De quelque côté qu'ils se tournent, les Français de France sont pris à partie par des forces hostiles. Celle de la Clique (gouvernement + caste médiatico-artistique + intellectuels de cour + justice & police) du côté pile, du côté remplaciste, et celle de la racaille du côté face, côté remplaçants. Comment ne pas se sentir trahi, abandonné, quand plus personne ne semble avoir la moindre sympathie pour ce que l'on est, quand tout paraît adverse, défavorable au peuple historique auquel on appartient ? Comment ne pas désespérer quand on se sent exilé dans son propre pays ?
Les Gilets jaunes ont voulu se rendre visibles, ils ont voulu revenir sur la scène politique et historique de la nation française, de laquelle ils avaient été chassés depuis quarante ans. Ce retour intempestif est une faute de goût impardonnable, pour la Clique. Leur cas était réglé, à ces Français de l'ancienne France, on était passé à autre chose. Ils ont la prétention de refuser la transition – non pas écologique, mais – ontologique. Leurs yeux sont ataviquement fixés sur un passé qu'on prétend nier, ou caviarder, un passé encombrant en ce qu'il contredit le nouveau récit, et c'est pourquoi il faut les leur crever. Éborgner les Gilets jaunes est un geste hautement symbolique. Le pouvoir ne supporte pas qu'ils aient ouvert les yeux sur la réalité de la France contemporaine. L'administration avait pris l'habitude de gérer des aveugles enchaînés à leur aphasie ; elle est très en colère de constater que certains ont encore deux yeux en état de marche et un larynx d'où proviennent quelques demandes gênantes. Entre grenades lacrymogènes et flash-ball, ce sont la parole et le regard des Français qu'on cherche à empêcher, c'est le visage des Français qu'on veut défigurer.
Je les admire beaucoup d'être dans la rue chaque samedi, de camper sur leurs ronds-points et leurs positions, de se tenir là, envers et contre tout, malgré la répression odieuse dont ils sont victimes. Je ne suis pas de ceux qui leur reprochent de ne pas se battre pour les bonnes raisons, car je sais que ce qu'ils endurent est insupportable.