samedi 1 juin 2019

Éloge du rap


« Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale française. » 

Depuis que j'ai appris la nouvelle, je me suis servi un verre de whisky, j'ai commandé trois cents disques de rap, et j'ai envoyé des fleurs à tous les rappeurs français. Le rap a fait du mal à la scène musicale française ? Alleluia ! Gloire aux rappeurs ! Merci à eux ! C'est une véritable catastrophe ? Joie, joie, larmes de joie ! Chants de louanges ! Tous ceux qui "font du mal à la scène musicale française" sont mes amis. Mieux : je suis leur débiteur. 

Si Fred Chichin (musicien) se plaint du rap, c'est que le rap est la panacée. Je ne cherche pas plus loin, je n'ai besoin d'aucun autre bonheur. Faire du mal à la scène musicale française y suffit. Et si ce sont des rappeurs qui lui font du mal, à la scène musicale française, eh bien ils ont ma bénédiction. 

« C'est affreux ! » M. Fred Chichin est triste, en colère, il est révolté, indigné, il est scandalisé, c'est merveilleux, ce jour est béni. 

La scène musicale française a assassiné la musique, il est juste qu'elle périsse de la même façon. La scène musicale française a remplacé la musique, le rap remplace la scène musicale française, et une autre saloperie remplacera le rap. Ce ne sont pas mes oignons. Que les assassins s'arrangent entre eux. Qu'ils se payent sur la bête, qu'ils partagent le cadavre. Toi, Fred Chichin-musicien, tu n'es qu'une des innombrables hyènes qui se sont partagés la charogne. Emporte-là en enfer. 

Sur Facebook, le statut reproduit plus haut a été liké deux cents fois et partagé deux cent fois. Ils sont tous d'accord, ils se scandalisent en plain chant, ils pleurnichent de conserve, ils psalmodient leur tristesse  recto tono, tout à leur indignation d'assassins en meute. Eux qui haïssent la musique de toute leur tripe démocratique, ils trépignent de rage parce que d'autres qu'eux ont suivi leur exemple. Ils voulaient être les derniers, ils voulaient fermer le temple, fiers de leur saccage. Mais c'est qu'ils ont fait école, les crapules ! On s'est dit, dans les banlieues et dans les caves, qu'il n'y avait aucune raison de ne pas imiter d'aussi valeureux profanateurs. À profanation, profanation et demie. Il n'y a pas de limite dans l'abrutissement, il n'y a pas de fin à la saloperie, la passion de l'outrage n'a pas de terme. 

« Qu'ont fait les boomers contre ça ? »

Les boomers ? Eh bien ils écoutaient Bela Bartok et Luciano Berio, pauvre con, pendant que tes parents te nourrissaient d'Indochine et de Jacques Higelin.


PS. Et bien sûr, ils likent ce statut déposé par Joseph Valet…