samedi 9 février 2019

Au commencement était l'amour



Chaque jour, quand je me mets devant le clavier, revient cet incipit, cette clé chiffrée : « Au commencement était l'amour ». Tout ce que j'écris pourrait débuter ainsi. C'est l'immuable point de départ. C'est l'éternel retour de la même cause, et de la cause même. Chaque jour s'ouvre sous le regard de l'amour perdu, forclos, excommunié par le bruit et la température de la crainte, du tohu-bohu réchauffé souffrant.

La seule manière que je connaisse pour que l'amour revienne habiter l'être, c'est la musique. Y en a-t-il d'autres ? Ceux qui aiment la musique sont des êtres éperdus d'amour, toujours. 

« Car il faut que tu saches que, nous autres poètes, nous ne pouvons suivre le chemin de la beauté sans qu'Éros se joigne à nous et prenne la direction : encore que nous puissions être des héros à notre façon, et des gens de guerre disciplinés, nous sommes comme les femmes, car la passion est pour nous édification, et notre aspiration doit demeurer amour… »

Bien sûr, si je dis qu'une des plus belles et profondes manifestations de l'amour nous est donnée dans le premier mouvement des variations opus 27 de Webern, il n'y aura pas grand-monde pour me croire. Raison de plus pour le dire.

Mais le commencement de quoi ?



Je suis vide. Je me raccroche à ce que je peux, à trois mesures de piano, à deux phrases de Platon. Mon propre corps ne fonctionne plus vraiment. Et plus j'avance vers la fin plus le commencement revient, comme le fa-ré-fa-ré lancinant du second mouvement de l'opus 11 de Schœnberg qui refuse de céder… La-si-ré / ré-mi-sol#… Quel clavier ?

Et puis cette merveille de grâce et de douleur :