vendredi 4 mars 2022

Dévouement

[Cosi fan tutte…]

Après ça, il faudrait se taire à jamais. Quand on laisse voir ainsi sa folie, sa déroute, son désastre, quand on montre à tous que le sens nous a quitté, comme l'amour, comme la paix, comment regarder les autres en face ? 

Ça n'a aucun sens ? Non, en effet. Et je ne vais pas essayer de le cacher. Comprenne qui voudra, qui pourra, qui aura assez d'empathie et de générosité pour se perdre avec moi, d'élan. Mais quoi, je ne vais pas me plaindre de ne pas être compris quand être compris signifie neuf fois sur dix être mal compris. 

"Widmung" se traduit par dévouement. Je crois avoir fait la preuve que j'étais capable de me dévouer (ou de me vouer à autrui). Pas eu l'impression que ça courait tellement les rues. 

« Par la musique, l'homme prend conscience, comme tactilement, de mille états que sa "raison" refuse de connaître, qu'elle n'a pas le pouvoir de connaître, car elle est essentiellement limitée à elle-même, ainsi qu'à des a priori douteux. Par la musique, l'homme se reconnaît dans des vibrations profondes sur lesquelles il n'a plus besoin de mettre des idées ni des mots. La musique apporte à l'homme ce plan total de conscience où il lui suffit de se sentir comme simultanément dans toutes ses épaisseurs, et de se blottir dans cette aperception physique de lui-même. Il s'explore là jusqu'à des profondeurs où n'atteindra jamais sa pensée : et, ce qui est pire, où sa pensée substitue, à des états qu'elle ne peut saisir, des constructions d'universaux. »

« Et si la musique est toute vibration, si elle trouve en nous, par une voie royale large ouverte, un terrain mouvant, inconnaissable, sans cesse en obscure gestation, et, dans ce terrain, cette vie universelle dans laquelle nous sommes baignés, enracinés, impliqués par l'esprit à la fois et la chair : ne va-t-elle pas nous situer dans cet univers mieux, et plus immédiatement, qu'une métaphysique pensée ? Elle est une métaphysique à chaque instant sentie et pressentie, guidée par l'obscur instinct et non pas des gogmes d'école, aussi bien qu'elle est une introspection confirmée par la vibration en nous du vivant qui se reconnaît et s'écoute vivre. »

De toute façon, je ne conçois l'écriture que comme une suite de textes contradictoires et incomplets, qui se répondent tant bien que mal. Ni roman ni non-roman, ni fiction ni essai, ni confessions ni mémoires, ni chroniques ni éditoriaux, ni fables ni récits, ni poésie ni prose, ni littérature ni blog, ni mensonges ni vérités, ni fragments ni élaboration, ni plagiat ni originalité, et un peu de tout ça bien sûr, je compte beaucoup sur la puissance du hasard et la main de Dieu. (Au moment où j'écris ces lignes, j'entends la deuxième symphonie de Beethoven à la radio… Ne me dites pas que c'est un hasard !) 

Je n'écris pas des billets de blog. Je ne discute pas avec les lecteurs de ce blog, que d'ailleurs je ne connais pas, pour la très grande majorité d'entre eux. 

Au sujet Ukraine et solidarité

Guerre en UKRAINE

Lettre aux habitants de ***

Comme vous le savez une guerre a été déclarée à l’UKRAINE par la RUSSIE le 24 Février dernier. La FRANCE n’est pas en guerre mais dans tout le territoire des réflexions et actions sont engagées pour aider la population Ukrainienne pour défendre son pays et pour accueillir au mieux les réfugiés. Nous venons de recevoir ce jour les consignes du gouvernement.

Concernant l’aide directe à la population Ukrainienne, il est recommandé de privilégier les dons financiers aux associations caritatives spécialisées dans ce type de situation (croix rouge, haut commissariat aux réfugiés, médecins sans frontières…) plutôt que du convoyage de produits sur zone. En effet, nous ne sommes pas dans la même situation que lors d’inondations en FRANCE ou de tremblement de terre dans un autre pays où il faut en urgence amener fournitures et produits alimentaires.

Malheureusement il est possible que cette situation en UKRAINE dure longtemps et continue d’entraîner un départ de ce pays d’une partie de la population, notamment des femmes et des enfants qui rechercheront un hébergement en Europe pour une durée plus ou moins longue. Dans ce cadre, et en ne sachant pas à ce jour évidemment le nombre de personnes concernées, le gouvernement nous demande, en prévision, de répertorier les logements qui pourraient être mis à disposition de réfugiés Ukrainiens.

Ainsi, si vous disposez d’un logement pouvant répondre à cette demande sur la Commune de ***, merci d’adresser un mail à l’adresse suivante : accueil@***.fr en indiquant : le nom du propriétaire du logement, l’adresse, le potentiel de personnes pouvant être accueillies, éventuellement les périodes disponibles et un contact téléphonique.

Nous reviendrons vers vous au fur et à mesure des informations reçues.

Sébastien ***, Maire de ***

Soyons anachroniques avec précision, de peur de disparaître dans un des trous noirs du Temps.

« Cependant la princesse de Luxembourg nous avait tendu la main et, de temps en temps, tout en causant avec la marquise, elle se détournait pour poser de doux regards sur ma grand-mère et sur moi, avec cet embryon de baiser qu'on ajoute au sourire quand celui-ci s'adresse à un bébé avec sa nounou. Même, dans son désir de ne pas avoir l'air de siéger dans une sphère supérieure à la nôtre, elle avait sans doute mal calculé la distance, car, par une erreur de réglage, ses regards s'imprégnèrent d'une telle bonté que je vis approcher le moment où elle nous flatterait de la main comme deux bêtes sympathiques qui eussent passé la tête vers elle, à travers un grillage, au Jardin d'Acclimatation. Aussitôt du reste cette idée d'animaux et de Bois de Boulogne prit plus de consistance pour moi. C'était l'heure où la digue est parcourue par des marchands ambulants et criards qui vendent des gâteaux, des bonbons, des petits pains. Ne sachant que faire pour nous témoigner sa bienveillance, la princesse arrêta le premier qui passa ; il n'avait plus qu'un pain de seigle, du genre de ceux qu'on jette aux canards. La princesse le prit et me dit : "C'est pour votre grand'mère." Pourtant, ce fut à moi qu'elle le tendit, en me disant avec un fin sourire : "Vous le lui donnerez vous-même", pensant qu'ainsi mon plaisir serait plus complet s'il n'y avait pas d'intermédiaires entre moi et les animaux. D'autres marchands s'approchèrent, elle remplit mes poches de tout ce qu'ils avaient, de paquets tout ficelés, de plaisirs, de babas et de sucres d'orge. Elle me dit : "Vous en mangerez et vous en ferez manger aussi à votre grand'mère" et elle fit payer les marchandises par le petit nègre habillé en satin rouge qui la suivait partout et qui faisait l'émerveillement de la plage. Puis elle dit adieu à Mme de Villeparisis et nous tendit la main avec l'intention de nous traiter de la même manière que son amie, en intimes, et de se mettre à notre portée. Mais cette fois, elle plaça sans doute notre niveau un peu moins bas dans l'échelle des êtres, car son égalité avec nous fut signifiée par la princesse à ma grand'mère au moyen de ce tendre et maternel sourire qu'on adresse à un gamin quand on lui dit au revoir comme à une grande personne. Par un merveilleux progrès de l'évolution, ma grand'mère n'était plus un canard ou une antilope, mais déjà ce que Mme Swann eût appelé un "baby". Enfin, nous ayant quittés tous trois, la princesse reprit sa promenade sur la digue ensoleillée en incurvant sa taille magnifique qui comme un serpent autour d'une baguette s'enlaçait à l'ombrelle blanche imprimée de bleu que Mme de Luxembourg tenait fermée à la main. »

Ça n'a aucun sens, d'aimer un mort. L'amour est pour les vivants. Quand on aime un mort, on aime ce qu'il fut, ce qu'il a été, ce qu'il était, on aime aimer ce qu'on a aimé, sans doute qu'on aime soi-même aimant, soi-même ayant aimé celui-là, celle-là. Mais je veux pourtant continuer à l'aimer. Je ne veux pas aimer encore, mais je veux l'aimer, elle, encore, alors que je ne veux plus aimer. Je me retrouve au-dessus du vide, dans le vide, l'attraction terrestre a cessé de me retenir, les lois, quelles qu'elles soient, sont impuissantes à me faire appartenir à ce monde-ci, qui n'est plus le mien. Je l'ai aimé, ce monde, mais je ne veux plus l'aimer.  

Ça n'a aucun sens, mais c'est peut-être la seule manière d'aimer, car les vivants, eux, n'en veulent pas, de l'amour. Je sens mes muscles, ils me tiennent debout, sans raison. Qui êtes-vous, les morts, vous ? Tu m'as aimé, quand tu étais vivante, mais m'aimes-tu maintenant que tu es morte ? Tout le savoir, toute la connaissance est partie avec toi, dans la nuit, où je ne sais pas voir, où je ne vois que du noir et du rouge, où tout se mélange, où rien n'a de sens, où même le chagrin perd tout sens, où je ne suis plus tenu par rien, à rien, où le tout du monde m'entre dans la gueule comme on étouffe une poupée qui n'a jamais respiré, qui ne sait pas ce que c'est que de respirer. Mais il faut recevoir et ne pas avoir les coins de l'âme brûlés et douloureux en permanence.

Elle n'en veut pas. Tant qu'elle est vivante. Elle refuse d'écouter Widmung. Derrière le soleil se tient un dieu absent et ironique — lui aussi n'est que virgule, perte, vide. J’en veux beaucoup aux taiseux, vous savez. Il est facile et lâche de garder le silence quand l’autre a tout dit. Il faut au moins avoir le courage de lui dire la vérité, même si elle est pénible à ses oreilles. C'est minuit en plein midi.