielles, ils hoquettent de bonheur quand la schlague rougit leur épiderme, ils tachent leurs draps quand on borne leur existence, ils en redemandent quand on barre le sourire de leurs enfants. Ils ont voulu être dans le camp des intelligents, des prudents et de la Science, ils ont versé dans la secte des malins et de l'Intérêt. Quand les mots se mettent à mentir, tout devient possible — surtout le pire.
Ce n’est pas une question d’opinion. Je n’écris pas pour les convaincre. Eux (les masqués, les piqués, les QR-codés, les hypocondriaques larvés, sans gloire, les dindons trépignants de la farce, les suradaptés, les autobunkerisés, les veines-apparentes pavoisées) et moi sommes incompatibles, les corps parlent, les corps s'expriment, les corps participent, qu'on le veuille ou non. Je n'ai pas envie de m'adresser à eux, je n'ai pas envie de les raisonner, de leur expliquer en quoi ils se trompent eux-mêmes, en quoi ils sont trompés, bien sûr, ni en quoi ils sont ridicules. Ils ont aimé ce ridicule, ils ont aimé être trompés, ils ont aimé qu'on se foute d'eux, qu'on les traite comme des chiens d'incompagnie : qu'ils restent donc à la niche, avec leurs semblables, à s'observer méticuleusement comme des bêtes de laboratoire. Ils ont aimé l'euthanasie en douceur, le coma bénin, l'agonie lente et perfide, perfusée, qu'ils croupissent donc en famille dans les miasmes réchauffés de leur haleine angoissée. Ce sont des ustensiles. Ils ont perdu tous leurs attributs humains, leurs singulières aspérités, ils ont été rabotés en profondeur par les Saintes Narrations, ont versé leur sang pour défendre l'indéfendable. Qu'ils en crèvent, tudieu ! Que la Spike les morde jusqu'à l'ADN ! J'en connais même qui sont déjà estropiés et qui en redemandent. Que peut-on pour eux ?
Ce n'est pas (dieu sait !) la vertu médicale du “vaccin” qui incite les clébards 2.0 à se précipiter en masse pour se faire inoculer le brouet frelaté de Pfizer, comme d'autres avant eux se sont fait tatouer, c'est le certificat de conformité et d'obéissance qui l'accompagne et leur procure cette jouissance morne qu'on voit distinctement sur leur face blême de poissons d'élevage.
Je fais mine de m'offusquer, mais je le savais, que ces couillons continueraient à porter le masque. Ils ont été ravis, ces blaireaux inconsistants, qu'on leur applique une muselière sur la tronche, ravis qu'on leur dise quoi faire, où, et quand, ravis qu'on leur demande de justifier le fait d'aller faire leurs courses à LIDL, ravis de se retrouver entre clébards dressés, et ravis, finalement, qu'on mette un peu d'ordre dans leur pauvre vie. La guerre se mène tout près des corps, au plus intime de la chair. À croire qu'ils ont compris, les Malfaisants, qu'il fallait aller à la racine, près de la vie et de la mort, là où discours et politique ne savent pas se tenir, n'ont plus d'efficience. Alors ils font peur, ils terrorisent, ils discréditent toutes les objections qui n'ont pas l'immortalité pour ligne d'horizon, ils s'en prennent au biologique, pour déborder la vieille morale. D'un côté la mort ou la déchéance, de l'autre l'immortalité : tu parles d'un choix ! Il n'était pas difficile de prévoir que pour beaucoup, pour la plupart, le retour à une-vie-sans-le-Covid (si tant est que cette opportunité nous soit offerte) serait vécu comme quelque chose de très difficile, voire d'insupportable. Pour la majorité de nos concitoyens, le masque, la vaccination, les foutus "gestes-barrière", et les nouvelles normes de contact social (et même privé) ont acquis une valeur positive, ces normes et ces règles sont devenues peu à peu synonymes de sécurité — d'urbanité, presque. Une nouvelle politesse sociale est née, induite par la peur et le conformisme. "Il y avait une attente", comme dirait l'autre… Le risque s'est peu à peu superposé avec les moyens de le prévenir, jusqu'à se confondre avec eux, comme le plaisir peut parfois se confondre avec la douleur. Nous entrons dans une ère sado-masochiste. Le pouvoir (qui EST le danger (et le mensonge)) se présente nécessairement comme le rempart contre le danger et le mensonge qui menacent ceux qu'il administre. Le pouvoir a dansé, le pouvoir s'est trémoussé, le pouvoir est en transe (pensez seulement à la si honnête nuit de la musique, à l'Élysée, en juin 2018, qui révélait tranquillement le pot-au-rose !) Après la fête et les gloussements fin de race des commencements sont vite venus la terreur grimaçante de la fin du quinquennat — à la Ceaușescu —, les élections-bouffes, et maintenant le chantage à la guerre, pour le nouveau départ (et la Très Longue Marche en Avant ?) et la Renaissance ! Bienvenue au pays du Nouveau Peuple !
Comme le disait très bien Anne-Sophie Chazaud, ce matin, le temps n'est plus aux indignations et aux harangues, aux alertes, au confort suranné du militantisme, non plus qu'aux oppositions partisanes dont nous avons trop l'habitude, en France. Nous sommes au cœur d'une lutte pour la survie de l'Être, et cette lutte ne peut désormais se mener qu'au cœur de catacombes bricolées qui ici et là commencent à s'édifier. Nous savions que ce temps viendrait, nous l'avions dit il y a longtemps déjà, mais nous ne savions pas qu'il viendrait si vite. Tout est nouveau, tout est vieux, tout est inversé, Mensonge et Vérité se marchent dessus, et les plus improbables accouplements intellectuels se font jour sous nos yeux. Il est très difficile d'articuler une pensée claire, et simple, car toutes les frontières et limites qui donnaient un sens et un cadre au monde que nous avons connu ont été abolies ou sont en passe de l'être. L'ermitage a des allures de palais du Facteur Cheval, et l'Université a été transformée en cour des Miracles, au cœur du bidonville global. Tous, nous sommes plongés dans un magma effroyable où tout est cul par-dessus tête. N'espérez pas vous sauver en revenant aux vieilles lois politiques. Elles aussi ont subi des mutations qui dans le meilleur de cas les rendent inopérantes et dans le pire produisent des effets inverses à ceux qui sont attendus. Le Bruit, la noise ont tout envahi. Ils n'oublient personne, ils épousent toutes les courbes du paysage mental. On le voit bien, en écoutant des sages devenir subitement aliénés ou imbéciles. Debord nous avait prévenu, il y a déjà longtemps : « Dans un monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux. »