samedi 7 octobre 2017

Au suivant



Il est pressé. Quand il vient vous chercher dans la salle d'attente, on sent qu'il est toujours exaspéré par le temps que vous mettez à vous lever et à le rejoindre. Je ne comprenais pas pourquoi les autres se battaient pour avoir la place la plus proche de la porte. Il a un chronomètre dans la tête, le docteur. En général, je prends la place la plus éloignée, tout au fond. Pas bien. Quand vous arrivez enfin près de lui et que vous lui tendez la main, il la serre en donnant à sa main une légère mais ferme impulsion qui vous projette vers le cabinet. Vite ! On sent qu'il a travaillé le relais. Quels sont les moments qu'on peut accélérer ? Les temps morts ? Traquer le vide, le creux, l'inutile, la seconde de trop. Il remplit son ordonnance en répondant au téléphone, et même quand il vous ausculte on sent qu'il cogite. Il pose des questions mais vos réponses ne l'intéressent pas, sauf si par réponses on entend ce qui va le conforter dans le diagnostic qu'il a déjà fait au moment où il vous a serré la main. Si vos réponses n'entrent pas dans une des cases qu'il a prévues pour vous, il a un petit sourire et un très léger signe de dénégation. On sait alors qu'on a pris une impasse. On commence des phrases… qu'on interrompt en plein milieu car on a vu le chronomètre se déclencher. Heureusement qu'on attend deux heures dans la salle d'attente, on aurait l'impression sinon qu'on n'a pas vu le médecin.

Combien je vous dois, Docteur ? Mais le chèque est déjà prêt ! On n'est pas fou !