jeudi 8 décembre 2011

En direct de la Nasale


Pour nous ce soir, en exclusivité et en avant-première, Vanessa Wagner et Laetitia Meyerbeer jouent à quatre mains l'ouverture du Tyran fatigué, de Jonathan Dusapin, sous le coaching vigilant d'Éve Raymondi.

L'action se passe à Tripoli, au troisième siècle après la Grande Décivilisation. Monsieur K, chef d'orchestre déclassé, qui doit repasser son permis pour excès de vitesse dans la Huitième de Bruckner, n'a pas sa carte d'adhérent de la HALDE. Il est en outre soupçonné d'appartenir à la confrérie secrète du Trois-Quatorze, tristement célèbre depuis le suicide collectif de quarante sept de ses disciples, sous la houlette de Frère Numéro Onze, surnommé "Le Blogueur". Monsieur K. n'est plus que l'ombre de lui-même, il dirige sans baguette, les yeux ouverts, et rejoint sa tente dès les répétitions terminées. On ne l'entend guère crier durant celles-ci, et il est même sujet aux trous de mémoire. Sa maîtresse, Suzon LaGrive, belle-fille par mésalliance d'Arturo Non, a un comportement lascif et une très mauvaise influence sur le vieux chef : pour complaire à Suzon, il suit une cure de désyntaxe d'une rigueur extrême, qui épuise ses dernières forces et fragilise sa légendaire rhétorique. Quand Monsieur K. tombe nez à nez avec Déesse K, au motel du Chameau-Sans-Bosse, il retrouve du poil de la bête et envisage même un instant de diriger son grand succès, les Burnes de Karmina, de Karlos Ramirez Orpheus, dont la partition fut achevée post mortem par Michael Onfret VIIe du nom, après son éviction de Transe-Kulture pour conduite en état d'élitisme aggravé. Mais ce n'est que le sursaut pénultième, le spasme d'avant le calme plat.

Mais, alors que PersePhone 5G et son gendre, le peintre cataleptique Oskar Orni, membres éminents de la Rose-Croix déconstruite — et initiés par le mage Albert Duspasme en personne ! — arrivent sur les lieux, munis de leurs plis selon plis infroissables, qui, pense-t-on, doivent leur permettre de ramener K. à la baguette et à la tradition bien cuite, l'incroyable se produit : Le Toscan, l'immortel auteur de la Nini de Babylone, fait son outing et déclare sa flamme à Zygel, le nain maléfique. Coup de théâtre ! On n'ose pas comprendre ce qu'on comprend, mais il faut tout de même bien finir par admettre l'inadmissible : Monsieur K. et Déesse K. ne sont que les créatures du Sâr Georges Mérodack Le Chauve, que ce dernier a lancées dans le monde des zydées pour qu'enfin Zygel apparaisse pour ce qu'il est : le diable grimaçant imaginé par Le Toscan pour jeter un écran de fumée sur les turpitudes incestueuses de PersePhone 3G. Le dernier acte, d'une majesté étrange, rejouera l'opéra en sens inverse, palindrome initiatique qui va relier les fils d'une œuvre foisonnante et métaphysique et nous permettre d'entr'apercevoir les secrets du Saint Axe, par delà son incarnation dans un Tyran fatigué au final très attachant on va dire.

Dans la version de scène, les cascades sont réalisées par un Orimacre Bolton au-meilleur-de-sa-forme, la mise en scène est signée Karno Musca, le livret étant écrit et traduit en huit langues par Francus d'Aujourd'hui, assisté de Billy de Monaco. Dans le rôle de la maman du tyran, la peintresse, Kaline Deubé et ses pinceaux en poils d'aisselles de vierge. Dans le rôle de la sœur du tyran, la Rose crucifiée, Diane Airbus, issue comme chacun sait du Reactor Studio, qu'elle a fréquenté en compagnie de Bob de Rhino, le cousin germain de Jeanne Martine Vacher (et ses Cloisons nasales, le groupe de Turbo-Funk qui cartonne à Roissy sur la piste Z). Le doublage est assuré par l'écurie de Dijon Bourdier au grand complet.