dimanche 20 mars 2022

Disparaitre

Je rouvre ce blog avec du sang dans la bouche. La nuit épouvantable que j'ai passée me donne des nausées et je me suis réveillé dans le même état que si l'on m'avait arraché un membre. J'en veux bêtement à tout le monde. J'ai passé une heure, hier-soir, dans un état de pure fureur, à effacer tous mes deniers statuts Facebook, un à un (je voulais tous les effacer), avant de réaliser que l'entreprise était aussi idiote qu'impossible à mener à bien, ou plutôt à mal (il m'aurait fallu deux jours sans dormir pour la mener à terme). 

Le texte que j'ai perdu hier en une fraction de seconde (j'ai très littéralement vu, de mes yeux vu, la chose se faire sur l'écran, comme on est le spectateur d'un tour de magie auquel on assiste, héberlué), et qui comptait tellement pour moi, m'avait demandé plus d'une semaine de travail (il est très rare que je passe autant de temps sur un texte — ça n'arrive pour ainsi dire jamais), je comptais le publier aujourd'hui ou demain, une fois achevé, et je ne parviens toujours pas à réaliser ce qui est arrivé, encore moins à l'accepter. 

Je ne peux pas me défaire de l'idée que ce texte n'a pas disparu par hasard. Je veux dire par là que quelqu'un est forcément responsable de sa disparition, et aussi que peut-être je ne devais pas le publier, sans que je sois capable de faire un choix entre ces deux "explications", qui ne sont d'ailleurs pas forcément contradictoires. (Quelqu'un ? Tout le monde, bien sûr !)

Je n'ai pas envie de gloser sur les déboires de l'informatique, et plus particulièrement de l'informatique en réseau, bien que ce soit le vrai sujet. Comment des hommes ont-ils pu concevoir un outil capable de faire une chose pareille ? Aujourd'hui, peu m'importe, je n'ai pas envie d'analyser, je n'ai pas envie de comprendre, je n'ai pas envie d'expliquer ; je n'ai pas envie de sortir de cette fureur pure qui m'habite depuis hier. Il y a douze heures, je me sentais acculé au suicide, et j'en étais à la fois désolé et furieux — j'avais le monde entier contre moi. Je sais bien ce que ces mots peuvent avoir de ridicule, pour celui qui les lira aujourd'hui. C'est précisément en raison de leur ridicule que je tiens à les écrire ce matin. Au point où j'en suis, ce ridicule m'est une consolation. 

Disparaître en claquant des doigts. Ou en claquant tout court… 


PS. Je pense à ce qu'on m'a raconté hier, le manuscrit de Casanova que sa femme de chambre avait brûlé par erreur. Je l'envie, Casanova, car j'aurais eu quelqu'un d'autre que moi à massacrer. 

PPS. Ce texte est stupide. Il ne sert à rien. Les cons iront même jusqu'à dire qu'il n'est pas "constructif". Non, il ne l'est pas, en effet. Plaise à Dieu qu'il soit destructif !

PPPS. La morale de cette histoire est celle-ci : La Machine me dit : « Tu n'es pas fait pour écrire des textes longs (et longuement travaillés). Contente-toi de tes "petits machins" (comme dirait Miles Davis) vite faits mal faits. »