mercredi 31 décembre 2014

Les Larmes ascendantes


On n'a pas assez remarqué que le 21 décembre dernier, premier jour de l'hiver, avait été consacré "journée mondiale de l'orgasme". À peu près au même moment, des déséquilibrés se sont mis un peu partout à foncer sur les passants avec leurs automobiles, ou à les agresser au couteau, à la machette ou à la chaîne de vélo. Au moment de passer à l'acte, pour se donner du courage, ils criaient « alaouaque bare » ou quelque chose d'approchant. Évidement, tous les islamophobes enregistrés en ont profité pour prétendre que les crieurs orgasmiques étaient en relation avec une certaine religion inventée six siècles après le christianisme par un certain Ma Omet, ce qui est bien sûr absolument faux. Je les comprends très bien, moi. Quand je passe à l'acte, j'écoute au préalable la voix de Barbara Schlick, pour me donner du courage. Enfin, je veux dire, chacun son truc, merde. Vous voudriez quoi ? Qu'ils se mettent à gueuler : « À l'attaque ! » comme quand enfants nous jouions aux cowboys et aux Indiens ? Juste avant l'orgasme, je suis désolé, mais on fait ce qu'on peut ! J'en connais qui bavent, d'autres qui appellent leur mère, d'autres encore qui récitent un rosaire, et j'ai même connu une femme qui avait toujours un vers de René Char à la bouche, dans ces moments-là. Tout cela est éminemment privé, et ne regarde personne. La sainte Laïcité est à ce prix et me contredire à ce sujet n'est pas une opinion…

Il va de soi que nous entrons tout simplement dans le Grand Déséquilibre Général. Il est donc tout à fait normal que des individus qui seront de plus en plus nombreux se jettent à corps perdu dans cette nouvelle danse qui va, en quelques mois, devenir nationale, puis continentale, et qui finira sans doute par être mondiale. La mode va si vite, de nos jours ! Ces valeureux pèlerins font seulement monter les larmes vers le ciel, ce qui est bien la moindre des choses, dans le monde qui est le nôtre, ce monde qui n'est pas une opinion mais un délit.

Il y a quelques années, j'avais essayé de lancer la journée du Clitoris gelé, mais je dois admettre mon échec. Certains esprits chagrins ont pourtant prétendu que cette journée était curieusement concomitante avec la destruction des Twin Towers de New-York, mais cette concomitance était purement fortuite, il serait facile pour moi de le prouver. Toujours est-il que l'idée d'un Déséquilibre turgescent est née à cette époque-là. Il est possible qu'il soit plus adapté de parler d'hystérie que de turgescence, mais le clitoris et les gratte-ciels américains, saloperie de bordel de merde à queue, c'est tout de même pas une descente de lit sale ! Bref, il y a des bides dont on peut se vanter, comme je dis toujours à Léonie pour me donner du courage.

J'espère que vous connaissez la différence entre un stalactite et un stalagmite. Toute la question est de savoir si ça monte ou si ça descend. Les braillards pré-orgasmiques ne font pas la différence : ils voient un manche dressé devant leurs yeux et ils actionnent la trompe à postillons. Les de Souche, n'aimant pas les postillons, se mettent aussitôt en position de moines arctiques et sacrificiels, ce qui, évidemment, agace et effraie prodigieusement les adorateurs du Grand Stalagmite doré. On ne peut évidemment pas prétendre que l'orgasme qui en résulte soit de première qualité, mais, faute de grives, on mange des merles.

Quand j'étais petit, j'aimais beaucoup jouer de l'orgue. Tous ces grands tuyaux qui montent vers le ciel, ça m'inspirait et ça me donnait du courage. J'aurais bien aimé avoir de l'asthme, pour compléter le tableau, mais mon Dieu n'a pas voulu que j'arrive au Paradis par cette voie là. Alors, chaque année, à l'Ascension, je souffle sur le monde pour le pousser vers la plus proche sortie et je remets sur le tourne-disque le scherzo du quatuor avec piano de Robert Schumann.