vendredi 30 décembre 2011

Ou même dramaturgiques…



C'est le 200ème anniversaire de la naissance de Chopin, et les galettes qui lui sont consacrées abondent. Décidé à se démarquer, ainsi que mû par une volonté farouche de faire découvrir des pièces méconnues, des joyaux oubliés, ou négligemment écartés par l'histoire, Bertrand Chamayou choisit donc d'interpréter César Franck.
L'occasion d'une découverte, d'une rencontre, autour d'une musique aquatique, fluide, qui se fait parfois orageuse, et extrêmement sensible autour de thèmes cycliques, de nuances et de transpositions aux couleurs résolument dramatiques (ou même dramaturgiques).
Les parties symphoniques sont vivantes et vibrantes, comme un film de Cinéma, et étonnamment entêtantes.

Habitué des travaux de Liszt, le jeune virtuose se fait ici sensible et émouvant dans un registre hybride : la musique de César Franck est touchante, solennelle, presque religieuse, mais aussi puissante et intense, et cela va comme un gant au jeu tout en technique, nuances, et humilité de Bertrand Chamayou.

Il n'y a en général pas pires que les critiques de disques, on le sait depuis toujours, mais comme désormais les "internautes" peuvent eux aussi jouer aux critiques discographiques, on atteint ici des sommets de laideur et de bêtise. Tout est laid dans cette langue et dans la pensée qu'elle donne à entendre. Les "galettes" pour les disques, c'est un peu l'équivalent de la nouvelle expression qui fait fureur un peu partout actuellement : "être aux manettes". (Comme "avoir plusieurs casquettes", "être aux manettes" (France-Musique) est en passe de remporter des prix dans "tous les compartiments du jeu", comme le disaient nos vieux journalistes sportifs il y a vingt ans.) "Une rencontre autour"… "autour de thèmes cycliques" ??? J'vois moi, l'aut' jour, j'ai organisé des rencontres autour de thèmes cycliques, entre guillemets, c'est vrai que c'était on va dire passablement intéressant, j'veux dire. J'crois qu'c'est clair, comme dirait Serge July, une phrase comme : "L'occasion d'une découverte, d'une rencontre, autour d'une musique aquatique, fluide, qui se fait parfois orageuse, et extrêmement sensible autour de thèmes cycliques, de nuances et de transpositions aux couleurs résolument dramatiques (ou même dramaturgiques)" n'a pas le moindre sens, mais ça n'a sans doute pas la moindre importance, l'essentiel étant d'avoir joué au critique musical sur Amazon, comme les enfants jouent à Zorro, entre Noël et le jour de l'An. D'ailleurs, le pseudo de celui qui signe (si l'on peut dire) cette "critique" le dit assez : "master jedi". La référence au Cinéma — là, tout à coup, une majuscule, celle-là même qui faisait défaut au pseudonyme : "comme un film de Cinéma" — dit précisément la vérité sur la manière dont ces "mélomanes" écoutent la musique, sur leurs références (on peut aller lire les centaines de commentaires que cet internaute a laissés généreusement sur Amazon), et nous permet de constater une fois de plus que la culture (générale) qui est nécessaire pour écouter (et je ne dis même pas entendre) un musicien comme César Franck est résolument absente, et même tout à fait morte, chez ces gens-là.

Mais je ne sais même pas pourquoi je m'énerve. La chose est tellement courante, habituelle, normale, et universellement partagée "dans un registre hybride", qu'il faudrait être capable de ne plus lire, de ne plus entendre, de ne plus voir les signes du Désastre qui se manifestent partout "de manière dramaturgique". Laurent Goumarre, si tu nous entends

Dans la Vie.com, on joue à être critique musical de la même manière qu'on joue, sur les blogs, à être citoyen, ou indigné, ou écrivain, ou poète, ou artiste. Tenez, un bon exemple de cette chienlit est le "blog politique" de Nicolas Jegoun, dit "Loin-du-clavier", le copain de Didier Goux. "Blog politique"… Ça laisse rêveur. Mais on nous objectera bien sûr qu'Internet n'est pour rien là-dedans, qu'il n'est qu'un "outil", etc, etc, etc. On connaît la chanson.